
Souvent négligée, la culture financière s’impose aujourd’hui comme un levier essentiel de l’inclusion sociale et économique. Si le programme national d’éducation financière a permis d’amorcer une nouvelle dynamique en Tunisie, le chantier reste vaste et s’inscrit dans une démarche de long terme.
La Presse — Dans les nouvelles économies de marché centrées sur le comportement du consommateur, la culture financière peut constituer un levier essentiel pour la mise en œuvre des politiques monétaires et budgétaires. Plusieurs études menées à travers le monde ont, d’ailleurs, mis en évidence sa contribution à la réalisation des objectifs financiers et économiques assignés, tels que l’inclusion financière, le développement des marchés financiers ou encore de l’entrepreneuriat.
Contre la marginalisation financière
En effet, la culture financière englobe l’ensemble des connaissances et compétences permettant à un individu de prendre des décisions saines et éclairées concernant ses finances. Ce concept rappelle l’importance de l’éducation financière, à la fois comme rempart contre la marginalisation financière des individus et comme bouclier face aux crises et aux chocs économiques.
À titre d’exemple, une étude réalisée au Royaume-Uni a révélé que si tous les adultes recevaient une éducation financière à l’école, plus de 76 mille entreprises supplémentaires pourraient être créées chaque année. Une pleine conscience financière implique en effet une meilleure inclusion, un esprit entrepreneurial plus développé, une gestion optimisée des revenus, une bancarisation accrue ainsi qu’une pénétration plus large de l’assurance.
« Un citoyen conscient financièrement protège sa famille des crises, l’épargnant contribue au renforcement de l’économie nationale, la femme instruite financièrement devient un acteur clé du développement et le jeune qui maîtrise les outils numériques et l’intelligence artificielle devient un créateur d’opportunités plutôt qu’un demandeur d’emploi », a déclaré récemment le gouverneur de la Banque centrale, Fethi Zouhair Nouri, lors de la Conférence arabe sur l’épargne et l’éducation financière. Bien que relativement récente, cette notion révèle encore de profonds écarts entre les pays, comme en témoignent les enquêtes menées par l’Ocde et d’autres institutions internationales.
En Tunisie, une étude réalisée en 2018 a d’ailleurs été à l’origine du lancement d’un programme dédié à la promotion de la culture financière, piloté par l’Observatoire de l’inclusion financière (OIF). Les résultats ont révélé un faible niveau d’éducation financière chez les Tunisiens : près de 53 % n’ont pas obtenu la moyenne au test, avec un score moyen de 3,1 sur 7.
Pour une meilleure prise de décision
L’enquête a également mis en lumière une disparité entre les sexes : la moyenne était de 2,7 pour les femmes, contre 3,3 pour les hommes. Ces constats ont conduit à l’adoption d’une stratégie nationale d’inclusion financière pour la période 2018-2022, ainsi qu’au lancement du programme national d’éducation financière.
Il vise à sensibiliser les citoyens tunisiens aux questions financières, afin de mieux les outiller avant toute prise de décision. Parmi ses objectifs : la promotion d’une culture économique de base, l’ancrage de l’entrepreneuriat, l’incitation à la bancarisation et l’adhésion aux services financiers, autant de piliers du développement et de l’intégration sociale.
Selon Raja Dahman, directrice générale de l’OIF, les efforts engagés dans ce cadre ont permis de relever certaines lacunes persistantes, telles que la difficulté à comprendre les termes financiers chez de larges franges de la population, ou encore le manque d’adhésion à l’épargne et à l’assurance.
Si le programme a permis de vulgariser certains concepts, notamment auprès de certaines catégories sociales telles que les femmes rurales, beaucoup reste à faire pour ancrer durablement cette culture au sein de la société tunisienne. Il s’agit d’un travail de longue haleine, comme le souligne Dahman. C’est pourquoi le programme sera élargi pour inclure les jeunes et les PME.
Les réseaux sociaux et les canaux de communication digitaux peuvent assurément jouer un rôle déterminant dans cet effort. Car in fine, l’ancrage de cette culture ne peut qu’améliorer l’inclusion financière et se répercuter positivement sur l’économie nationale et le développement d’une manière générale.