
Lors du panel « Comment l’IA transforme les industries africaines dans une logique ESG », organisé le 9 octobre 2025 dans le cadre de la troisième édition de l’African ESG Summit, Mourad Ben Mahmoud a posé d’emblée les termes du débat avec une franchise désarmante : l’Intelligence Artificielle est un formidable outil, certes, mais elle ne remplacera jamais la décision et l’engagement humains. Une mise au point aussi nécessaire que salutaire dans un contexte où la fascination technologique tend parfois à occulter l’essentiel.
L’expert-comptable et consultant en Business Performance & Sustainability a rappelé devant l’assemblée que les pratiques tunisiennes demeurent souvent cantonnées à des systèmes internes d’automatisation de la collecte de données. Pourtant, à l’échelle internationale, l’IA démontre des capacités bien plus étendues. Elle permet notamment de combiner et synthétiser des rapports volumineux, d’identifier avec précision les impacts et risques potentiels, de définir un cadre ESG cohérent et de générer des reportings conformes à plusieurs référentiels simultanément. Ces performances technologiques sont indéniablement impressionnantes.
Toutefois, Mourad Ben Mahmoud a tenu à dissiper toute illusion excessive. Si l’IA excelle dans le traitement des tâches préparatoires et répétitives, elle atteint rapidement ses limites lorsqu’il s’agit de définir les actions véritablement adaptées à une entreprise ou de traduire un engagement concret. La ligne rouge est tracée avec netteté : l’IA peut certes aider à atteindre des objectifs, mais c’est toujours l’humain qui doit décider, s’engager, réviser les objectifs et ajuster l’action face à un terrain qui oppose des résistances. Cette capacité d’adaptation et de discernement reste l’apanage de l’intelligence humaine.
Sa recommandation aux entreprises se veut pragmatique et réaliste. Avant de déléguer certaines tâches à l’IA, il est essentiel d’élaborer soi-même son premier rapport ESG en s’appuyant sur une connaissance approfondie de son terrain. Cette étape initiale garantit que l’entreprise développe une vision propre, authentique et ancrée dans sa réalité opérationnelle. L’IA intervient ensuite comme un moyen d’apporter de l’objectivité, notamment en synthétisant rapports internes, documents externes et articles de presse afin d’intégrer une évaluation complète des risques et impacts, actuels comme potentiels. Sur la question sensible de la compétitivité face aux exigences ESG, Mourad Ben Mahmoud a balayé les idées reçues avec fermeté. Contrairement à une perception encore répandue, l’engagement RSE ou ESG ne nuit nullement à la profitabilité. Au contraire, il assure la résilience de l’entreprise dans un contexte où les risques et les impacts ne cessent de s’accroître. Son verdict est sans appel : un rapport ESG qui ne débouche sur aucune action concrète se transforme en simple façade, en exercice de communication vide de sens qui ne sert strictement à rien.
La rentabilité véritable, a-t-il insisté, survient lorsque l’entreprise prend pleinement conscience de ses risques et parvient à les gérer par des stratégies d’action réfléchies et efficaces. Il a également rappelé un enjeu crucial souvent sous-estimé : la démarche ESG n’est pas seulement nécessaire pour accéder aux marchés, mais elle constitue surtout un passage obligé pour l’accès à l’investissement. Les investisseurs exigent désormais transparence et gestion rigoureuse des risques pour se sentir rassurés, déterminer leur niveau d’engagement et éviter tout risque réputationnel susceptible de ternir leur image.
Mourad Ben Mahmoud a lancé un appel vibrant à la collaboration et à l’ouverture. Il a encouragé les entreprises à se tourner vers les startups et les universités pour bénéficier d’expertises pointues. Le calcul économique, selon lui, est limpide : il est bien plus rentable de s’associer à des acteurs spécialisés dans des thématiques de niche, qu’il s’agisse d’économie circulaire, de décarbonation ou d’autres domaines spécifiques, plutôt que de financer en interne des projets coûteux dont l’efficacité n’est pas garantie. En adoptant une démarche globale appuyée sur des spécialistes reconnus, les entreprises s’assurent de l’efficacité de leurs actions, évitent les blocages opérationnels et transforment l’exigence ESG en véritable levier de profitabilité durable. Le message est clair : la compétitivité de demain se construira avec l’Intelligence Artificielle, mais toujours sous pilotage humain.