
L’idée de séance unique ou de semaine de cinq jours ne cesse de tarauder l’esprit des Tunisiens. A chaque occasion, des projets de ce genre font leur apparition, entraînant dans leur sillage de longues polémiques plus ou moins stériles.
La Presse — Il est bon de savoir que la Tunisie est l’un des rares pays au monde à pratiquer la séance unique en été pour les travailleurs et les employés (du 1er juillet au 31 août). Cela fait près d’un siècle que cette habitude existe. Elle remonterait à un décret beylical datant du 15 juin 1921.
Synchroniser les rythmes
A cela est venue s’ajouter la semaine de cinq jours appliquée depuis le 17 septembre 2012. Le secteur public accorde, ainsi, une journée de repos supplémentaire aux employés.
Pour ce qui est de l’enseignement, de nombreuses tentatives d’amélioration du rythme et du temps scolaires ont été introduites à titre d’essai dans certains établissements sans la moindre évaluation ou le moindre suivi.
En janvier 2024, un ex-ministre de l’Education avait laissé entendre que son département s’attelait à mettre en place le régime de la séance unique dans les écoles primaires. C’était lors d’une visite à Médenine où trois établissements ont expérimenté ce rythme en séance matinale de 8 h à 14 h.
En vérité, il n’existait pas de vraies stratégies allant dans ce sens. Introduire la semaine de cinq jours devait s’accompagner, dans l’esprit de ses concepteurs, de mesures au niveau superstructurel et organisationnel. Il s’agit, entre autres, de la synchronisation avec le temps scolaire pour permettre aux parents de profiter des deux jours de pause du samedi et du dimanche, pour se consacrer à leurs enfants et pour s’adonner à des activités culturelles, sportives ou à différentes autres activités extrascolaires.
Cette synchronisation n’a pas eu lieu. L’expérience de la semaine de cinq jours elle-même est de plus en plus remise en cause à tel point que de nombreux services administratifs se sont remis à retravailler le samedi (Cnam, municipalités… sans parler du secteur privé qui ne reconnaît pas ce régime de travail).
Tout a été dit à travers les consultations
Depuis 1956, le rythme scolaire a observé un calendrier allant du 1er octobre au 30 juin. Il a été modifié quelques années plus tard. De ce fait, l’année scolaire dure en principe du 15 septembre au 30 juin. Et, depuis la rentrée 2010-2011, des réaménagements avaient été apportés au niveau de la vie scolaire et de l’emploi du temps.
L’objectif était de rationaliser la répartition des périodes de cours et celles des vacances qui se situaient entre 4 et 15 jours et ce, afin de ne pas perturber le rythme des cours. Cette année scolaire-là a été marquée, selon le ministère de l’Education, par l’adoption de nouvelles dispositions visant à garantir l’équilibre entre ces différentes périodes.
Ainsi, chaque période de cours devait durer 7 semaines suivies de vacances de 9 à 11 jours. En outre, le ministère de l’Education avait procédé à l’adoption d’une expérience pilote avec une période continue dans certains établissements éducatifs, et cela dans le cadre de la révision du temps scolaire conformément aux besoins des élèves et des éducateurs.
Aujourd’hui, on constate que cette ancienne et en même temps nouvelle proposition refait surface. Ne voilà-t-il pas qu’un groupe de parlementaires vient de présenter un projet de loi prônant «l’instauration du système de la séance unique et de la gouvernance du temps scolaire». Ce projet a été transmis à la Commission de l’éducation, de la formation professionnelle, de la recherche scientifique, de la jeunesse et du sport.
Dans leur argumentaire, ces députés ne font que reprendre ce qui a été déjà soulevé lors des débats qui ont eu lieu sur le même thème au cours de conférences et de rencontres entre experts et spécialistes dans le cadre des consultations sur la réforme du système éducatif.
Il ne s’agit pas de légiférer
Les auteurs de l’initiative précisent que «ce projet s’inscrit dans une démarche de réforme en profondeur du système éducatif, notamment en matière de gestion du temps scolaire. Il ambitionne de limiter le décrochage scolaire, de renforcer la concentration et la réussite des élèves, tout en améliorant leur qualité de vie dans les établissements».
En somme, nous nous trouvons en face d’un projet qui marche sur les plates-bandes du futur Conseil supérieur de l’éducation. Il accapare, ni plus ni moins, les prérogatives de cet organisme.
En effet, tout ce qui touche à l’enseignement ou à l’éducation relève, exclusivement, des experts et des pédagogues qui sont les seuls à s’exprimer sur le sujet.
Quant aux comparaisons faites avec certains pays qui ont procédé à des expériences portant sur le rythme scolaire, elles ne peuvent pas, nécessairement, être transposées dans notre environnement.
D’ailleurs, les spécialistes du domaine éducatif sont d’accord qu’il ne s’agit pas de légiférer quand il est question d’opérer des transformations au niveau du système. Les outputs et autres recommandations issues de dizaines de conférences au niveau régional et national depuis plusieurs années ont, déjà, posé les jalons de la prochaine réforme. On reconnaît que tout est prêt pour un véritable aggiornamento.
Toutefois, on admet qu’il ne faut pas perdre de vue que ce qui est proposé par ce groupe de députés exige une infrastructure adéquate, davantage de personnels (notamment un personnel engagé et volontaire pour concrétiser les objectifs d’ouverture sur l’environnement), existence d’espaces pour les activités périscolaires ainsi qu’un nombre de salles suffisant, etc.
D’autres obstacles se dressent devant ledit projet tel qu’il est conçu. Les situations ne sont pas les mêmes dans les régions ou entre les villes et les campagnes. Des questions comme le transport, la restauration, l’encadrement se posent avec acuité. Sans oublier, bien sûr, le coût d’une telle opération.
Le Livre blanc publié par le ministère de l’Education en 2015 estimait, par exemple, le coût de la réforme à 4.000 milliards de nos millimes !