Quand le professionnalisme bat de l’aile, que la course folle aux scoops et la recherche effrénée du buzz prennent le dessus sur toutes les considérations éthiques ou morales et que certains médias et politiciens oublient qu’il existe des lignes rouges à ne jamais dépasser ou s’impliquent volontairement ou involontairement dans des agendas n’ayant pas de rapport avec les intérêts supérieurs du pays, voire menaçant sérieusement sa stabilité, il n’est plus surprenant que se produisent, à intervalles réguliers, des dépassements qu’on peut qualifier de graves et que des comportements inadmissibles interviennent quasi quotidiennement et trouvent audience et crédit auprès de certains médias qui n’hésitent pas à les répercuter en s’énorgueillissant de devancer leurs collègues de la profession, sans en mesurer les néfastes conséquences au moment où les prétendus scoops se révèlent sans fondement.
Vendredi soir, la rumeur du décès de Mohamed Ennaceur, ex-président de l’ARP et ex-président de la République par intérim, relayée sur les réseaux sociaux et certains médias audiovisuels et officialisée par Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, qui s’est précipité de présenter ses condoléances à la famille du «défunt», qui prendra lui même l’initiative, hier, samedi 9 novembre, de rétablir la vérité et de confirmer qu’il va bien, est révélatrice de l’état de détérioration atteint par certains médias et journalistes et significative aussi de la nature des rapports qui lient les acteurs au sein du paysage politique national. Rapports qui se fondent malheureusement sur les mensonges, les rumeurs les plus fantaisistes et sur le colportage et la diffusion de fausses informations dépassant la diffamation ou l’atteinte effrontée à l’honneur et à la réputation personnelle — pour aller jusqu’à répandre des informations sans fondement sur la mort d’un concurrent ou même d’un partenaire politique. Hier, le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) s’est trouvé dans l’obligation de remettre les pendules à l’heure pour intervenir et rappeler à l’ordre, à la fois, les institutions médiatiques qui ont fauté et les responsables des partis politiques qui ont publié la rumeur de la mort du président de l’ARP sur leurs comptes facebook, lui donnant ainsi une certaine crédibilité et induisant, peut-être sans en avoir l’intention, l’opinion publique en erreur.
L’appel lancé par le Snjt à l’intention d’Ennahdha lui demandant de s’excuser et le rappel à l’ordre invitant certains médias à revoir leurs méthodes de travail en tournant le dos aux scoops et à la quête du buzz, à n’importe quel prix, interviennent à un moment particulier où plusieurs forces politiques parmi celles qui montent, à la faveur des législatives du 6 octobre dernier, n’ont pas hésité à remettre en cause ce qu’elles appellent «la fuite en avant d’une certaine presse et de certains communicateurs qui ont franchi toutes les lignes rouges».
Faut-il attendre que la fausse nouvelle concernant l’ancien président de la République et de l’ARP conduise à une prise de conscience partagée entre le monde des médias et celui des politiciens sur la nécessité de promouvoir de nouveaux rapports fondés essentiellement sur la confiance, la responsabilité et la crédibilité ?

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