
La Presse — Quel est cet état d’esprit qui, tel un démon, s’est emparé de certains Tunisiens (de plus en plus nombreux, il est vrai) pour en faire depuis près de deux décennies des citoyens parmi les plus «incivils» au monde ? Ce n’est pas qu’auparavant ils étaient parmi les plus «civilisés», mais dans leur comportement en société comme dans leurs attitudes personnelles, il y avait comme une ligne qu’ils n’osaient pas franchir et qui les empêchait de se conduire comme des voyous.
Depuis une vingtaine d’années, ils ont franchi le pas. Nous le remarquons dans leurs rapports avec leur environnement urbain ou naturel comme dans leur conduite automobile, dans leurs relations avec leurs concitoyens ou avec les animaux. Ils se sont comme affranchis des derniers scrupules qui les empêchaient de devenir d’authentiques canailles.
Des exemples pour illustrer cette dérive ? Il n’y aurait pas assez d’une encyclopédie pour en venir à bout. Je veux en évoquer un qui, de par le danger qu’il peut représenter pour l’intégrité physique du citoyen, mérite qu’on s’y arrête. C’est celui de ce « marchand des quatre saisons » qui, depuis plus d’un an, bivouaque avec sa marchandise, légumes ou fruits, à la sortie de Byrsa en direction de Salammbô.
Pourquoi spécialement celui-là ? Non parce qu’il campe quotidiennement dans mon champ visuel, non parce que j’ai eu maille à partir avec lui, mais parce qu’il se soucie comme d’une guigne de la sécurité de la circulation tant piétonne qu’automobile à hauteur de son installation.
Il arrive chaque matin, dans sa « quat-quat’ bâchée » version moderne chargée de marchandises. Il se gare à l’ombre d’un bel arbre de sorte à condamner totalement la circulation piétonne et installe son vaste étalage sur le restant du trottoir en s’adossant carrément à la bosse du dos d’âne destiné à ralentir à ce niveau la circulation automobile.
Arrivé à hauteur de ce « commerce », le piéton est obligé de contourner l’obstacle marchand et circuler sur la chaussée. Tout aussi grave : il arrive que des automobilistes aussi désinvoltes que le commerçant s’arrêtent juste sur l’obstacle pour négocier et finaliser leur achat sans quitter leur véhicule ! Combien de contraventions sur le même lieu et en même temps ?
Nous savons tous que la violation de la loi dans les espaces publics est devenue plutôt la règle que l’exception. Ce n’est pas une raison pour « normaliser » la chose. Il y va, bien sûr, de la responsabilité de chacun d’entre nous qui, non seulement, ne doit pas outrepasser la réglementation, mais aussi veiller autant que possible à la faire respecter (exercice, il est vrai, parfois risqué).
Il y va surtout de la responsabilité des autorités chargées de faire respecter la loi. Est-il possible, par exemple, que depuis plus d’une année que cette anomalie persiste sans que la mairie de Carthage ne s’en soit inquiétée ?