
L’instauration de la facturation électronique pour les établissements de restauration et de consommation sur place marque une nouvelle étape dans la stratégie de modernisation fiscale du gouvernement tunisien. Invité de RTCI le 17 octobre 2025, l’expert et analyste financier Moez Hadidane a décrypté les objectifs et les implications de cette mesure annoncée par le ministère des Finances. Selon lui, cette obligation vise à renforcer la transparence, à améliorer la traçabilité des transactions et à réduire l’évasion fiscale.
Hadidane a rappelé que cette décision s’inscrit dans un processus réglementaire amorcé par la loi de finances de 2016. Celle-ci avait introduit l’obligation d’utiliser des caisses enregistreuses pour les services de consommation sur place, mais son application dépendait de la publication de textes d’exécution. Le décret gouvernemental n°1126, fixant les modalités de mise en œuvre, n’a été publié qu’en novembre 2019, après plusieurs retards dus à des obstacles techniques. Ce décret conditionnait à son tour l’entrée en vigueur du dispositif à un arrêté ministériel précisant la liste des services concernés et le calendrier d’application. Cet arrêté a finalement été publié le 14 octobre 2025, permettant à la réforme d’entrer concrètement en vigueur.
L’application de l’obligation se fera de manière progressive. À partir du 1er novembre 2025, les restaurants classés touristiques ainsi que les cafés et salons de thé de deuxième et troisième catégorie, organisés sous forme de personnes morales, devront se conformer à la nouvelle réglementation. Le 1er janvier 2026, la mesure s’étendra à l’ensemble des établissements de consommation sur place constitués en personnes morales. Les personnes physiques soumises au régime réel seront concernées à partir du 1er juillet 2027. La généralisation complète, incluant les petits commerces sans comptabilité formelle, est prévue pour le 1er juillet 2028.
Sur le plan technique, Hadidane a expliqué que la caisse enregistreuse connectée constitue le cœur du dispositif. Installée chez le commerçant, elle communique en temps réel avec une plateforme centralisée accessible au ministère des Finances. Elle comprend un module de caisse, un module de données assurant la communication externe et une plateforme de gestion au niveau ministériel. Chaque opération effectuée au point de vente est automatiquement transmise au système central. En fin de journée, la caisse génère un solde de clôture récapitulant l’ensemble des transactions. Les tickets de caisse devront mentionner l’identifiant du module de données fiscales et celui de la caisse enregistreuse, permettant au client de vérifier l’authenticité du document.
L’expert a souligné que l’acquisition et l’installation de ce matériel certifié représentent un investissement supplémentaire pour les commerçants. Une liste de fournisseurs agréés a été établie par le ministère des Finances, mais aucune mesure d’aide ou de compensation n’a pour l’instant été annoncée. Concernant les recettes attendues, Hadidane estime que le ministère dispose d’une projection basée sur les déclarations des professionnels, puisque chaque commerçant devra fournir une estimation de son volume de tickets et de son chiffre d’affaires. Ces données permettront d’effectuer un suivi comparatif entre les estimations et les ventes réelles enregistrées.
Pour Moez Hadidane, la mise en place de ce système contribuera significativement à la transparence des opérations commerciales et au renforcement de la discipline fiscale. S’il reconnaît que certains acteurs pourraient tenter de contourner le dispositif en omettant de délivrer un ticket, il considère que la mesure constitue néanmoins un pas essentiel vers une meilleure traçabilité.
Interrogé sur la capacité de l’administration fiscale à gérer l’afflux de données numériques générées par ce système, l’analyste a jugé que le ministère des Finances et les fournisseurs techniques sont désormais prêts. Les retards observés ces dernières années seraient principalement liés à cette phase de préparation. Selon lui, l’administration pourra aisément repérer les anomalies entre les déclarations et les flux réels, notamment en cas d’écarts répétés ou d’activité incohérente avec la localisation du commerce.