
Les conclusions de l’atelier économique organisé par l’Union Arabe des Engrais (UAE) du 24 au 26 juin 2025 à Tunis, en partenariat avec le Groupe Chimique Tunisien (GCT) et sous l’égide de la ministre de l’Industrie, viennent d’être rendues publiques. Sous le thème « Gestion des chaînes d’approvisionnement, logistique, crédits documentaires et contrats », les recommandations issues de cette rencontre ambitionnent de renforcer la résilience et l’intégration des systèmes logistiques dans le monde arabe, à travers des mécanismes technologiques et une coordination interétatique accrue.
Parmi les propositions phares figure la création d’une plateforme arabe centralisée de partage d’informations commerciales et logistiques, destinée à améliorer la transparence entre les membres de la Fédération des producteurs d’engrais. Cette structure devrait être complétée par des plans d’urgence pour faire face aux crises géopolitiques, aux catastrophes naturelles ou aux variations des prix des matières premières et de l’énergie. L’objectif est d’éviter toute interruption d’approvisionnement et contenir l’impact inflationniste.
L’instauration d’un système de veille fondé sur l’analyse prédictive des données est également préconisée, tout comme l’organisation d’exercices de simulation virtuelle exploitant l’intelligence artificielle pour tester la robustesse des chaînes logistiques. L’optimisation de l’interconnexion maritime entre les ports, la coordination des transports multimodaux, ainsi que la création de hubs logistiques intelligents reliés aux infrastructures ferroviaires et routières figurent aussi parmi les priorités.
L’atelier a insisté sur la nécessité d’automatiser les procédures douanières via l’intégration numérique des systèmes nationaux. Une attention particulière a été portée à la formation continue des équipes exportatrices à la bonne utilisation des Incoterms® 2020, ainsi qu’à leur intégration systématique dans les contrats et factures pro forma afin de prévenir les litiges. L’usage d’outils d’intelligence artificielle dans la gestion du transport maritime et la mise en place d’un assistant numérique intelligent au sein des usines figurent parmi les innovations recommandées.
Par ailleurs, les participants ont appelé à la mise en place d’un portail unifié piloté par l’IA recensant les matières premières nécessaires à la fabrication d’engrais, pour en améliorer la distribution entre les pays arabes. L’intégration de l’Internet des Objets (IoT) dans les usines est également envisagée pour suivre la performance des équipements, anticiper les pannes et améliorer la maintenance.
Dans son allocution inaugurale, la ministre tunisienne de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, Fatma Chiboub, a souligné l’importance stratégique du secteur des fertilisants, qu’elle a qualifié de levier essentiel pour la souveraineté agricole et la sécurité alimentaire des pays arabes. Elle a rappelé que le monde arabe produit plus de 20 % des engrais phosphatés mondiaux et détient plus de 70 % des réserves planétaires, faisant de la région un acteur incontournable de la filière.
La ministre a défendu une feuille de route pour une intégration régionale fondée sur des partenariats durables, une cartographie industrielle commune, le développement d’engrais écologiques et la consolidation des infrastructures logistiques à travers des corridors transfrontaliers. Elle a insisté sur la nécessité de mutualiser les expertises, de favoriser les investissements privés, et d’harmoniser les réglementations commerciales afin d’accroître les échanges intra-arabes.
Elle a également appelé à transformer les crises actuelles – qu’elles soient climatiques, énergétiques ou géopolitiques en opportunités pour renforcer la coopération régionale. Elle a évoqué l’importance d’un cofinancement des projets structurants et d’une meilleure mobilisation des compétences locales pour relever ces défis collectifs. La Tunisie, a-t-elle déclaré, entend jouer un rôle moteur dans cette dynamique, forte de son expérience dans la valorisation des phosphates.
Prenant la parole à son tour, Hédi Youssef, directeur général du Groupe Chimique Tunisien, a souligné la portée stratégique de la rencontre. Il a mis en avant la nécessité de repenser les modèles économiques traditionnels à l’heure des bouleversements structurels de l’économie mondiale. Il a rappelé que le secteur des engrais phosphatés représente un pilier fondamental de la sécurité alimentaire, tant au niveau régional qu’international, et que la Tunisie, par l’intermédiaire du GCT, y joue un rôle central.
L’intervenant a évoqué les enjeux croissants liés aux dérèglements climatiques et à la demande mondiale en produits agricoles. Il a affirmé que le GCT transforme les ressources naturelles en produits à forte valeur ajoutée, contribuant ainsi à l’autosuffisance nationale. Il a conclu en soulignant que cette rencontre constitue une plateforme stratégique de renforcement des compétences des cadres, mais aussi un espace de réflexion commune sur les évolutions futures du secteur.