Accueil A la une Marché mondial de l’huile d’olive en 2025 : Reprise mondiale et ambitions tunisiennes

Marché mondial de l’huile d’olive en 2025 : Reprise mondiale et ambitions tunisiennes

Après deux campagnes éprouvantes pour l’ensemble de la filière oléicole mondiale, le marché de l’huile d’olive connaît en 2025 un regain significatif. Les deux dernières années avaient été dominées par la sécheresse, la chaleur excessive et des rendements historiquement faibles.

Mais la nouvelle campagne ramène un souffle d’optimisme, avec une production mondiale estimée à 3,36 millions de tonnes selon le Conseil Oléicole International (COI), soit une progression de 32 % par rapport à la saison précédente. Ce redressement n’efface pas pour autant les défis structurels qui pèsent encore sur le secteur.

La Presse — En Europe, premier bassin oléicole au monde, la production atteint 1,973 million de tonnes, soit une hausse notable de 29 %. Mais ce volume reste en deçà du niveau record enregistré en 2021-2022, montrant à quel point la filière demeure exposée aux aléas climatiques.

L’Espagne, locomotive mondiale de la production, confirme son leadership avec une récolte de 1,41 million de tonnes, en progression de 51 % par rapport à 2023-2024. Toutefois, cette hausse spectaculaire s’accompagne d’une chute brutale des prix, de plus de 50 % en un an, ce qui fragilise les petits producteurs malgré des volumes de ventes importants.

La Grèce affiche également une solide progression avec une production de 250.000 tonnes, en hausse de 43 %, tout en misant sur la qualité et la richesse en polyphénols pour conforter sa place sur les marchés de niche. Le Portugal connaît aussi une année favorable, avec une récolte estimée à 177.000 tonnes (+21 %).

L’Italie, en revanche, subit de plein fouet les effets du changement climatique, avec une baisse de production de 25 % pour tomber à 248.000 tonnes. La rareté de l’offre italienne se traduit par des prix intérieurs nettement supérieurs à ceux de ses concurrents, poussant les acheteurs internationaux à explorer d’autres sources d’approvisionnement.

La Tunisie, acteur incontournable dans la relance mondiale

Pas loin du continent européen, la Tunisie tire son épingle du jeu en enregistrant une hausse de production de 55 % pour atteindre 340.000 tonnes. 

Ce résultat remarquable confirme son rang de premier exportateur africain et son rôle central dans l’approvisionnement mondial. Dans un marché qui valorise de plus en plus les huiles certifiées biologiques et issues de pratiques durables, l’huile tunisienne bénéficie d’un positionnement privilégié, notamment en Europe et au Moyen-Orient, où la demande pour les produits premium est en forte progression.

Cette performance ne doit pas masquer les défis commerciaux qui se profilent. Les exportations vers les États-Unis, l’un des marchés les plus dynamiques pour l’huile d’olive, risquent d’être freinées par la politique tarifaire américaine. 

Cette contrainte incite les producteurs tunisiens à poursuivre leur stratégie de diversification géographique en explorant davantage les marchés asiatiques, où la consommation connaît une croissance soutenue, et ceux de l’Amérique latine, encore largement inexploités.

Turquie et Maroc : deux trajectoires opposées

La Turquie enregistre la plus forte progression hors Europe avec une production qui grimpe à 450.000 tonnes, doublant presque par rapport à l’année précédente et surpassant ainsi la Tunisie en termes de volume. Ce résultat impressionnant reflète l’importance croissante de la Turquie comme acteur majeur du marché mondial.

À l’opposé, le Maroc connaît une troisième année consécutive de baisse significative. Sa production chute à 90.000 tonnes, bien en dessous de la moyenne quinquennale de 141.600 tonnes. Les raisons sont multiples : sécheresse persistante depuis six ans, déficit hydrique de 70 % par rapport à la moyenne et températures extrêmes au moment crucial de la floraison.

Face à cette crise, les autorités marocaines ont suspendu les droits d’importation et autorisé l’entrée de 30.000 tonnes pour couvrir une consommation nationale estimée à 140.000 tonnes. Malgré ces mesures, les prix ont atteint des niveaux record, avoisinant 140 dirhams le litre, alimentant les craintes de pénuries et de fraude.

Si la campagne 2024-2025 marque un retour encourageant de la production, les fondamentaux du marché demeurent fragiles. La baisse rapide des prix, notamment en Espagne, met sous pression les producteurs qui voient leurs marges s’éroder. Les changements climatiques, responsables de récoltes catastrophiques en Italie et au Maroc, continuent de menacer la stabilité de la filière. De plus, l’offre d’huiles extra vierges de haute qualité reste insuffisante pour répondre à une demande internationale en constante croissance, renforçant la concurrence sur ce segment premium.

Opportunité stratégique pour la Tunisie

Pour la Tunisie, cette reprise mondiale est porteuse d’opportunités, à condition de consolider ses atouts. Le pays a déjà renforcé son image grâce à la qualité de ses huiles biologiques et à une logistique d’exportation performante. Mais un effort supplémentaire doit être consenti pour valoriser davantage la production locale.

La majorité des volumes exportés sont encore envoyés en vrac vers l’Europe pour être conditionnés et commercialisés sous des marques étrangères. Le développement d’une filière tunisienne de mise en bouteille et de marketing international permettrait d’accroître considérablement la valeur ajoutée.

L’adoption de pratiques agricoles durables, l’investissement dans l’irrigation moderne et la certification systématique des huiles bio renforceraient encore la compétitivité du produit tunisien sur les marchés les plus exigeants. En parallèle, la diversification des débouchés reste cruciale : l’Europe demeure un partenaire incontournable, mais l’Asie-Pacifique, l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine offrent de nouvelles perspectives de croissance.

La campagne 2025 représente une étape clé pour le secteur mondial de l’huile d’olive.

Elle confirme la capacité de production à rebondir après des crises majeures, mais elle révèle également une vulnérabilité structurelle face aux variations climatiques, aux fluctuations des prix et aux tensions commerciales. Pour la Tunisie, cette période doit être transformée en tremplin stratégique, afin de consolider sa position parmi les grands acteurs mondiaux et de s’imposer comme un fournisseur fiable, innovant et durable pour les années à venir.

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