Accueil Culture «ARZAKH» de Kais Mejri dans les salles : Un thriller teinté d’horreur

«ARZAKH» de Kais Mejri dans les salles : Un thriller teinté d’horreur

Barzakh 1

«Au commencement, les ténèbres régnaient dans l’univers…». Cette phrase qui ouvre le film annonce déjà l’univers sombre et  étrange qui s’accentue à mesure que le récit continue.

La Presse — Après plusieurs courts-métrages remarquables, le jeune réalisateur tunisien Kays Mejri franchit une nouvelle étape avec «Barzakh» (The Dying of the Light), son tout premier long-métrage qui vient tout juste de sortir en salle. Il s’agit d’un thriller psychologique qui a déjà été en compétition officielle aux JCC en 2024 puis au Toronto arab film festival en 2025. 

Le long-métrage bénéficie d’un casting solide, porté par des interprètes convaincants. À l’affiche, on retrouve des noms bien connus comme Fatma Nasser, Jamel Madani, Mohamed Sayari et Oussema Kochkar.  Le film révèle aussi le talent de Nour Bettaieb qui campe un rôle clé parfaitement maîtrisé.

Fatma Nasser a joué dans de nombreux films et feuilletons tunisiens et égyptiens. Sa performance dans «Barzakh» marque par sa justesse, sa force émotionnelle et son impact dramatique. Elle a souligné son talent et sa polyvalence dans un genre souvent difficile. Jamel Madani a encore montré dans ce long-métrage sa capacité à se transformer complètement dans différents rôles et à donner intensité et réalisme à ses personnages. 

Avec sa présence imposante, Mohamed Sayari a livré une interprétation troublante qui s’éloigne considérablement de ses rôles habituels. Les spectateurs ont également découvert Nour Bettaieb, un mélange de candeur et de féminité, qui a apporté  une charge d’énergie et d’authenticité au personnage de Nawel.

«Au commencement, les ténèbres régnaient dans l’univers… ». Cette phrase qui ouvre le film annonce déjà l’univers sombre et  étrange qui s’accentue à mesure que le récit continue. On suit Farah, interprétée par Fatma Nasser, qui rend visite à son père Rachid (Jamel Madani). Celui-ci vit dans une ferme isolée, entouré uniquement de la jeune servante Nawel (Nour Bettaieb) et de Mahmoud (Oussema Kochkar), un parent qui l’aide à gérer ses affaires.

Derrière l’apparence calme et paisible du lieu se cache pourtant une série d’événements troublants, marqués par la présence percutante d’un personnage aussi opaque qu’énigmatique : Sidna Mokhtar, aussi appelé Sidi Echeikh, incarné par Mahmoud Sayari. Le récit s’articule autour d’un mystère que le film s’attache progressivement à dévoiler.

«L’heure est venue», nous annonce-t-on. Le danger semble alors imminent et le scénario maintient un rythme d’excitation et d’appréhension qui tient le spectateur en haleine jusqu’au dénouement de l’intrigue.  La narration n’est pas linéaire. Secrets enfouis, présences invisibles. On reconstruit peu à peu un puzzle complexe dont chaque pièce rapproche un peu plus de la vérité.

Entretemps, «L’abysse a faim» et «l’obscurité ne part plus». Il fallait «conjurer les lettres salvatrices » pour affronter le mal. Cauchemars ou visions ? Souvenirs ou hallucinations ? Le titre «Barzakh», un terme métaphysique qui désigne un monde intermédiaire, prend ici tout son sens. À la lisière du vrai et du chimérique, on se perd dans une narration où le réel et l’irréel se confondent, tant l’atmosphère du film brouille les repères. 

Avec le suspense et la tension ascendante, de fortes réactions émotionnelles sont garanties, mais sans pour autant se concentrer sur la peur et la terreur. À première vue, on pourrait considérer que c’est un film d’horreur, notamment pour les passages où des forces maléfiques insaisissables prennent le contrôle.

On se rend compte par la suite que le film n’a pas pour objectif spécifique d’effrayer ni de dégoûter, mais plutôt de surprendre. Certaines scènes sanglantes ponctuent quand même les événements, car «ce qui est pris par la force est repris par la force». La thématique et les effets visuels utilisés peuvent déranger un public sensible. « Le sang doit couler pour que la délivrance arrive», nous dit-on dans le film. Mais cette violence reste mesurée en évitant tout effet gratuit ou grotesque. Elle est donc loin de la facilité et des excès du genre gore. 

Sur le plan visuel, «Barzakh» impressionne par la qualité des effets spéciaux et visuels. Des images saisissantes semblent plus vraies que jamais : chutes de météorites, scènes d’élévation surnaturelle, rituels de magie noire et possessions démoniaques glaçantes… Chaque effet est intégré avec soin à la narration pour que le réel se déforme et bascule peu à peu dans l’étrange. On voit rarement des scènes aussi sophistiquées dans le cinéma tunisien. D’ailleurs, le thriller en lui-même, qui est  un genre dynamique et en constante évolution, reste peu exploité chez nous.

Ce long-métrage marque les débuts de Kays Mejri dans ce format qu’il aborde avec beaucoup d’ambition. Une série de projections a été programmée dans différentes salles en présence de Fatma Nasser, protagoniste, mais aussi co-produtrice de «Barzakh» ainsi que Amira Derouiche, deuxième co-produtrice.

Le réalisateur n’a pas pu assister aux séances vu qu’il réside au Canada. Il s’est exprimé à travers une séquence enregistrée. La sortie du film coïncide avec la rentrée culturelle, mais aussi avec le mois d’octobre considéré comme période stratégique pour les films d’horreur et les thrillers psychologiques ou surnaturels. Reste à découvrir s’il rencontrera un succès commercial, d’autant plus qu’il s’agit d’un film indépendant, dont les créateurs ont misé sur l’intérêt du public pour ce style qui rompt avec ce qui a été déjà proposé et introduit une esthétique nouvelle.

Rappelons que deux autres films tunisiens sont à l’affiche au cours de cette période. Il s’agit de «La voix de Hind Rajab» de Kaouther Ben Hnia et «Wed» de Habib Mestiri. 

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