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Chroniques de la Byrsa : Une cuisine interne

La Presse — La « gastronomie tunisienne ». Cette étiquette pompeuse est souvent utilisée dans notre littérature culinaire au lieu et place de « cuisine tunisienne ». Tout bonnement. C’est, certes, beaucoup plus modeste mais c’est également plus honnête au regard de la sémantique pour qui les mots ont un sens précis qui les fait admettre sans discussion par tout le monde. 

Il existe plusieurs définitions de l’une et l’autre notions. J’ai préféré celles qui sont à la portée de l’entendement commun à celles qui font partie du langage hermétique des spécialistes des arts de la table. Pour définir la cuisine, j’ai retenu celle-ci : «La cuisine est l’ensemble des techniques de préparation des aliments en vue de leur consommation par les êtres humains». 

Elémentaire. On prend les produits qu’on a envie (ou qu’on doit)de consommer et on les cuit pour les rendre plus « praticables » à la mastication et à la digestion. Bien sûr qu’intervient ici le facteur « goût » comme régulateur des combinaisons induites par le mariage des produits, ce qui représente une nette progression par rapport à la pratique de base qui se limite à la seule cuisson des aliments, ainsi qu’ont dû le faire nos ancêtres pendant des millénaires.

La gastronomie, elle, a été définie de manière très heureuse par une formule du célèbre éditorialiste et essayiste français Jean-François Revel, aujourd’hui disparu, pour qui « La cuisine est un perfectionnement de l’alimentation ; la gastronomie est un perfectionnement de la cuisine elle-même ». Cela intervient suite à de multiples manipulations qui tendent à transformer profondément les produits pour en faire des sujets nouveaux qui n’existent pas à l’état de nature et, souvent, de combiner ces sujets pour obtenir une création très éloignée des composants initiaux. 

La cuisine a ainsi dépassé son simple impératif biologique d’alimentation pour devenir un corpus de techniques plus ou moins avancées, un fait culturel, un élément de patrimoine et d’identité national ou familial, un élément de systèmes de valeurs.

A l’aune de ces deux définitions, laquelle serait la plus appropriée dans notre cas ? Prenons un exemple très simple : quel rapport y a-t-il entre un œuf, des grains de moutarde et de l’huile ? Savamment préparés, ils deviennent une mayonnaise ! Tandis que la harissa, elle, est du piment réduit en purée… 

Qu’on ne s’y trompe pas : la simplicité n’exclut nullement la sapidité. Les mets dressés sur les tables tunisiennes, des plus élémentaires comme la chakchouka aux plus élaborés comme les fins tajines, sont riches de saveurs subtiles qui peuvent flatter les palais les plus exigeants. Alors,  pas besoin de crier haro et de pourfendre le «traître». Il faut tout simplement prendre le temps de la réflexion pour faire évoluer un patrimoine porteur d’un grand potentiel. Et ça, c’est notre cuisine interne.

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