
La relance du mécanisme de location-vente dans le secteur du logement social en Tunisie représente une étape vitale dans la politique de l’habitat. Soutenue par le Chef de l’État, elle vise à faciliter l’accès à la propriété pour les ménages modestes, dans un contexte marqué par une hausse continue des prix du logement.
À travers une réforme législative et une adaptation des dispositifs existants, l’État entend renforcer son rôle social et répondre aux besoins urgents des populations vulnérables.
La Presse — Le retour du mécanisme de location-vente dans les projets de logements sociaux marque une étape stratégique majeure dans la politique de l’habitat en Tunisie. Appuyé par le Président de la République puis annoncé par le P.-d.g. de la Sprols, ce dispositif s’inscrit dans une vision sociale renouvelée visant à rendre le logement plus accessible aux ménages modestes.
Une relance soutenue au plus haut niveau de l’État
Le 3 février 2025, lors d’une réunion au palais de Carthage avec la ministre de l’Équipement et de l’Habitat, Kaïs Saïed a insisté sur la nécessité d’accélérer les projets d’infrastructure et de logements sociaux, tout en levant les freins administratifs et financiers. Le Président a également plaidé en faveur du retour du mécanisme de location avec option d’achat, un système qui permettrait aux familles à faibles revenus d’accéder progressivement à la propriété.
La question du logement social a occupé une place centrale dans les échanges avec la ministre de l’Équipement. À cette occasion, Kaïs Saïed a exhorté les organismes publics, notamment la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit) et l’Agence foncière d’habitation (AFH) à reprendre activement leur rôle dans la production de logements accessibles, destinés principalement aux couches sociales vulnérables.
Il a également dénoncé la hausse continue des loyers et proposé la relance du mécanisme de location avec option d’achat, permettant aux familles à revenus modestes de devenir progressivement propriétaires. Ce dispositif, déjà utilisé par le passé, pourrait, selon lui, constituer une réponse concrète à la crise du logement.
Le Président a conclu en affirmant que la politique du logement et des infrastructures doit s’inscrire dans une vision sociale globale, où l’État assume pleinement son rôle de garant de l’équité et du bien-être collectif.
Cette formule, bien connue en Tunisie et mise en œuvre par le passé par la Sprols, avait permis la vente d’environ 9.000 logements avant sa suspension en 2016. Suite aux recommandations présidentielles, le P.-d.g. de la Sprols, Omar Saïdani, a annoncé sa réactivation imminente, soulignant son impact social positif et sa pertinence dans un contexte de flambée des prix du logement.
Deux projets bientôt devant l’ARP
La location-vente consiste à permettre à un locataire de devenir propriétaire à l’issue d’une période de location, sans apport initial important ni recours immédiat au crédit bancaire. Ce modèle est particulièrement adapté à une population aux revenus irréguliers. Néanmoins, Omar Saïdani alerte sur les impayés historiques, qui atteignent aujourd’hui près de 27 millions de dinars, et appelle à des garanties financières solides pour assurer la viabilité du modèle.
Lors du Conseil des ministres tenu vendredi 11 juillet au palais de Carthage, sous la présidence du Chef de l’État, deux projets de loi essentiels ont été étudiés. Ils visent à améliorer l’accès au logement pour les citoyens à revenus modestes ou intermédiaires, en s’inscrivant dans la volonté du gouvernement de garantir le droit constitutionnel à un logement décent et adapté aux capacités financières des Tunisiens.
Le premier projet de loi propose une modification de la loi n°53 de 1977, qui régit la création de la Société de promotion des logements sociaux. Il prévoit l’introduction d’un système de paiement échelonné ou de location-vente pour les logements financés par le Fonds de promotion du logement au profit des salariés (Foprolos). Cette réforme permettrait aux bénéficiaires de devenir propriétaires sans avoir à mobiliser un apport initial conséquent, rendant ainsi la propriété immobilière plus accessible.
Le deuxième projet confère à la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit) des prérogatives équivalentes pour les logements sociaux qu’elle construit. Ainsi, les citoyens pourraient également bénéficier de conditions d’acquisition assouplies, avec des formules adaptées à la réalité économique des familles tunisiennes.
Il convient de noter que ces deux projets seront prochainement soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour adoption. Leur objectif commun est de lever les obstacles à l’accession à la propriété, tout en garantissant des conditions de vie dignes à travers un habitat de qualité. Parallèlement, des discussions sont en cours avec le ministère de tutelle en vue d’adapter le cadre réglementaire et de mobiliser les ressources nécessaires.
Ce retour de la location-vente intervient dans un contexte de crise structurelle du logement en Tunisie marqué par un déséquilibre entre l’offre et la demande, notamment pour les couches sociales défavorisées, une pénurie de terrains aménagés pour l’autoconstruction, une hausse continue des prix, avec une progression annuelle de 15,4% pour les maisons selon les données de l’Institut tunisien de compétitivité et des études quantitatives. À tous ces facteurs s’ajoute l’inefficacité des mécanismes de soutien, notamment le Foprolos, dépassé par les réalités du marché.
Vers la révision de la stratégie nationale de l’habitat
Le ministère de l’Habitat planche actuellement sur la révision de la stratégie nationale de l’habitat à l’horizon 2035. Cette révision tend à répondre aux dysfonctionnements chroniques du secteur. Le retour de la location-vente constitue un pas décisif pour redonner confiance aux ménages exclus du système formel. Mais au-delà de cette mesure, c’est l’ensemble du modèle de l’habitat tunisien qu’il faut repenser, avec une vision à long terme, solidaire, durable et efficace.
En conjuguant volonté politique, réformes réglementaires et mobilisation des ressources foncières et financières, la Tunisie peut transformer le défi du logement en levier de justice sociale et de croissance inclusive.
L’initiative présidentielle traduit une orientation plus humaine et solidaire de la politique sociale et urbaine de l’État tunisien. En rendant l’accès à la propriété plus souple et en misant sur les compétences locales, l’exécutif cherche ainsi à répondre aux attentes sociales urgentes tout en consolidant le rôle de l’État comme garant du bien-être collectif.