Accueil Culture La céramique contemporaine rayonne au Palais Kheireddine : Quand l’argile prend vie

La céramique contemporaine rayonne au Palais Kheireddine : Quand l’argile prend vie

Entre tradition millénaire et audace artistique, la céramique contemporaine s’impose cette année encore au cœur de la Médina de Tunis. Le Salon international de la céramique contemporaine, qui investit le somptueux Palais Kheireddine jusqu’au 15 juillet 2025, met à l’honneur près de 64 œuvres, façonnées par des artistes de renom comme par une jeune génération en pleine éclosion.

C’est dans le cadre prestigieux du Musée de la Ville de Tunis, niché dans le Palais Kheireddine, que se tient la 8e édition du Salon international de la céramique contemporaine. Inauguré le 20 juin en présence de nombreux artistes et passionnés d’art, l’événement propose jusqu’au 15 juillet une immersion dans l’univers fascinant de la céramique, à travers des sculptures, des installations et des œuvres murales riches en techniques et en matériaux.

Organisé par l’Union des Artistes Plasticiens Tunisiens (Uapt), en partenariat avec l’Association Tunisienne des Arts et de la Médiation (Atam) et la municipalité de Tunis, le Salon bénéficie du soutien du ministère des Affaires Culturelles. Sous le commissariat de la céramiste et universitaire Sarra Ben Attia, l’édition 2025 rassemble des artistes venus de cinq pays— Tunisie, Egypte, Irak, Arabie Saoudite et France — offrant ainsi un dialogue créatif entre les cultures.

Parmi les œuvres phares de cette édition, l’installation «Naissance» de Mohamed Khalil Kadri, jeune diplômé des Beaux-Arts de Tunis, capte l’attention dès l’entrée. Inspirée par les écrits de Gaston Bachelard, sa sculpture de coquilles d’œuf en terre cuite émaillée symbolise le passage de la protection à l’indépendance. L’artiste confie avoir construit son projet autour des quatre éléments — terre, eau, air et feu— pour traduire, à travers la matière, une quête de sens et d’identité.

À ses côtés, Lobna Anen, habituée du Salon, présente «Fleur d’inconnu», une œuvre en céramique blanche conçue selon la technique japonaise du Raku. Portée par un travail d’accumulation et de compression, elle dévoile une démarche introspective traduisant des «sentiments secrets». Diplômée en 2010, l’artiste continue de perfectionner son art entre tradition et innovation.

Wissam Gharsallah, président de l’Uapt, revient sur la genèse du Salon, né en 2018 dans la foulée d’un symposium international de la céramique murale. Depuis, l’événement n’a cessé de croître, attirant chaque année davantage de participants — exception faite de l’année 2020 marquée par la pandémie. Il souligne la qualité croissante des œuvres exposées, tant sur le plan technique qu’esthétique, et salue l’implication de la commissaire Sarra Ben Attia dans l’accompagnement des jeunes artistes.

La céramique reste cependant un art exigeant, nécessitant des équipements spécifiques (atelier, fours, matières premières) et un véritable engagement de ses praticiens. Sarra Ben Attia alerte sur le manque de céramistes en Tunisie, et rappelle l’importance de soutenir la relève à travers les écoles d’art, les expositions et les résidences.

C’est dans cette optique que le Salon offre une visibilité à des étudiants en master et doctorat, issus notamment de l’Isbat, ainsi qu’à des artistes issus du Centre des arts vivants de Radès ou de l’Atam. La commissaire insiste sur la diversité des genres exposés — abstrait, figuratif, expressionniste — et sur la volonté de créer des ponts entre générations.

Bien que quelques participations aient été compromises en raison de perturbations aériennes et du contexte géopolitique au Proche-Orient, cinq artistes étrangers ont pu rejoindre l’aventure. Une preuve, s’il en fallait, de la place que le Salon occupe sur la scène artistique internationale. Membre de l’Académie internationale de la céramique de Genève — seule représentante du Maghreb —, Sarra Ben Attia milite activement pour faire connaître l’héritage céramique tunisien. Elle voit dans cet événement un tremplin pour attirer artistes, curateurs et amateurs du monde entier en résidence ou en visite.

Aux côtés du Salon de la céramique, l’Uapt organise également deux autres temps forts de la scène artistique tunisienne : le Salon national des artistes plasticiens  et le Salon tunisien d’art contemporain. Ce dernier, récemment clôturé, a accueilli plus de 450 œuvres, dont 130 ont été acquises par des institutions et 30 par des collectionneurs privés. Une dynamique prometteuse, malgré les défis structurels que déplore Gharsallah, notamment la « négligence » du ministère de tutelle.

À travers les gestes ancestraux et les recherches contemporaines, la céramique s’affirme comme un art vivant, puissant, et porteur de sens. En réunissant diversité culturelle, engagement artistique et savoir-faire technique, le Salon international de la céramique contemporaine confirme son statut de rendez-vous incontournable pour les amoureux de l’art, tout en affirmant la Tunisie comme une terre de création et de transmission.

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