
Douze sculpteurs donc, toutes générations et toutes techniques confondues. Une rencontre et une confrontation exceptionnelle à ne manquer sous aucun prétexte.
La Presse — La gageure était de taille : réunir douze sculpteurs de générations différentes, parcourir quelque cinquante années de sculpture, rendre hommage aux précurseurs, les confronter à leurs jeunes successeurs, et offrir à cet ensemble harmonie et cohérence, tel était le défi que s’était lancé Tgm gallery et son équipe.
La galerie, on le sait, aujourd’hui, est familière de ces défis. On lui doit, au cours de ses quelques années d’existence, de grandes expositions didactiques et muséales. Elle se positionnait sur le témoignage et la mémoire de l’histoire de l’art, mais aussi sur la confrontation des artistes du passé et du présent, sur des rencontres et des filiations.
C’est ainsi qu’après avoir organisé une magnifique exposition sur l’Ecole de Tunis, elle invitait quelque 40 artistes contemporains à rendre hommage à l’un de ses maîtres. C’est ainsi également qu’elle proposait à un aéropage d’artistes contemporains de créer des cartons de tapisserie pour des artisanes de Gafsa et présentait parallèlement les expériences similaires qu’en avaient faites les maîtres du passé.
Aujourd’hui samedi 18 octobre, la galerie s’intéresse à une forme d’art qui n’est peut-être pas la plus présente sur la scène artistique et qui mérite qu’on y revienne : la sculpture.
Hommage aux maîtres anciens et au premier d’entre eux, Hedi Selmi. Quarante années durant, le nom du pionnier Hedi Selmi se confond avec celui de la sculpture. Il a présidé à sa naissance, a développé sa pratique, a fait école, et en a porté les couleurs aux confins de l’univers. Les œuvres de Hédi Selmi se trouvent aussi bien à Séoul qu’à New York, au Soudan qu’en Yougoslavie, au Togo qu’en Arabie saoudite.
Si on lui doit de nombreux monuments officiels et urbains, ses œuvres se font toujours très rares sur le marché de l’art. L’ensemble réuni pour cette exposition est donc assez exceptionnel. Hechmi Marzouk, quant à lui, autre pionnier, s’est particulièrement illustré dans la création de monuments publics symbolisant les grandes dates de notre histoire. On lui doit les statues équestres de Bourguiba, entre autres.
Son œuvre se distingue par sa maîtrise des différents matériaux : bronze, bois, marbre. Pour l’anecdote, Hechmi Marzouk fut également acteur et décorateur de plateau pour les films d’Arabal. Maître sculpteur, maître mouleur et maître fondeur, Sahbi Chtioui est installé au Maroc, et compte parmi les plus importants sculpteurs contemporains du monde arabe. Artiste engagé, il rendit hommage à Mohamed Bouaziz en lui dédiant une sculpture.
Mohamed Ghassan est irakien, installé en Tunisie depuis plus de 25 ans. C’est par une approche poétique qu’il raconte les blessures et les cicatrices invisibles. Son écriture plastique s’efforce de faire dialoguer ces deux cultures, la culture orientale qui est la sienne, et la culture maghrébine qu’il a adoptée. Mohamed Bouaziz taille le marbre avec rigueur et sensibilité.
Naget Gherissi affronte le métal avec humour et poésie, force et délicatesse. Elle transforme le métal brut en figures pleines d’âme et donne à la matière équilibre harmonieux entre puissance et légèreté.Omar Bey développe une pratique artistique polymorphe, mêlant les techniques, assemblant objets du quotidien, éléments organiques et matériaux industriels en des sculptures à la fois absurdes et poétiques.
Noutayel est certainement le plus surprenant de ces artistes réunis : artiste cinétique, il fait danser le métal et s’envoler l’acier. Son travail fascine par sa capacité à concilier la rigueur mécanique de l’ingénieur à l’imaginaire onirique du poète. Saifeddine Ben Hamed travaille le marbre, mais y intègre le bronze, le cuivre et la résine, créant ainsi un dialogue entre la noblesse des matériaux traditionnels et l’exploration contemporaine.
Majed Zalila tout comme Rym Karoui offrent tous deux des trajectoires particulières. Sans être sculpteur au sens classique du terme, Majed Zalila explore l’espace et le volume par des installations ou des compositions tri-dimensionnelles d’objets détournés.
On le voit cependant inviter les personnages de ses tableaux à sortir de la toile pour s’incarner en trois dimensions en métal, en bois ou en résine. Rym Karoui, quant à elle, crée une continuité esthétique entre sa peinture et sa sculpture. Celle-ci est le prolongement naturel de la peinture, une projection dans l’espace.
Dernier arrivé dans cet aéropage, le jeune Mehdi Cherif, dont le talent prometteur n’hésite pas à se confronter à ses pairs. Douze sculpteurs donc, toutes générations et toutes techniques confondues. Une rencontre et une confrontation exceptionnelles à ne manquer sous aucun prétexte. L’exposition s’ouvre aujourd’hui samedi 18 octobre et se poursuivra jusqu’au 30 novembre.