Accueil Culture FIH – Hind Ennaira & Djazia Satour : Quand la scène devient un manifeste

FIH – Hind Ennaira & Djazia Satour : Quand la scène devient un manifeste

Deux présences. Deux femmes qui font de la musique un terrain de résistance et d’affirmation.

Il est des soirées qui laissent des empreintes, non pas seulement pour ce qu’elles donnent à voir ou à entendre, mais pour ce qu’elles réveillent. Celle du 13 juillet à Hammamet fut de celles-là. Deux voix. Deux présences. Deux femmes qui font de la musique un terrain de résistance et d’affirmation.

C’est la Marocaine Hind Ennaira qui ouvre le bal, portée par l’énergie brute d’une transe qui ne triche pas. Entourée de ses musiciens, chanteurs et danseurs, elle déborde de vitalité. Tout vibre — les rythmes, les corps, les étoffes chamarrées — dans une célébration organique des cultures sahariennes, gnawa et amazigh. Elle ne chante pas, elle invoque. A chaque morceau, elle traverse les frontières, entre spiritualité et fête, mémoire et fête foraine.

Les titres «Fongoro», «Folani Hirisa», «Baba Mimoun», «Sandia» résonnent comme des mantras populaires, hypnotiques. Les youyous ponctuent le tempo, les sourires se partagent et l’amphithéâtre devient espace de communion. Hind Ennaira rit, interpelle, remercie son public tunisien avec cette familiarité propre aux artistes qui ne jouent pas un rôle : elle est, tout simplement.

Dans un univers longtemps dominé par les voix masculines, elle affirme avec grâce et puissance la légitimité d’une parole féminine dans la tradition gnawa. Le concert de Hammamet ne fut pas une exception, mais une continuité dans une trajectoire où la singularité devient force.

Puis, le relais se fait sans rupture, mais avec une tension nouvelle. Celle du verbe, de la conscience, de la colère contenue. Djazia Satour entre en scène, kuffiya rose et noire en signe de ralliement, et avec elle, un souffle grave. Ses chansons, profondément enracinées dans le chaâbi algérien et les musiques populaires du Maghreb, portent haut l’exigence de justice et de mémoire.

Avec «Idh», elle offre une prière musicale au peuple palestinien. Elle dit le crime, le silence complice, la dépossession. Elle chante pour ceux qui n’ont plus de voix. Et dans cette voix-là, vibrent des siècles de luttes, de migrations, d’exils.

«Naghmat Riah», «Loun Liyam», «M’Siria» : le public, captif, suit ses mélodies comme on suit un récit. Elle parle d’humanité, de douleurs transversales, de dignité. Et conclut avec un morceau en anglais contre l’esclavage, comme un pont entre les luttes passées et présentes.

Ce fut un concert rare. Une soirée habitée. Une scène transformée en tribune, sans jamais cesser d’être une fête. Ce soir-là, à Hammamet, deux femmes ont pris la parole. Et elles ne l’ont pas rendue.

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