Accueil Culture «Al-Qawwâla» de Hatem Ferchichi au festival international de Monastir : Le verbe, la voix, la transe

«Al-Qawwâla» de Hatem Ferchichi au festival international de Monastir : Le verbe, la voix, la transe

Depuis des années, Hatem Ferchichi tisse, avec patience et audace, une œuvre qui honore les traditions tout en les projetant dans l’avenir. Son projet est une traversée qui emprunte aux maqâms tunisiens, puise dans les modes soufis et dialogue avec les arrangements occidentaux.

La Presse —Au cœur du Ribat de Monastir, un souffle ancien a repris vie. C’était un rituel, un appel vibrant des profondeurs du patrimoine soufi tunisien, revisité avec une tendresse savante par le cheikh et musicien Hatem Ferchichi. Son dernier projet, «Al-Qawwâla », produit par l’Association du festival international de Monastir, est une offrande à la mémoire sonore de la Tunisie, portée par une vision résolument contemporaine.

Depuis des années, Hatem Ferchichi tisse, avec patience et audace, une œuvre qui honore les traditions tout en les projetant dans l’avenir. Son projet est une traversée. Elle emprunte aux maqâms tunisiens, puise dans les modes soufis et dialogue avec les arrangements occidentaux. Le tout dans un équilibre mystique, entre le sacré et l’esthétique.

Dans «Al-Qawwâla», les voix ne chantent pas seulement : elles disent, elles déclament, elles incarnent. Car «Al-Qawwâla», dans son sens ancien, désigne ceux qui « disent du beau», qu’il s’agisse de poésie, de prose ou de chant. Ferchichi rend hommage à cette tradition orale et musicale en réunissant certains des plus grands noms du chant soufi tunisien : Mazri Haj Ali, Hamdi Chelghmi, Fadhel Daâmi, Yosri Boussaïd et Mohieddine Esstambouli.

Un ensemble dirigé avec finesse par le musicien et arrangeur Rawad Rahouma, accompagné du percussionniste Hamadi Jellad et mis en scène par Badii Korbi. Le spectacle s’articule autour de 11 chansons, certaines puisées dans la mémoire collective tunisienne, d’autres entièrement réécrites pour l’occasion.

On y reconnaît les modes traditionnels comme le Rast Dheyel, le Raml, le M’hayer Sikah, le Nawa ou le M’azmoum, auxquels s’ajoute un seul mode oriental, le Kordi. Ces choix musicaux traduisent une recherche précise, presque savante, mais jamais figée. « Al-Qawwâla » n’est pas un chœur uniforme. C’est un dialogue entre les voix. Chaque chanteur cherche à briller, à porter l’émotion plus haut, plus loin, plus vrai.

Ce jeu subtil crée une mosaïque musicale où chaque tessiture, chaque souffle, chaque inflexion participe à une œuvre chorale vivante. Le public, lui, ne reste pas en retrait. Il entre dans la transe douce du dhikr, il participe, il chante, il danse même. La chaleur de la soirée semble s’effacer devant la ferveur de ces sons anciens, réinventés pour aujourd’hui.

Deux danseurs accompagnent le tout, entre scène et ombres chinoises, ajoutant à l’ensemble une profondeur visuelle et symbolique. Ce spectacle de près de deux heures a ému, transporté, fait vibrer. Il a aussi été l’occasion d’un hommage officiel : le président du Syndicat des artistes, Maher Hammami, a fait spécialement le déplacement pour saluer le travail de Hatem Ferchichi, qu’il considère comme un pilier de la scène spirituelle et musicale tunisienne contemporaine.

Avec «Al-Qawwâla», Hatem Ferchichi ne signe pas seulement une nouvelle création. Il pose une pierre de plus à l’édifice qu’il construit depuis des années : une œuvre d’amour, de mémoire et de transmission. 

Traduction A.D

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