
La côte de la banlieue nord de la capitale est ponctuée de stations dont la renommée dépasse largement nos frontières. La Goulette, Carthage, Sidi Bou Saïd, La Marsa et même cette autre Gammarth jouissent d’une grande renommée à l’échelle de la Méditerranée et même bien au-delà.
Ce prestige trouve sa justification dans leur position au balcon de l’Histoire qui domine les flux entre les deux bassins de Mare Nostrum. Témoins et bien des fois acteurs d’une épopée qui a déterminé décisivement des étapes majeures de l’épopée humaine, ces localités ont hérité d’un prestige resté intact à travers les siècles. Et donc jusqu’à nos jours. Et cela aussi bien auprès des nationaux que des étrangers dont le nombre va croissant avec le développement de l’industrie touristique.
On se rend là pour l’histoire dont les traces se sont presque toutes effacées mais dont l’espace est toujours nimbé de la magie des gloires passées ou bien pour une ambiance et un art de vivre qui embaument les cœurs et les esprits et les plongent dans un véritable bain de régénération. Oui, mais quid des localités « intercalaires » dans l’espace et dans le temps sur cette côte ?
Nous parlons de La Goulette Neuve et de La Goulette Casino, de Kheireddine, de l’Aéroport, du Kram, de Byrsa (anciennement Douar ech-Chatt), de la Présidence (anciennement Sainte Monique) de Sidi Dhrif (anciennement L’Archevêché) ou de la Corniche ? Leur architecture et leur organisation urbaine donnent à croire qu’il ne s’agit là que de simples prolongements, des extensions relativement récentes, des « excroissances » en somme de leurs ainées.
Ce qui est hâtif et préjudiciable à une mémoire qui persiste en dépit du voile qui a été jeté sur leur passé et qui les a relégués au statut de quartiers satellites.
Il est vrai que la naissance de toutes ces agglomérations venues s’incruster dans le paysage agreste de la campagne goulettoise, carthaginoise ou marsoise qui s’étendait quasiment d’un seul tenon à travers tout cet espace ne remonte pas à plus d’un siècle et demi. Leurs toponymes originels témoignent qu’elles sont de création coloniale.
Mais ce siècle et demi est chargé d’une histoire qui mérite d’être connue. A travers quoi ? A travers un patrimoine qui, certes, a été noyé dans la banalité d’un paysage urbain d’une affligeante indigence artistique et fonctionnelle, des lambeaux de demeures et d’espaces somptueux qui ont été ainsi ravis à l’originalité et à l’attractivité de l’endroit. Mais aussi à travers un travail d’investigation et des actions sur le terrain pour en établir un relevé exhaustif afin de le traduire en circuits touristiques.
La valorisation de ce patrimoine enrichirait par sa diversité le produit touristique de la banlieue nord. Surtout elle contribuerait à enraciner plus fortement les populations locales dans une identité dont l’absence est un facteur de fragilisation des liens sociaux entre les gens d’une même aire géographique.