Accueil A la une Amélioration de la participation des femmes au marché de l’emploi : Un réservoir de croissance à court terme

Amélioration de la participation des femmes au marché de l’emploi : Un réservoir de croissance à court terme

Un réservoir

Malgré une amélioration significative, le taux d’activité des femmes en Tunisie est encore estimé faible. Passant de 28 % en 2014 à 34 % en 2024, la participation des femmes au marché de l’emploi a franchi le seuil de 30 %. Avec ce chiffre, la Tunisie devance tous les pays de la région. Mais, selon les économistes, cette progression reste insuffisante pour accélérer la croissance.

La Presse — Le sujet a récemment été débattu lors d’une rencontre en ligne organisée par le think tank « GI4T » autour de la problématique: « Chômage en Tunisie : quelles réalités et quelles perspectives socioéconomiques?». Entre une progression jugée « énorme » et un taux encore considéré « faible », la participation des femmes au marché du travail continue de susciter l’intérêt des spécialistes.

L’économiste Habib Zitouna a souligné que l’amélioration de la participation des femmes est une condition nécessaire pour sortir la Tunisie de la trappe des pays à revenus intermédiaires inférieurs. Selon lui, un taux d’activité d’environ 30 % reste faible et représente un manque à gagner en termes de production estimé entre 15 et 30%. « On perd beaucoup avec cette faible participation. Sans oublier que les femmes qui travaillent consomment davantage et génèrent plus de revenus », a-t-il expliqué.

Un marché du travail peu attractif pour les femmes ? 

Il a ajouté que ce taux ne reflète pas les efforts consentis depuis l’indépendance pour l’autonomisation économique des femmes. « C’est le bassin de croissance qu’on peut avoir à court terme, compte tenu des investissements réalisés, notamment dans l’éducation », a-t-il insisté. Pour lui, un effort supplémentaire en vue d’intégrer les femmes dans le marché de l’emploi est nécessaire pour atteindre un meilleur niveau de développement.

«Depuis une vingtaine d’années, les revenus n’évoluent plus au même rythme qu’avant, et cela est lié, entre autres, à la faible participation des femmes», a-t-il précisé.

Revenant sur les causes de ce relatif éloignement des femmes du marché du travail, Zitouna a expliqué que le problème puise ses origines dans le modèle économique tunisien instauré dans les années 1970. Basé sur la compétitivité par les prix et la compression des salaires, ce modèle, qui n’a pas su se réinventer, a rendu le marché du travail peu attractif, en particulier pour les femmes.

Beaucoup d’entre elles se voient contraintes de quitter leurs postes faute de salaires motivants. Selon les données disponibles, la participation féminine augmente avec l’âge jusqu’à 28 ans, âge moyen du mariage, avant de reculer. A ce moment, beaucoup de femmes choisissent la non-activité, étant donné les rémunérations trop faibles qui ne couvrent pas les charges liées au travail, comme par exemple le transport, l’alimentation… 

Une progression significative, mais…

De son côté, Hafedh Ateb, économiste et ancien directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant (Aneti), estime que la progression enregistrée entre 2014 et 2024 est « énorme ». Le taux est, en effet, passé de 28% à plus de 34 %, soit une croissance de 6,7 %. Il a rappelé que, si l’on ne tient pas compte de la nouvelle méthodologie de l’enquête sur l’emploi qui a été utilisée lors du dernier recensement national, le taux pourrait même atteindre 35 %.

Celle-ci ne comptabilise pas, en effet, le travail de production pour usage propre comme, par exemple, le travail non rémunéré dans le secteur agricole. «Aucun pays de la région, y compris la Turquie, n’affiche un tel taux d’activité féminine », a-t-il affirmé, soulignant que, pour la première fois, la Tunisie enregistre un taux d’activité féminine qui dépasse le seuil symbolique de 30 %. L’économiste Islem Gafsi a rappelé, de son côté, qu’en 50 ans, le taux d’activité des femmes n’a même pas doublé, passant de 19 % en 1975 à 34 % en 2024. 

Ce qui soulève, selon ses dires, le paradoxe entre les politiques menées en faveur de l’émancipation féminine et la réalité socioéconomique de la femme. Elle a également relevé les profondes mutations du marché du travail tunisien. Le secteur agricole, qui employait autrefois 40 % de la population active, ne représente plus que 11 % des emplois aujourd’hui.

Il s’agit d’un changement radical en faveur du secteur des services qui en concentre plus de 54 %. Gafsi a ajouté qu’une analyse des données de l’emploi par tranche d’âge révèle que les jeunes de moins de 25 ans ne représentent que 7 % du taux d’activité. Un chiffre inquiétant, mais qui s’explique, tout de même, par l’allongement de la durée des études universitaires.

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