
La Presse — Juilletiste ou aoutienne, ma petite famille parisienne, composée des parents et de leurs deux enfants, venait chaque été « égayer mon foyer » pour reprendre l’expression galvaudée avec l’ambiance joyeuse et dynamique qu’il retrouvait ainsi pour le temps des vacances estivales.
Et puis, le temps passant, les enfants sont devenus de beaux jeunes gens plus gais et plus dynamiques que jamais, mais aussi avec des tendances tout à fait légitimes à l’émancipation, tous deux étant devenus majeurs et matériellement plus à l’aise, ayant pris soin en cours d’année de gagner de l’argent de poche. Et, pour l’une de leurs premières initiatives, ils ont pris celle de ne pas passer cette année leurs vacances au pays de leurs parents. Ils lui ont préféré le Maroc pour l’une et Malte pour l’autre.
Je n’ai pas été surpris par une telle décision. J’avais été mis au courant par mon fils du choix de ses enfants plusieurs semaines auparavant. C’était au cours d’un entretien téléphonique dans lequel il m’annonçait que ses rejetons avaient pris le mauvais pli de leurs compatriotes d’adoption de vouloir consommer les produits en vogue, jugement qui a provoqué une vigoureuse réaction de son épouse qui suivait la discussion sans en avoir l’air.
Elle voulait me dire que sa progéniture était très attachée à son pays d’origine et d’autres choses dans le même sens mais je ne l’ai pas laissée aller plus loin en lui assénant : « Leur décision est tout à fait normale. Leur dernier séjour parmi nous a été si morne qu’avec ma défunte femme nous nous sommes dit qu’il serait étonnant qu’ils reviennent au pays de sitôt. » Ma sentence a ainsi tiédi des ardeurs qui se seraient sans doute exacerbées dans le feu de la polémique qui s’amorçait. Mais pas rien que.
Mes petits-enfants se sont rendus à leur destination respective en joyeuses bandes d’amis pour aller chacun de son côté s’amuser comme des fous. Or, dans notre pays, les jeunes ne s’amusent pas comme des fous. C’est la triste réalité. Ils sont pris dans un corset de convenances et de réglementations qui sont incompatibles avec leur aspiration à « s’éclater ».
Et c’est précisément dans leurs « folies » — qui n’en sont pas — que le pays d’accueil trouve son compte, les comportements prétendument sages ne générant pas beaucoup de dépenses et de recettes, en fin de compte buts ultimes de l’industrie touristique.
Alors, bien sûr, je suis peiné par la désertion de mes petits-enfants, et doublement. Je me trouve privé de la joie de les retrouver, fût-ce furtivement, et mon pays a été privé du fruit de leurs « extravagances » en compagnie de leurs copains et copines.