Collecte des ordures : La « bête noire » des municipalités

L’expérience de la privatisation des opérations de collecte des ordures ménagères semble avoir échoué. Quelle (s) solution (s) pour sauver l’environnement dans nos communes ?

Plus question de s’en étonner : nos municipalités, ou la plupart d’entre elles, ont levé le drapeau blanc dans leur «guerre» contre les défis de l’environnement. En atteste ce lugubre paysage quotidien illustré par l’entassement d’importantes qualités d’ordures ménagères et de détritus jalonnant chaussées et trottoirs.
«L’abandon du combat» prend même des allures de drame, quand on sait que des artères principales, qui constituent pourtant la vitrine et l’image de toute ville qui se respecte, n’ont pas été épargnées, en s’offrant leur… part du gâteau! A titre d’exemple : des cités dites résidentielles et huppées situées dans le Grand-Tunis, telles que Ennasr I et II, El Manazeh, La Soukra, La Marsa, Riadh Al Andalous, Al Manar, Ariana Supérieure, les Jardins de Carthage, Gammarth, pour ne citer que celles-ci, en sont une parfaite illustration.
Ça et là, les conteneurs, fortement saturés, mettent deux, parfois même trois jours, pour être vidés. «Nous sommes condamnés à jeter nos poubelles un peu partout ailleurs, afin de limiter les dégâts devant nos domiciles», déplore un habitant d’Ennasr II qui affirme avoir maintes fois vainement protesté auprès de la municipalité de l’Ariana. Dans une cité chic de Borj Louzir (commune de La Soukra), un autre habitant est visiblement inconsolable. «Si nous nous sommes, tempête-t-il, habitués aux retards assez fréquents des camions de collecte de la mairie, nous ne tolérerons jamais plus les agissements irresponsables des employés de ces engins qui omettent de ramasser tous les sachets des ordures et, souvent, d’en abandonner d’autres, en sautant des endroits sur leur itinéraire. Ces gens-là sans foi ni loi cherchent certainement à… creuser nos tombes. C’est criminel ce qu’ils sont en train de faire». Deux citoyens sur trois vous le diront : «On a beau élever des réclamations écrites, protester verbalement auprès des services concernés et même mettre le doigt sur la plaie au cours des réunions préparatoires (ouvertes au public) qu’organisent les mairies à la veille des sessions ordinaires du conseil municipal, on ne voit encore rien venir, si ce ne sont des promesses hélas jamais, ou en infime partie, tenues».

Psychose et fatalité
En somme, on peut dire que les municipalités continuent de mener cette… valse des vampires face à une population hébétée, atterrée et, en tout cas, impuissante. Sur ces mêmes colonnes, on avait, à maintes reprises, donné l’alerte et mis en garde contre la persistance de cette psychose aux conséquences qui pourraient s’avérer désastreuses, non seulement pour la beauté de l’environnement et l’image du pays dans son ensemble, mais aussi et surtout pour la santé du citoyen. Psychose, disions-nous. Mais fatalité en sus. Soit deux… fusées à têtes nucléaires ensemble! D’où notre conviction que le moment n’est plus de se contenter de condamner, râler et fustiger. Ce sont des réactions, c’est maintenant avéré, qui ne servent plus à rien, en l’absence du moindre signe d’espoir. Aujourd’hui, il faut aller au fond des choses, droit au but pour espérer élucider le mystère de nos… Bermudes. Et là, bonjour les échappatoires dès que vous priez une mairie de s’exprimer là-dessus. La rengaine est connue : notre parc roulant est usé, les caisses sont vides, les effectifs des employés chargés des travaux de propreté sont réduits. Dans plus d’un Hôtel de ville, la plaidoirie d’innocence prend même des proportions égoïstes, en accusant les habitants de tous les maux (jets d’ordures ménagères à même le sol, loin des conteneurs, non-respect de l’horaire de pointage des camions de ramassage…). Cependant, dans leur âpre défense, aucun aveu du culpabilité n’est décelé. C’est-à-dire : «ce n’est pas nous, ce sont les autres, et allez laver devant votre maison!». Certes, il y a du vrai dans ces accusations dont on voit des exemples, tous les jours.
Mais, ce qui est bizarre, c’est que nos municipalités, visiblement pas du tout fair-play, refusent d’admettre que les sociétés privées qu’elles ont chargé de cette tâche de propreté assument une bonne part de responsabilité dans ce «drame». En effet, celles-ci sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à s’y investir. Leur présence assez timide au tout début de l’entame, dans les années 90, de l’expérience de la privatisation des opérations de collecte des ordures ménagères, est devenue de plus en plus imposante. Bien évidemment, cela a beaucoup soulagé les conseils municipaux, en leur épargnant un calvaire à la fois stressant et coûteux, tout en leur permettant de se consacrer à d’autres volets quotidiens inhérents au développement, à l’environnement et aux prestations de services aux citoyens. N’empêche que privatiser ce service ô combien vital s’est avéré un fiasco.
Le constat est sans appel : ces sociétés privées sont bel et bien passées à côté de la plaque. Une vraie déception, rien qu’à comparer cette expérience à celle qui est de coutume en Occident. Qui condamner alors? Les employeurs que sont les municipalités, ou leurs employés que sont ces sociétés privées? Pour nous, une seule réponse «neutre» mais réaliste : les deux à la fois.
D’où surgissent ces interrogations qui ont de quoi torturer le crâne: ces entreprises qui ont désormais pignon sur rue sont-elles rigoureusement contrôlées? Les municipalités assurent-elles le suivi quotidien qui s’impose? Si oui, pourquoi leurs abus… ont-ils la peau dure? Cela, par la force des choses, revient à poser cette ultime mais ô combien importante question : comment peut-on conclure un marché en bonne et due forme avec une société qui ne respectera pas le contenu du cahier des charges, sans jamais penser à la résiliation de son contrat?

Mohsen ZRIBI

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