Accueil A la une Que signifient les reconnaissances occidentales de l’État de Palestine ?

Que signifient les reconnaissances occidentales de l’État de Palestine ?

Palestine

La Palestine s’apprête à franchir une étape diplomatique majeure avec la reconnaissance attendue de son statut d’État par dix nouveaux pays, dont la Grande-Bretagne, la France, le Portugal et le Canada, en marge de la 80 session de l’Assemblée générale des Nations unies. Ces adhésions porteraient à 159 le nombre de pays, sur 193 membres de l’ONU, ayant officiellement reconnu l’État palestinien.

L’annonce a été faite dimanche à Ramallah par la ministre palestinienne des Affaires étrangères, Varsen Shahin, qui a précisé que quatre pays – la Grande-Bretagne, le Portugal, l’Australie et le Canada – officialiseront leur décision immédiatement, tandis que d’autres, dont la France, la Belgique, le Luxembourg, Saint-Marin, Andorre et Malte, suivront dans les prochaines semaines. Cette dynamique diplomatique intervient deux mois après le « Sommet pour la solution à deux États », organisé par l’Arabie saoudite et la France au siège des Nations unies, sans participation américaine.

Une portée politique et juridique

Du côté palestinien, ces reconnaissances représentent bien plus qu’un geste symbolique. Elles sont perçues comme une consécration politique et juridique des droits nationaux du peuple palestinien.

« Il s’agit d’actes courageux conformes au droit international et aux résolutions onusiennes », a déclaré Ahmad Al-Deek, conseiller politique du ministre des Affaires étrangères. Selon lui, ces décisions constituent « une reconnaissance explicite du droit à l’autodétermination » et un appui direct aux efforts visant à mettre fin à l’occupation.

Al-Deek insiste : « La paix ne peut se construire ni sur les chars ni sur les bulldozers, encore moins à travers les bombardements, les déplacements forcés et l’annexion. Elle repose sur le droit international. »

La direction palestinienne compte capitaliser sur cette vague de reconnaissances pour relancer sa demande d’adhésion pleine et entière à l’ONU, où elle dispose actuellement du statut d’« État observateur ». Elle espère également renforcer ses actions diplomatiques et juridiques pour : tenir l’entité sioniste pour responsable de ses crimes, stopper les mesures unilatérales d’occupation, consolider la personnalité juridique internationale de l’État palestinien et développer des relations bilatérales avec les pays partenaires.

Représentations diplomatiques renforcées

Les reconnaissances devraient entraîner des évolutions concrètes sur le plan diplomatique. Les missions palestiniennes dans ces pays seront élevées au rang d’ambassades, le drapeau palestinien y sera hissé officiellement, et des cérémonies marqueront cet événement. Dans certains cas, les ambassadeurs palestiniens devront présenter de nouvelles lettres de créance directement aux plus hautes autorités de l’État hôte.

La France, par exemple, a d’ores et déjà annoncé qu’elle reconnaîtrait l’État palestinien dans les frontières de 1967, confirmant ainsi son attachement à la solution à deux États.

La perspective de ces reconnaissances a déclenché la colère de responsables de l’entité sioniste. Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a averti que « la communauté internationale arrivera peut-être un jour à reconnaître un État palestinien, mais il n’en restera rien de concret sur le terrain ».

Selon l’expert en colonisation Suhail Khalilieh, l’entité sioniste pourrait accélérer ses projets de colonisation, notamment le plan E1 à l’est de Jérusalem, ou imposer des mesures d’annexion de facto à plusieurs villages palestiniens. Ces initiatives viseraient à réduire les reconnaissances internationales à un simple effet symbolique, sans traduction réelle sur le terrain.

Un contexte critique

Pour Bilal Al-Shobaki, professeur de sciences politiques à l’université d’Hébron, ces reconnaissances arrivent à un moment crucial. « Elles vont à contre-courant des tentatives de l’entité sioniste de faire disparaître la cause palestinienne ou de la réduire à une question humanitaire », explique-t-il.

Cependant, il relativise leur portée. « Pour la population palestinienne, la priorité immédiate reste l’arrêt du génocide en cours dans la bande de Gaza. Beaucoup voient dans ces gestes occidentaux une manière de mettre fin à la guerre plutôt qu’une conviction profonde en faveur de la création d’un État palestinien. »

Certains observateurs estiment d’ailleurs que ces décisions servent aussi d’outil de pression sur l’entité sioniste, sans aller jusqu’à des mesures contraignantes telles que des sanctions économiques ou des ruptures diplomatiques.

Une reconnaissance tardive

Pour de nombreux analystes palestiniens, ces reconnaissances, bien que significatives, arrivent trop tard pour changer la donne sur le terrain. « Elles auraient eu un véritable impact il y a vingt ans », juge Khalilieh. « Aujourd’hui, l’entité sioniste exploite cette dynamique pour renforcer son contrôle et morceler davantage la Cisjordanie. »

Malgré ces réserves, la direction palestinienne considère que ce mouvement diplomatique représente une victoire morale et un point d’appui stratégique pour maintenir la question palestinienne au centre de l’agenda international, au moment où l’entité sioniste tente de redéfinir les réalités sur le terrain.

La Presse avec Al Jazeera

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