
IL est des combats qui s’essoufflent, qui se diluent dans le compromis. Et il est des combats qui s’ancrent, s’aiguisent et refusent obstinément l’usure du temps. Celui que mène le Président Kaïs Saïed contre les lobbies et la corruption appartient à cette seconde catégorie. Vendredi, lors du Conseil des ministres, le Chef de l’État a rappelé avec une fermeté sans fioritures que la révolution tunisienne ne saurait se contenter de demi-mesures.
La corruption, pour lui, n’est pas un simple dysfonctionnement : c’est un système enraciné, une pieuvre dont les tentacules s’infiltrent dans les plis les plus obscurs de l’administration publique. Derrière les portes de bureaux capitonnées et les signatures anodines, des réseaux organisés bloquent l’avenir de milliers de jeunes, empêchent la justice sociale de prendre corps et hypothèquent l’indépendance même du pays. Saïed le sait, Saïed le dit, Saïed persiste.
Son discours aux ministres n’était pas une litanie habituelle, mais une mise en garde solennelle : les textes de loi à venir ne seront pas des « réformettes ». Ils devront être des réponses radicales aux chômeurs de longue durée, à ces générations entières sacrifiées sur l’autel des compromissions passées. Car que vaut une législation si elle ne brise pas les chaînes de la corruption? Que vaut une Constitution si elle laisse intactes les poches de spéculateurs et de parasites qui prospèrent sur le dos du peuple ?
En évoquant la jeunesse, Saïed trace une ligne claire : la révolution n’est pas un souvenir, elle est une promesse. Et pour la tenir, il ne s’agit pas seulement de dénoncer les lobbies, mais de les démasquer, de les affronter, de les écarter définitivement. « Les masques sont tombés », a-t-il martelé. Ceux qui feignaient d’être des adversaires de la corruption se sont révélés complices dans l’ombre.
Ce constat, brutal mais lucide, rejoint l’exigence d’une rupture historique. Non pas une rupture abstraite, mais une rupture qui se traduira par des lois «révolutionnaires», c’est-à-dire des lois qui déracinent au lieu d’accommoder, qui construisent au lieu de rafistoler. La Tunisie, affirme-t-il, avance avec assurance, et ce chemin ne connaîtra pas de retour en arrière.
Certes, le combat est inégal. Les lobbies, hydres invisibles, disposent de relais, de capitaux et d’une capacité de nuisance redoutable. Mais face à eux, la jeunesse demeure la sentinelle de la révolution, le ferment d’un avenir souverain et digne.
En refusant de changer son fusil d’épaule, Saïed confirme que la bataille contre la corruption est le cœur battant de son projet politique. Une bataille où l’arme la plus redoutable reste, encore et toujours, la volonté inébranlable de rompre avec le passé.