Cinq spectacles en compétition, une soirée poétique et un workshop sur les « Techniques de l’image numérique » viendront nourrir cette session, véritable tribune dédiée à l’innovation théâtrale et à l’héritage d’un artiste unique.
La Presse — Du 28 octobre au 1er novembre 2025, la ville de Médenine vibrera au rythme de la 28e édition du Festival national du théâtre expérimental, un événement majeur qui portera cette année un hommage vibrant à Anouar Chaâfi. Ce dernier, fondateur du festival en 1992, incarne non seulement l’esprit de cette manifestation, mais aussi l’essence du théâtre expérimental en Tunisie. Organisé par le Centre des arts dramatiques et scéniques de Médenine, avec le soutien du ministère des Affaires culturelles, le festival sera un espace de réflexion, de création et de mémoire.
Cinq spectacles en compétition, une soirée poétique et un workshop sur les « Techniques de l’image numérique » viendront nourrir cette session, véritable tribune dédiée à l’innovation théâtrale et à l’héritage d’un artiste unique.
Né en 1965, Anouar Chaâfi a marqué de son empreinte l’histoire du théâtre tunisien. Diplômé de l’Institut supérieur des arts dramatiques (Isad), il s’est immergé très tôt dans l’art théâtral, cherchant à redéfinir ses codes. Son parcours débute en 1988, et au-delà des frontières tunisiennes, il se perfectionne en Allemagne dans le théâtre gestuel avant de se consacrer entièrement au théâtre expérimental, genre qui allait devenir sa véritable signature.
En 1992, il fonde le Festival national du théâtre expérimental, une initiative audacieuse qui prend racine dans la volonté de créer un espace de dialogue entre les formes théâtrales innovantes et le public. Dès lors, le festival devient un lieu incontournable, rassemblant les avant-gardistes et les passionnés de théâtre en quête de nouvelles expérimentations scéniques.
Mais Anouar Chaâfi ne se limite pas à sa pratique artistique. En 1998, il fonde la troupe de théâtre d’expérimentation de Médenine, un projet qui incarne son désir de dépasser les conventions théâtrales et d’explorer des formes nouvelles de narration et de performance. En 2011, il prend la direction du Centre des arts scéniques et dramatiques de Médenine, et plus tard il dirige le Théâtre national tunisien entre 2011 et 2014, où il influence profondément la formation de générations entières d’artistes et d’étudiants.
Auteur prolifique, Chaâfi a signé plus de vingt pièces de théâtre, dont certaines ont été traduites et jouées à l’échelle nationale et internationale. Son dernier travail, « Le Cauchemar d’Einstein », inspiré d’un texte de Kamel Ayadi, témoigne de son esprit visionnaire, toujours en quête de nouvelles pistes pour réinventer le théâtre.
Cette dernière œuvre d’Anouar Chaâfi est une pièce saisissante où se mêlent réflexion philosophique et expérimentation théâtrale. Elle plonge le spectateur dans un univers où le rationnel et l’irrationnel s’entrechoquent. Anouar Chaâfi, fidèle à son approche du théâtre comme laboratoire d’idées et d’émotions, propose ici un spectacle à la frontière entre le réel et le surnaturel.
A travers une mise en scène audacieuse et des choix visuels frappants, Chaâfi explore les limites de la compréhension humaine, interrogeant notre perception du temps, de l’espace et de l’univers. Cette pièce était aussi un acte de rébellion contre les formes traditionnelles du théâtre. Loin des conventions, « Le Cauchemar d’Einstein » mélange théâtre gestuel, projections vidéo et installations visuelles, offrant au spectateur une expérience immersive où chaque élément scénique devient porteur d’une signification profonde.
Le langage, la lumière et le mouvement dialoguent pour créer un espace de réflexion où la réalité et l’imaginaire s’entrelacent. L’œuvre porte ainsi la signature d’Anouar Chaâfi : une recherche constante du dépassement des limites, une quête de nouveaux moyens d’expression pour réinventer l’expérience théâtrale. En présentant cette dernière pièce, il nous laisse une œuvre testamentaire, complexe et profonde, reflet de son parcours d’artiste engagé et de son regard unique sur le monde.
Mais au-delà de son œuvre scénique, Anouar a également laissé un riche héritage académique à travers ses publications scientifiques, notamment sur les lectures scéniques, une discipline qu’il a abordée avec rigueur et passion.
L’hommage qui lui est rendu à travers cette 28e édition du festival revêt une dimension particulière. Il ne s’agit pas seulement de célébrer l’artiste, mais de faire vivre ses idées, sa vision du théâtre comme un espace en perpétuelle transformation, où chaque geste, chaque image, chaque mot peuvent redéfinir le possible.
La présence de son œuvre au cœur du festival, notamment à travers les spectacles en compétition, permettra de mesurer l’influence durable de ses innovations. Le workshop, intitulé « Techniques de l’image numérique », résonne également comme une continuation de son exploration des nouvelles formes d’expression scénique.
Le festival, tout en honorant la mémoire d’un homme profondément engagé dans la réinvention du théâtre tunisien, sera une invitation à la réflexion sur l’évolution du théâtre expérimental dans le monde contemporain. Un appel à oser, à dépasser les limites et à briser les frontières de la scène, tout en restant fidèle à la force et à la richesse de l’imaginaire collectif.
Ce sera, plus que tout, un acte de transmission, une promesse de faire vivre son œuvre et de continuer à explorer les multiples facettes de ce que nous appelons « le théâtre expérimental » : un théâtre en perpétuelle mutation, sans cesse à la recherche de l’invisible, du caché, de l’inouï.
