Entretien avec Ali Patrick El Ouerghi, fondateur des «Dunes Electroniques» : Les dessous d’une édition prometteuse


Après un arrêt de trois années, «Les Dunes Electroniques» reviennent pour une 3e édition riche en musique, en art visuel, qui se veut engagée et qui se déroulera pendant le weekend du 16 et du 17 novembre dans le désert tunisien. L’évènement est un rempart aux difficultés d’ordre économique dans le sud tunisien et une aubaine pour les citoyens tunisiens originaires de Nafta et de Tozeur. Ali Patrick Ouerghi, fondateur de cet événement, nous dévoile les coulisses et les enjeux d’une édition particulièrement attendue par plus de 5000 festivaliers tunisiens et étrangers.


Ali Patrick El Ouerghi fondateur des Dunes Electroniques

Patrick, vous êtes fondateur des «Dunes Electroniques» : un évènement qui a marqué 2014 / 2015. Tout comme l’Ephémère festival pendant l’été 2014, cet événement a lancé la culture des festivals de musique électronique et d’art visuel en Tunisie. Quelles sont les attentes ou l’impact que peut avoir un tel événement dans le sud du pays ?

En 2014 et 2015, ce festival a impacté la jeunesse tunisienne et les festivités électroniques qui ont suivi après. Pourquoi on l’avait créé à l’époque ? On avait lancé l’hôtel Dar Hi à Nefta, à cette époque le tourisme et l’économie du pays étaient au point mort. Et c’est le sud qui en souffrait le plus. Il fallait faire quelque chose pour que cela change et on s’est tout de suite dit que la culture pouvait être un rempart, un moyen de redynamiser la région qui était en train de mourir. Les gens de la région avaient besoin d’un coup de pouce, un coup de projecteur pour promouvoir leur région et leur remonter le moral. De plus, on pouvait en faire un outil de développement régional. La dynamique qui se crée ici pendant le festival est hallucinante : les secteurs touristiques et artisanaux sont revivifiés. Tout le monde bouge, tout le monde se sent impliqué, les commerçants sont entrés en lice, les établissements hôteliers sont au grand complet. L’impact est grandiose, c’est l’objectif.

Sur le plan de la programmation, est-ce que cette 3e édition reste dans la continuité des deux précédentes ou est-ce qu’elle s’innove et se veut différente ?

Pour la 3e édition, et d’une édition à une autre, on tient à évoluer, à s’améliorer. C’est important pour nous d’organiser cette édition en cette période de l’année, de braver les intempéries s’il y en a et de se munir. On apprend de nos expériences : en 2015, rappelons-le, tout le programme qu’on avait tracé est tombé à l’eau à cause des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région. Cette année, on revient avec tout ce qu’on avait prévu de concrétiser auparavant, avec une trentaine d’heures de musique électronique : une vingtaine d’artistes internationaux et une dizaine de DJ tunisiens et notamment des stars comme Luciano, un des piliers de la musique électronique. On a décidé cette année d’étoffer l’aspect artistique avec de l’art par exemple : installations artistiques, chorégraphies, œuvres d’’art venues du monde entier. De plus, la programmation promet, puisque une bonne partie de l’évènement se déroulera dans les décors de «Star Wars». D’ailleurs, on réserve de grands écrans pour regarder des films « Star Wars». On a reçu des performances de danseurs/ danseuses qui se joindront aux festivaliers pendant la nuit. Ça c’est la partie Culture / Art, répartis dans des Hashtags en ligne. On a également ajouté «les dunes Spirit» en Hashtag pour entretenir l’humeur et le bien-être des festivaliers, ajouter une touche de spiritualité, et de faire appel à un Chaman, qui fera de la méditation. D’autres activités dans ce sens sont au programme. La décoration du site de Star Wars et sa scénographie étaient au point. Sans oublier les workshops avec des étudiants de l’Enau et l’Essted chapeautés par la Maison de l’Image, etc. On se veut participatifs, tout le monde peut s’approprier «les Dunes Electroniques» et il faut garder ce fil conducteur. L’événement est tout public et s’adresse à toutes les tranches d’âge. J’espère le voir acquérir une notoriété internationale dans quelques années. Il ne faut pas oublier l’engagement écologique prôné par l’équipe des Dunes qui veillera à la protection de l’environnement en faisant appel à des associations et des organismes. On est dans le désert : il faut s’engager à le laisser propre en sensibilisant tout le monde à la protection de la nature.

Quelles sont les dispositions prises pour faire face aux intempéries et aux débordements d’ordre sécuritaire ?

Éviter les intempéries, on fera de notre mieux (rire). En tout cas, a priori, il fera beau. On a pris des dispositions très importantes bien sûr : La Garde nationale est notre alliée et ici, ça sera le coin le plus surveillé de toute la Tunisie. Notre garde travaillera à tous les niveaux, sur le site, les frontières, dans le désert, etc. Une mobilisation pareille est exemplaire. On ne peut pas organiser un événement d’envergure sans assurer la sécurité de bout en bout et sans s’associer aux autorités.

Les festivaliers seront au rendez–vous : les chiffres sont–ils à la hauteur de vos espérances ?

Les ventes se passent très bien : énormément de gens sont attendus. Les hôtels affichent complet. Le transport est au point, les covoiturages, plus de 50 journalistes attendus pour l’occasion : des festivaliers étrangers qui viendront à l’occasion. Notre parrain Jack Lang sera parmi nous, l’ambassadeur de France, M. Olivier Poivre d’Arvor, également. Une occasion de se retrouver et de montrer que c’est un festival important «Made in Tunisia».

Comment les Tunisiens originaires de Nafta et de Tozeur sur place perçoivent-ils l’organisation de ce festival ?

Si le festival tient toujours la cadence, c’est grâce à eux : depuis l’organisation de la dernière édition, ils n’arrêtent pas de réclamer le retour des « Dunes Électroniques », à l’unanimité. Ça fait plaisir de voir une si grande mobilisation pour réussir un festival qui rassemble plus de 6000 festivaliers dans la région. Même à l’époque où le tourisme allait bien, il n’y a pas eu d’évènements similaires dans la région : affiches partout, autorités régionales, le gouverneur de Tozeur et son soutien indéfectible. Cet événement est capital pour le développement de la région, sans oublier, le soutien inconditionnel du ministre du Tourisme, M. René Trabelsi.

Justement, après une éclipse de 3 ans, comment avez-vous pu ressusciter les « Dunes » avec le soutien du ministre du Tourisme ?

Je n’ai pas jeté l’éponge. J’ai continué à travailler mais tout a été mis en «stand by» pour l’aspect festif : il faut dire que depuis, la Tunisie et la France ont traversé une période sécuritaire critique. On a résisté et on a continué à essayer de remédier aux problèmes du tourisme dans la région et, au fur et à mesure, le ministre du Tourisme a été intéressé par l’initiative et a tenu à apporter son empreinte. Depuis, on a acquis une certaine expérience. Pas mal d’événements ont eu lieu à Djerba, notamment, partout ailleurs et même en France, et c’était inévitable que les Dunes devaient revenir. Et M. René Trabelsi a tenu à relancer le festival.

Trouvez-vous tout de même qu’économiquement le pays est en train de remonter la pente ? Que des améliorations sont tout de même à retenir ? Que le tourisme s’embellit  dans cette région ?

Je trouve qu’en Tunisie, on a souvent tendance à parler de tourisme dans le sud ou comment faire pour remédier aux carences du tourisme du désert, du sud, ou même de l‘intérieur. On propose, on évoque, mais on n’agit pas réellement. Les hôtels, les restaurants se font rares et ne sont pas au point, les avions ne sont pas à l’heure. La culture des gros événements marquants comme celui-là ne peut être que bénéfique : il faut être innovant, la région attire toujours autant, il faut créer de nouveaux circuits, de nouveaux parcours, innover à la base. Il y a du travail, beaucoup de travail encore à faire et il faut surtout être innovant. La Tunisie a un potentiel jeunesse énorme.

8-Beaucoup espèrent faire des «Dunes électroniques» à long terme une sorte de «Burning Man» en Tunisie …

(Rires), Pourquoi pas ? On a tout ce qu’il faut pour atteindre cet objectif.

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