Accueil Société Enfants hyperactifs : Des enfants pas comme les autres ?

Enfants hyperactifs : Des enfants pas comme les autres ?

Les enfants présentant des troubles du comportement n’ont pas la vie facile… Pareillement, leurs parents qui sont souvent désemparés et impuissants ont recours à des éducateurs et des spécialistes pour les aider et les accompagner dans un processus difficile et parfois douloureux.

«Chitan» est le mot du dialecte tunisien que nous utilisons pour parler d’un enfant qui ne tient pas en place. En réfléchissant à ce terme, nous pouvons voir tout l’imaginaire culturel qui se cache derrière, à savoir la malédiction, le maléfice ou encore la peur qu’il suscite.
En associant la personne à ce terme, nous programmons notre cerveau à nous comporter avec lui comme s’il était inhumain, qu’il faisait partie du monde des ténèbres, ce qui peut influencer notre comportement envers lui.
Imene, biologiste de sont état et mère de deux enfants, a déclaré que lorsque son fils était enfant, tout le monde lui disait «que Dieu te donne de la patience» tellement il était incontrôlable. Elle l’attachait au pied du canapé au salon pour qu’elle puisse faire autre chose que le surveiller. C’était considéré «normal», personne de sa famille ne trouvait cela inadéquat. «Aujourd’hui c’est différent», explique-t-elle. «Mon fils est maintenant un grand garçon, il a l’âge d’avoir des enfants et l’éducation des enfants a pris un nouveau tournant». En effet, cette méthode est aujourd’hui considérée comme de la maltraitance.
Cet enfant qualifié de «diable» dérange sur les bancs de l’école également. Pour être polis et respectueux, les enseignants utilisent plutôt l’adjectif «agité» pour désigner ces enfants hyperactifs. «Une rencontre avec les parents s’impose généralement pour envisager ensemble des solutions et savoir comment gérer ces enfants en classe», affirme une ancienne enseignante des petites classes. Il est vrai, le corps enseignant a parfois du mal à gérer des élèves qui ne tiennent pas en place, qui perturbent leurs camarades et qui ne leur facilitent pas la tâche. Il est parfois exclu de la salle de classe pour terminer le cours. Cet enfant, qui devient soit la star ou au contraire la brebis galeuse à qui la majorité ne veut pas parler, a réellement la vie dure. Il est mal compris par les enseignants et ses camarades face à son comportement souvent incontrôlable. Pourquoi ces enfants ne trouvent-ils pas leur place ? Qui sont-ils ?
La psychologue développementaliste Moufida Ben Ahmed qui travaille depuis plus de dix ans avec des enfants en difficulté nous explique que dans plusieurs cas, les symptômes cités tels que l’impulsivité, l’hyperactivité ou encore la difficulté à se concentrer en classe indiquent une présence d’un trouble neuro-psychologique. En termes cliniques, cet enfant est atteint du TDA/H. «Il s’agit d’un trouble développemental qu’on appelle le Trouble de déficit d’attention avec ou sans hyperactivité. Dans 50 à 80% des cas, il est associé à d’autres troubles psychiques comme la dépression, l’anxiété et les troubles d’apprentissage», explique madame Ben Ahmed, ajoutant, par ailleurs, que «ce n’est pas du tout les conséquences d’une «mauvaise éducation» comme le pensent certains, insiste-t-elle.

Conscients du trouble
de leur enfant, les parents ne consultent pas tout de suite
Aujourd’hui, grâce aux différentes recherches orientées vers l’enfant, les troubles de l’enfance sont de plus en plus vulgarisés dans les médias. Des termes comme autisme et troubles par exemple ne sont plus inconnus pour les parents qui sont d’autant plus vigilants par rapport à cela parfois même trop, étiquetant leur enfant de «dyslexique» ou «dysorthographique» sans visiter un spécialiste pour faire un diagnostic. «Malgré cette vulgarisation», affirme Moufida Ben Ahmed, «le TDA/H est encore très tardivement diagnostiqué».
Bien que les premiers signes soient repérés, les parents mettent du temps pour emmener leur enfant auprès d’un spécialiste alors qu’«un diagnostic précoce est essentiel pour comprendre le cas et lui proposer l’accompagnement adéquat». Elle explique que le but de tout diagnostic est la mise en place rapide et intensive d’une intervention thérapeutique et éducative» pour effectivement améliorer le quotidien de l’enfant.
Dalinda, maman de deux enfants, nous a confié le cas de sa fille Sondos qui ne montrait pas de symptômes inquiétants, qui n’était pas agitée, au contraire, elle était une enfant calme. Toutefois à mesure qu’elle grandissait, ses notes chutaient alors qu’elle était vraiment très intelligente d’après sa maman. C’est à 16 ans qu’elle l’emmène chez un psychiatre qui la diagnostique et trouve qu’elle a le trouble d’attention sans hyperactivité.
«Il n’y a pas que l’hyperactivité» souligne madame Ben Ahmed, «parfois il y a une confusion entre le symptôme, à savoir l’hyperactivité et le syndrome représenté par le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité».
En effet, nous avons reçu également le témoignage de Leïla, maman de trois enfants et qui a du mal à gérer sa fille cadette qui non seulement est très agitée mais qui présente, par ailleurs des problèmes relationnels avec ses frères, des difficultés à l’école et une importante impulsivité à la maison.
C’est en écoutant une émission à la radio sur ce trouble qu’elle comprend que sa fille est atteinte d’un TDA/H. Les symptômes évoqués par l’animateur de la radio sont similaires à ceux que présente sa fille. La réaction ne s’est pas fait attendre. Elle prend tout de suite rendez-vous avec un spécialiste. Le verdict tombe : sa fille est atteinte de trouble du comportement. Mais quelle solution pour ces petits ?
Pour Dalinda et Leïla, leur quotidien et celui de leurs enfants a changé depuis que leur psychologue respectif leur a prescrit un psychostimulant sous forme de comprimés.
Les doses dépendent de la prescription du psychiatre. Il est le traitement le plus efficace sur le marché pharmaceutique qui régule les troubles de TDA/H. «C’est grâce à la Ritaline que j’ai retrouvé ma fille», déclare Mme Leïla qui a voulu faire toute seule l’expérience pour vérifier si c’est grâce à ce médicament que sa fille allait mieux. En effet, elle a arrêté le traitement pendant un mois, et elle a remarqué que sa fille avait fait une rechute. «Cela ne fait aucun doute, la Ritaline est un remède miracle». Dalinda a, elle aussi affirmé que depuis la prise de la Ritaline sa fille arrivait à se concentrer beaucoup plus et ses notes s’étaient améliorées.
Dans ces deux cas cités, les psychologues respectifs prescrivent la Ritaline, pourtant elle contient des amphétamines qui sont considérés comme des stupéfiants, la Ritaline serait-elle une sorte de drogue ? Est-elle pour autant nocive ?
Mme Lamia nous raconte sa terrible expérience avec ces comprimés. Il y a trois ans, son fils a été diagnostiqué avec un TDAH, le psychiatre lui a prescrit de la Ritaline. Mais depuis, elle a remarqué qu’il était plus agressif, voire violent. Elle raconte qu’une fois il a frappé de son poing la vitre de la voiture tellement fort qu’il s’est blessé. Il était très en colère. «Je n’ai pas compris au début ce qui se passait» quand j’ai arrêté de lui donner le traitement, il est redevenu celui qu’il était : turbulent et impulsif mais pas aussi violent.
Le psychostimulant peut avoir des effets secondaires mais ce n’est pas fréquent. En effet, le corps prend du temps pour s’adapter aux comprimés. Comme le cas évoqué, il peut y avoir un changement de la personnalité mais pas uniquement. Les comprimés peuvent provoquer des maux de tête, des troubles du sommeil, des diarrhées et dans des cas plus rares des problèmes cardio-vasculaires …Chez les enfants en pleine croissance, les amphétamines contenus dans la Ritaline peuvent agir comme un coupe-faim, donc il peut y avoir une perte de poids ou encore un ralentissement de croissance sur le plan de la taille.

Enfants atteints de TDA/H et questions existentielles
Certains enfants trouvent beaucoup de mal à accepter de prendre des médicaments. Des questions existentielles se passent dans leur tête. «Pourquoi je ne suis pas comme les autres, qu’est-ce que j’ai de différent ? Mme Leïla affirme que sa fille n’a pas aimé cette idée d’être sous traitement et comme la prise du médicament se faisait à une heure de la journée où elle était dans un établissement scolaire, cela n’a pas facilité la tâche».
Moufida Ben Ahmed met en lumière l’importance de suivre l’enfant sur les plans social et psychique car ces petits se renferment sur eux-mêmes et ont du mal à s’intégrer dans un groupe dans lequel ils se sentent incompris. La prise de médicaments alors que les autres enfants ne le font pas renforce cette croyance en eux qu’ils ne ressemblent pas aux autres.

La méditation : solution complémentaire ou alternative ?
Plusieurs recherches s’intéressent à ce sujet dont des études sont faites sur l’effet de la méditation dans le cas du TDA/H. Rappelons que la méditation est une pratique qui se base sur l’entraînement de l’attention et sur la concentration sur des éléments extérieurs ou intérieurs au corps. Bien qu’il soit difficile pour les personnes souffrant de TDA/H de se concentrer sur le présent, cette pratique apporte de l’amélioration.
Dans un article sur les effets du yoga «Effects of an 8-week yoga program on sustained attention and discrimination function in children with attention deficit hyperactivity disorder» publié en 2017 à l’université de Taipei à Taiwan, il s’est avéré qu’après 8 semaines de yoga (un programme sur mesure) il y avait une amélioration au niveau du temps de la réaction et de la concentration des enfants, les symptômes diminuent au fil du temps. Plusieurs autres méthodes méditatives ont été étudiées dans le cas des TDA/H comme celle de la méditation en pleine conscience (PC) codifiée en termes de (Mbct), à savoir la Mindfull Based Cognitive Therapy dont les résultats montrent qu’effectivement la méditation est une pratique qui régule l’impulsivité et le manque de concentration si elle est pratiquée régulièrement.

Entre «Chitan» et «guide spirituel» un long chemin reste à faire…
Allant du monde spirituel aux sciences occultes, il semble que les enfants atteints de ce trouble soient considérés comme des personnes particulières. Ils sont appelés des enfants «Indigo» parce qu’ils ont un champ énergétique différent de celui des enfants «normaux». Il paraît qu’ils appartiennent à une nouvelle race plus adéquate au «New age» et sont envoyés pour une mission sur terre, celle d’être des «leaders spirituels»… Il y a de quoi rêver.
«Quelle que soit la difficulté de votre enfant, si vous la percevez comme un handicap, elle le sera, si vous la percevez comme une simple différence elle le sera. «Chitan», agité, un enfant TDA/H, un «indigo»… toutes sont des étiquettes que nous collons à ces enfants. Ce sont des termes handicapants qui mettent la pression et impliquent des attentes trop élevées». Les enfants sont tous uniques et tous différents. Accompagnons-les du mieux que nous pouvons.
E.G.

Charger plus d'articles
Charger plus par La Presse
Charger plus dans Société

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *