
À travers toute la Tunisie, une nouvelle génération de femmes et de jeunes porteurs de changement redessine les contours de l’avenir du pays. Non pas dans les cercles politiques ou les salles de conseil, mais dans les ruelles de la Médina, les centres communautaires et les ateliers créatifs.
C’est une rébellion remarquable dans un pays où les chiffres racontent souvent une réalité sombre : un taux de chômage des jeunes avoisinant les 40 %, des diplômés de l’université confrontés à un marché de l’emploi morose, et bien que les femmes représentent 67 % des diplômés de l’enseignement supérieur, seules 25 % d’entre elles occupent un emploi formel. Entre des sites patrimoniaux en manque de financement et des artisanes rurales marginalisées, le potentiel de la Tunisie semble douloureusement inexploité.
Mais ce que les statistiques ne disent pas, c’est qu’il existe une génération de femmes tunisiennes et de jeunes entrepreneurs qui refusent de laisser ces défis définir leur avenir. Ils ne comptent pas attendre les réformes économiques : ils choisissent de rêver en couleurs – et surtout d’agir.
C’est cette dynamique que met en lumière la cinquième saison de Dreaming in Color, une série de podcasts produite par The Bridgespan Group, consacrée aux leaders issus de la diversité dans le monde entier. Deux des dix épisodes de cette saison sont centrés sur la Tunisie, offrant des récits inspirants et des modèles de changement.
Dans l’épisode 2, on découvre Leila Ben-Gacem, ingénieure biomédicale devenue entrepreneure sociale, qui a vu dans les bâtiments patrimoniaux en ruine une opportunité de développement économique et de revitalisation communautaire. À travers des embauches inclusives, des collaborations avec des artisans locaux et le soutien à l’éducation des jeunes, elle s’assure que les profits génèrent également un impact social et environnemental. Son travail dans la Médina montre comment un lieu peut devenir un véritable espace vivant de mémoire, de migration et de cohabitation, tout en générant des opportunités économiques.
« Je pense que les entreprises doivent être rentables, mais la rentabilité ne se limite pas à l’aspect financier. Il faut aussi un bénéfice social. Il doit y avoir un retour sur investissement social. Créer des entreprises qui équilibrent rendement financier et impact social, communautaire et environnemental est tout aussi essentiel que le profit économique. C’est ainsi que l’on construit l’harmonie sociale », explique-t-elle dans son épisode.
Dans l’épisode 9, Farah Mami, entrepreneure, investisseuse à impact et philanthrope, explore ce que signifie diriger avec le cœur. Élevée entre Paris et Tunis, elle crée aujourd’hui un hub pour aider chacun – en particulier les femmes, les artistes et les minorités – à se reconnecter à leur vocation profonde et à développer des projets alignés sur leurs valeurs. Elle voit en la Tunisie une source de talents et de créativité inépuisable, et croit que des initiatives communautaires bien pensées peuvent propulser le pays à l’échelle mondiale.
« Pour moi, le leadership est un apprentissage du vivre ensemble, surtout quand on préside une organisation comme YPO, où tous les membres sont déjà des PDG. Il est important d’aider les femmes à affirmer leur empreinte, à faire avancer leurs idées, à créer des communautés autour d’elles. C’est une manière d’apprendre sur soi et sur les autres. C’est un peu comme composer une œuvre collective », partage-t-elle.
En tant que présidente du chapitre tunisien de YPO(Young Presidents’ Organization), Farah conjugue leadership biculturel, innovation et engagement pour faire émerger des espaces où l’entrepreneuriat se met au service du sens et non de la seule rentabilité.
Les récits de Leila et Farah arrivent à un moment crucial. Les secteurs créatif et culturel de la Tunisie ont un potentiel unique pour favoriser une croissance inclusive, mais restent souvent en marge. Ces deux femmes prouvent que le patrimoine et le potentiel humain peuvent – et doivent – être au cœur du développement économique.
Comme le souligne Darren Isom, animateur du podcast et partenaire chez The Bridgespan Group :
« La beauté, l’ambition et la jeunesse du continent africain transparaissent dans chacune de ces conversations. Elles nous rappellent pourquoi l’Afrique est au cœur du leadership mondial de demain. La relève est déjà là – et quel avenir prometteur ! »
Quand la jeunesse n’a pas d’espace pour contribuer, nous perdons la transmission de la sagesse générationnelle. Dans un pays au patrimoine aussi riche que la Tunisie, ce serait une perte inestimable. Mais l’espoir réside dans l’action. Et ces histoires nous rappellent que l’avenir de la Tunisie se construit à la main, dans chaque choix audacieux et conscient de ses citoyens.
D’après Communiqué