Accueil A la une Colloque inaugural des « saisons de la création » : Vers une école tunisienne du théâtre

Colloque inaugural des « saisons de la création » : Vers une école tunisienne du théâtre

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À Tozeur, chercheurs, dramaturges et critiques se sont réunis du 24 au 26 octobre dans le cadre du colloque “Le théâtre tunisien : questions d’identité, d’altérité et de représentations de la subjectivité–Vers une école théâtrale tunisienne ?”. Sobre, dense et ouverte sur l’avenir, cette rencontre aura confirmé que le théâtre tunisien ne se contente plus de jouer des rôles: il écrit désormais le sien dans l’histoire culturelle du pays.

La Presse — Organisée par le Théâtre national tunisien et Beït Al-Hikma, cette rencontre a ouvert un espace de réflexion sur les fondements, les défis et l’avenir du théâtre tunisien, à la croisée de la pensée critique et de la création artistique.

Un théâtre entre pensée et création

Pour Moez Mrabet, directeur du théâtre national et maître d’œuvre du festival Saisons de la Création, cette rencontre marque la continuité d’un projet culturel national où la scène devient un espace de liberté et de pensée. «Le partenariat avec Beït Al-Hikma traduit la conviction que la création artistique doit se nourrir de la réflexion intellectuelle », souligne-t-il. 

Car derrière le débat académique, se dessine une ambition : poser les fondements d’une école théâtrale tunisienne, à la fois authentique et ouverte, capable d’exprimer les bouleversements d’une société en mutation.

Cette volonté d’allier savoir et art, le Dr Moncef Ben Abdeljalil la partage pleinement. Le président du comité consultatif de la revue de Beït Al-Hikma annonce d’ailleurs qu’un numéro spécial sera consacré au théâtre tunisien, rassemblant les interventions du colloque.  Un Guide du théâtre tunisien devrait également voir le jour, véritable ouvrage de référence documentant un siècle d’expériences esthétiques et intellectuelles.

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Le sud comme scène et symbole

Accueillir un tel colloque à Tozeur n’a rien d’anodin. Pour le directeur du Centre des arts dramatiques et scéniques de la région, Abdelwahid Mabrouk, il s’agit d’un retour à la source : «Tozeur a toujours été une terre fertile de culture. Ce colloque permet au sud de retrouver sa voix théâtrale».

Le Forum du sud, associé à l’événement, se veut un laboratoire d’expérimentation où les traditions locales se confrontent aux nouvelles formes de création, dans un dialogue continu entre artistes et société.

Mémoire, identité et modernité

Au-delà des discours institutionnels, la parole d’Abderraouf Basti, ancien ministre de la Culture et figure intellectuelle du théâtre tunisien, a donné au colloque une profondeur historique rare. Rappelant que le théâtre national est né dans un contexte de résistance culturelle durant le protectorat, il a retracé le long cheminement d’une scène en quête d’expression propre.

De la première pièce tunisienne «Sultan entre les murs de Yıldız» de Mohamed Jaïbi en 1910, à la floraison du théâtre universitaire et régional des années 1960, Basti a montré comment chaque époque a cherché à concilier authenticité et universalité.

Il a évoqué ces moments clés où le théâtre tunisien s’est réinventé : la période bourguibienne, qui fit du théâtre un outil d’éveil social ; le Manifeste des onze des années 1970, véritable cri de révolte contre l’imitation et l’immobilisme ; ou encore l’émergence du théâtre nouveau, qui puisa dans le patrimoine populaire une force esthétique et un langage proche du public.

Des figures comme Taoufik Jebali, avec «La Chaîne» et son humour satirique, ont su maintenir ce lien vital entre l’art et le peuple, entre la réflexion et le plaisir scénique. 

 

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Une école tunisienne du théâtre?

Cette interrogation, au cœur du colloque, dépasse le simple cadre académique. Elle renvoie à une dynamique vivante : celle d’un théâtre qui ne cesse de se redéfinir, de s’interroger sur sa place dans un monde globalisé tout en restant fidèle à ses racines. «L’identité n’est pas un héritage figé, mais un processus permanent d’interaction et de renouvellement», a rappelé Abderraouf Basti en conclusion.

Le théâtre tunisien, en puisant dans sa mémoire et ses contradictions, semble aujourd’hui prêt à franchir une nouvelle étape : celle d’une école qui exprime l’homme tunisien contemporain, dans sa langue, sa diversité et ses rêves.

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