
Dépression et sentiment de mal-être profond poussent visiblement plus d’une personne à recourir, sans crier gare, aux psychotropes et autres antidépresseurs, créant un malaise général pour les pharmaciens, les psychiatres réfractaires … Qui paie la facture de telles dérives et pratiques illicites, au point de constituer un danger et une menace croissante pour la santé publique ?
La Presse — Le phénomène n’est pas nouveau, mais prend une ampleur considérable, ces derniers temps sous nos cieux; celui ayant trait à l’automédication suivant un axe dangereux sur la santé du patient, porté sur des médicaments souvent prohibés et soumis à une stricte remise d’une ordonnance médicale en bonne et due forme.
Désormais, la Tunisie est confrontée à une problématique de santé publique de plus en plus préoccupante. Celle de l’augmentation alarmante de la consommation de médicaments psychotropes et antidépresseurs sans prescription médicale. Ce phénomène, aux conséquences potentiellement dévastatrices, touche toutes les couches de la société et met en lumière les défaillances des systèmes de régulation et de sensibilisation.
Longtemps perçus comme des aides précieuses pour traiter les troubles mentaux, les psychotropes incluant anxiolytiques, hypnotiques, antipsychotiques et les antidépresseurs sont devenus, pour certains, de véritables drogues de substitution. Leur accès facile via le marché noir, certaines pharmacies peu scrupuleuses ou même des réseaux informels sur les réseaux sociaux, contribue à cette dérive dangereuse.
Dangers de l’automédication détournée
La prise de ces médicaments sans l’avis et le suivi d’un professionnel de la santé expose les individus à des risques majeurs. Outre les effets secondaires indésirables comme la somnolence excessive, les troubles de la coordination ou les nausées, une consommation non contrôlée peut entraîner plusieurs effets nocifs.
Pour commencer, celui de la dépendance physique et psychologique. Beaucoup de ces substances sont hautement addictives, menant à un cercle vicieux où l’utilisateur a besoin de doses toujours plus fortes pour ressentir les mêmes effets. S’ensuit l’aggravation des troubles sous-jacents. Plutôt que de soigner, l’automédication peut masquer ou même aggraver des pathologies mentales existantes, retardant un diagnostic et un traitement appropriés.
Il y a aussi des risques de surdosage et d’interactions médicamenteuses fatales. Sans connaissance des dosages et des interactions avec d’autres substances, y compris l’alcool ou d’autres drogues, le risque de complications graves, voire mortelles, est considérablement accru. L’impact sur la santé mentale à long terme ne doit pas être sous-estimé non plus. L’usage abusif peut altérer les fonctions cognitives, provoquer des troubles de l’humeur persistants et détériorer la qualité de vie générale.
Plusieurs facteurs semblent alimenter cette tendance en Tunisie. Parmi eux, le stress et les pressions socioéconomiques. La situation économique difficile et les incertitudes quotidiennes poussent certains individus à chercher des échappatoires dans ces substances. Mais d’autres manquements ont tendance à compliquer la situation globale.
Causes d’un phénomène complexe
Le manque de sensibilisation à ce niveau est un élément à considérer, qui empêche de remédier à l’aggravation de la situation. Une méconnaissance des dangers associés à l’automédication et des effets spécifiques de ces médicaments contribue à leur usage abusif. L’accès limité aux soins de santé mentale crée un malaise généralisé.
Le tabou entourant la santé mentale et le manque d’infrastructures et de professionnels spécialisés poussent certains à l’automédication plutôt que de chercher une aide professionnelle. La facilité d’approvisionnement favorise l’expansion du fléau. L’existence d’un marché parallèle prospère et la complaisance de certains acteurs de la chaîne de distribution rendent ces médicaments facilement accessibles.
Appel à l’action à travers la sensibilisation
Face à l’ampleur du problème, une réponse concertée et multiforme est impérative. Les autorités sanitaires, en collaboration avec les forces de l’ordre, les organisations de la société civile et les professionnels de la santé, doivent intensifier leurs efforts sur plusieurs fronts. Le renforcement du contrôle et de la répression doit pouvoir mettre un terme au trafic illicite de ces médicaments et sanctionner sévèrement les pharmacies et les individus qui les vendent sans prescription.
Les campagnes de sensibilisation massives permettraient d’informer le grand public sur les dangers de l’automédication, les effets secondaires des psychotropes et antidépresseurs, et l’importance de consulter un médecin. L’amélioration de l’accès aux soins de santé mentale pourrait démystifier les maladies mentales, développer les infrastructures de soins, former davantage de professionnels et faciliter l’accès à un accompagnement psychologique et psychiatrique.
Le soutien aux victimes peut être efficace, par la mise en place de programmes de désintoxication et de réhabilitation pour les personnes dépendantes, en leur offrant un suivi médical et psychologique.
La consommation illégale de psychotropes et d’antidépresseurs représente une menace sérieuse pour la santé et le bien-être de la population tunisienne. Il est temps d’agir collectivement pour prévenir cette épidémie silencieuse et protéger l’avenir des générations à venir.