Accueil A la une Tabarka : Une culture à l’agonie

Tabarka : Une culture à l’agonie

Une chose est sûre : Tabarka, cette belle station balnéaire de la côte Nord-Ouest, est en train de s’étioler, perdant, au passage, tout ce qui faisait autrefois son originalité, son identité même. Et d’ici peu, elle risque de se retrouver, totalement, à l’arrêt.

La Presse — En 2023, les organisateurs du festival de Jazz de Tabarka ont annoncé l’annulation de la 20e édition, faute «de subventions publiques suffisantes». Ils reconnaissent, en effet, que les moyens dont ils disposent sont trop timides pour «lui garantir les conditions que méritent sa renommée internationale». Une décision malheureuse qui a alimenté les interprétations, même les plus invraisemblables.

Certaines personnes ont pensé que c’était un simple contretemps financier, ou une mise en parenthèse conjoncturelle, alors que d’autres, plus réalistes certainement, ont prédit le pire. On parle ainsi d’une culture qui dérange et, plus triste encore, d’un sabotage bien planifié. Une prédiction qui sera prise avec beaucoup plus de sérieux, en 2024, avec l’annulation, encore une fois, de cette manifestation phare, et pour les mêmes raisons, dit-on !

Il a fallu, toutefois, attendre 2025, pour que cette question de malveillance prenne toute sa mesure. Des sources plutôt crédibles viennent d’affirmer que le festival de Jazz, qui a réussi à transformer la ville du corail en centre musical régional et international, a tiré définitivement le rideau. Sans suite et sans aucun détail ! Et sans aucune réaction, surtout de ceux qui se sont toujours accordé le droit de tutelle.

Une gestion malintentionnée

Un beau gâchis pour un festival qui, malgré un budget limité, a réussi, tout de même, à attirer des artistes de renom. Léo Ferré, Barbara Hendricks, Kool and the Gang, Billy Paul, Lucky Peterson… C’est donc tout un pan de notre mémoire culturelle collective qui vient de s’écrouler.

Et ce qui confirme encore plus cette question de sabotage culturel, c’est que l’annulation n’est pas un acte isolé. On se rappelle certainement du blocage du festival international de la photo sous-marine, Coralis, à sa sixième édition, alors qu’il a réussi, après quelques années seulement, à assurer, à, la ville du corail, un réel rayonnement international, pour intégrer même le top 10 mondial (6e rang).

On retient également la marginalisation, progressive, du festival international de Tabarka, tout un symbole aussi bien pour la ville que sa population. D’ailleurs, la 60e édition de 2024 a failli être annulée, en raison d’un budget dérisoire de 160 mille dinars, insuffisant pour financer même un spectacle de cabaret !

Pourtant, dans les années 60, au moment même où émergeaient les premiers festivals d’été, Tabarka était considérée, déjà, comme l’une des destinations culturelles et musicales par excellence et se distinguait même par son slogan ou plutôt son propre label « ne pas bronzer idiot», création de Lotfi Ben Hassine.

Un statut donc bien particulier que justifie la reproduction des plus grands noms de la chanson arabe et orientale. Il suffit de citer le concert d’Abdelhalim Hafez, en 1968, pour en mesurer l’importance.

Aujourd’hui, ce rendez-vous annuel incontournable est devenu malheureusement un simple passage culturel. Inodore et incolore. C’est, somme toute, un diagnostic désolant, car cette marginalisation de l’activité culturelle de la ville de Tabarka serait certainement très lourde de conséquences, notamment en termes d’attractivité et de visibilité touristique.

Sans parler, bien entendu, d’un manque à gagner assez conséquent pour le produit para-touristique. Aujourd’hui, une chose est sûre : la belle station balnéaire de la côte Nord-Ouest est en train de s’étioler, perdant, au passage, tout ce qui faisait autrefois son originalité. Elle semble sombrer, de plus en plus, dans le découragement et le désespoir. 

Et à défaut d’une réaction urgente, elle risque de se retrouver, totalement, à l’arrêt. 

Une vérité inquiétante, mais surtout en contradiction avec la nouvelle politique nationale mise en place. On se souvient, que lors de sa visite récente à Dahmani, le Chef de l’Etat a réaffirmé la nécessité non seulement de respecter l’héritage sinon le patrimoine culturel de nos régions mais également de chercher constamment à le revaloriser.

Car, il est question de richesses nationales bien précieuses.Un engagement qui nous autorise, tout de même, de positiver et d’espérer toujours.  Et partant, on espère que le projet «Costa Coralis», programmé depuis quelques années déjà, pourrait constituer une belle opportunité pour relancer la dynamique culturelle et touristique de la ville. Sauf que, là aussi, la déception pourrait être profonde. C’est que certaines personnes parlent de contraintes, notamment financières et administratives infranchissables. Un bel alibi pour les architectes malintentionnés de planifier le transfert de ce mégaprojet ailleurs, comme c’était le cas avec d’autres projets. 

Heureusement, on n’en est pas encore là.   

Charger plus d'articles
Charger plus par Anis SOUADI
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *