Séminaire national sur le genre : La femme rurale, un rempart contre le changement climatique


La femme rurale qui préserve les ressources en eau et la femme agricole qui assure la sécurité alimentaire freinent indirectement les effets néfastes du changement climatique en Tunisie. Plus encore, elles sont la roue motrice du progrès et de la prospérité dans le secteur agricole.


Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a été cité sur la brochure remise à l’assistance par les organisateurs de l’événement pour sa réplique sur les femmes rurales : «Les femmes rurales sont les premières dont dépendent les méthodes de l’agriculture nouvelle et les premières aussi qui répondent en situation de crise. En tant qu’actrices directes dans le domaine de l’écologie et l’énergie verte, elles constituent une force vitale et la roue motrice pour le progrès universel».
La place de la femme rurale dans la société tunisienne occupe le centre des intérêts et des enjeux globaux à l’heure actuelle, et ce, depuis au moins 2017, date de ratification de nombreux accords la protégeant. Au point qu’on lui attribue un rôle prépondérant dans la lutte contre le changement climatique. A ce sujet, un séminaire national sur le genre et le changement climatique a été organisé à l’hôtel Africa, lundi dernier, à l’initiative du ministère de l’Environnement et des Affaires locales, du ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Séniors et de partenaires européens.
Le rôle des femmes et des filles dans le maintien de la famille et la constance des communautés rurales et dans l’amélioration des moyens de subsistance en milieu rural, ainsi que dans la réalisation des objectifs du développement durable est de plus en plus reconnu. Ce sont notamment leurs efforts pour fournir aux habitants de leur village l’eau qui sont salués puisqu’elle est loin d’être commode quand bien même elle serait une source vitale pour l’activité agricole.
La rareté de l’eau dans certaines zones reculées de la Tunisie qui vit sous le seuil du stress hydrique est pointée du doigt. Malgré cela, les femmes rurales tunisiennes ont réussi à devenir une partie de la solution en luttant contre les effets du changement climatique. Et pour cause! Hédi Chbili, directeur général de la construction et qualité de vie, a tiré la sonnette d’alarme dans son exposé sur l’essentiel des indicateurs sur le changement climatique en Tunisie.

Réchauffement climatique et pénurie d’eau
Il fait part de la menace croissante du réchauffement climatique en Tunisie avec une élévation progressive des températures sur plusieurs années. Il estime qu’il y a deux à trois scénarios possibles avec une température qui va augmenter au cours des prochaines décennies de 1,5° puis 4,5° et enfin 8,5° d’ici la fin du XXIe siècle ! Il estime, en outre, que ce ne sont pas les seuls pays industrialisés qui sont affectés et que la Tunisie risque d’enregistrer une baisse de la pluviométrie avec des degrés anormaux qui risquent de faire pression jusqu’à provoquer des périodes de sécheresse.
Une diminution des ressources en eau est très envisageable avec des risques d’inondations extrêmes selon l’expert. Catastrophisme ou pas, rien que d’y penser, c’est une situation redoutable que le monde traverse. Heureusement, les femmes rurales ne l’entendent pas de cette oreille et continuent de s’activer sur le terrain à leur manière et avec les moyens du bord pour lutter contre les effets du changement climatique.
Une vidéo d’une dizaine de minutes parrainée par le GIZ, programme économique allemand en Tunisie, a démontré les difficultés que vivent les femmes rurales pour l’approvisionnement en eau dans les zones rurales éloignées à l’instar du gouvernorat de Kairouan. Intitulée «le projet des ambassadrices de l’eau en Tunisie» et réalisée sous le patronage du ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques, elle n’en est pas moins saisissante et accompagnée de chaleureux applaudissements de l’assistance qui aura fort apprécié le contenu et le message du spot à caractère de sensibilisation.

L’eau, un souci quotidien
C’est une enquête sur le terrain qui a réuni une vingtaine de femmes de quinze secteurs différents. «Le rôle du transfert de l’éducation donne une voix et une valorisation pour une meilleure gestion de l’eau».
La plupart des jeunes femmes rurales doivent se résoudre à aller jusqu’au puits situé à quelques kilomètres de leur habitation pour se ravitailler. Le projet vise essentiellement à initier dès leur plus jeune âge les filles rurales sur la bonne gestion des ressources en eau afin d’éviter le gaspillage. C’est le pari de la réussite d’une meilleure gestion des ressources en eau. Il permet d’inculquer les bons gestes aux filles rurales afin qu’elles apprennent à rationaliser les quantités d’eau qui sont à leur disposition : apprendre, comprendre, savoir. Une stratégie nationale a été exposée par Samira Ben Hassine directrice générale au ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance dans son exposé intitulé «La stratégie nationale de l’autonomisation économique et sociale pour les femmes et les filles en milieu rural : autonomisation des femmes rurales face au changement climatique». Elle a rappelé les axes du plan quinquennal 2017-2022 ratifié le 11 août 2017 année au cours de laquelle on a relevé que seulement 10,5% des femmes rurales avaient une couverture sociale. En outre, une femme sur deux en Tunisie vit en milieu rural. Les données sur le plan économique, les disparités hommes-femmes, du travail du secteur organisé et informel ont été recensées au moment où la femme rurale souffre de l’absence d’investissement dans son activité et pose un problème de sécurité économique croissant. Par la suite, Emna Fourati, porte-parole de la société germanique Heinrich Boll Stiftung, a pris la parole pour exposer son rapport sur la «lecture de la société civile pour incorporer le concept sur la compréhension sociale des questions connexes au changement climatque en Tunisie». Elle explique la notion «genre» qu’il faut inclure dans le raisonnement sur le changement climatique notamment avec la prise en considération des personnes vulnérables sur le plan économique comme les jeunes, les handicapés et donc les femmes rurales. Une notion nouvelle incluse dans le chapitre 24 des accords sur le climat de Paris. Au ministère de l’Environnement et des Affaires locales tunisien, c’est une notion qui n’est pas encore approfondie ou exploitée. A l’échelle nationale, les points de vulnérabilité ont été axés en 2018 sur la raréfaction des ressources en eau. Une stratégie nationale basée sur le genre dans le changement climatique doit être planifiée dans le cadre de la poursuite des ODD. Elle termine sur la problématique du changement climatique par cette remarque : «C’est un sujet transversal qui doit impliquer tous les acteurs et les représentants des différents secteurs».

Lutte contre la pauvreté en milieu rural
Les femmes représentent une partie importante de la main-d’œuvre agricole, en particulier dans le secteur informel. Elles contribuent également de manière significative à la production agricole, à la sécurité alimentaire, à la gestion des terrains et des ressources alimentaires, ainsi qu’à la création de capacités d’adaptation au climat, sans pour autant pouvoir bénéficier d’une justice sociale.
La pauvreté qui touche les femmes et les filles des zones rurales se manifeste à plusieurs niveaux. Tandis que la pauvreté régresse à l’échelle mondiale, un milliard de personnes dans le monde vivent encore dans des conditions inacceptables, principalement dans les zones rurales. Les taux de pauvreté dans les zones rurales sont en effet beaucoup plus élevés que ceux dans les zones urbaines.
Malgré la compétence de la main-d’œuvre féminine dans le secteur agricole et sa capacité à produire et à commercialiser, les femmes sont très souvent exclues de la propriété des moyens de production. Cela résulte principalement des barrières structurelles et des normes sociales discriminatoires qui continuent de faire obstacle à un accès égal aux ressources et aux actifs productifs, ainsi qu’aux services publics.
A l’échelle mondiale et à l’exception de quelques cas peu nombreux, les indicateurs relatifs au genre et au développement révèlent les souffrances des femmes dans les zones rurales et l’exclusion qu’elles subissent. Elles se trouvent ainsi dans une situation de vulnérabilité à cause du changement climatique qui rend difficile l’accès aux ressources productives et naturelles et augmente l’inégalité hommes-femmes dans les zones rurales. L’impact du changement climatique sur les biens des hommes diffère de celui sur ceux des femmes. Différence qui existe également au niveau de leur protection en ce qui concerne la production agricole, la sécurité alimentaire, la santé, les ressources en eau et les sources d’énergie, la migration et les conflits causés par le changement climatique et les catastrophes naturelles liées au changement climatique.

Remédier aux inégalités du genre
En partant de ces constats, il apparaît indispensable de valoriser le rôle joué par les femmes et les filles des zones rurales dans le renforcement de la résilience aux impacts négatifs du changement climatique, dans un contexte où les défis mondiaux se multiplient. Les femmes et les filles des zones rurales sont au coeur de la conservation de l’équilibre environnemental et se tiennent aux premiers rangs du combat lorsque les ressources naturelles et l’agriculture sont menacées. A titre d’exemple, le secteur agricole des pays en voie de développement a subi un quart du total des dommages et des pertes résultant de catastrophes liées au climat entre 2006 et 2016.
Cela a considérablement affecté la sécurité alimentaire des femmes et des filles et plus largement des femmes des zones rurales, ainsi que leur potentiel de productivité. Il est donc impératif de remédier aux inégalités hommes-femmes comme moyen efficace afin de lutter contre les répercussions néfastes du changement climatique. Cela pourra notamment s’effectuer à travers l’élaboration et la mise en œuvre de programmes visant à identifier les différentes opportunités d’acquisition des femmes rurales quant aux moyens de production, en étant propriétaires. Cela pourra aussi favoriser leur exploitation des terrains notamment grâce aux opportunités de financements publics et bancaires conformément à ce qui a été énoncé dans le Plan d’action national visant à l’autonomisation économique et sociale des femmes et des filles dans les zones rurales (Axe sur l’autonomisation économique).
En fin de séminaire, le rôle des municipalités qui doivent suivre et accompagner l’évolution des projets et concrétiser les objectifs des femmes rurales a été mis en exergue. C’est ainsi que de nombreux conseillers municipaux se sont mobilisés sur place pour apporter leur appui et leur soutien à la cause des femmes rurales qui « travaillent jusqu’à dix-huit heures par jour en commençant à 5h30 ou 6h00 jusqu’à la tombée de la nuit. La femme rurale est au cœur du système agricole en Tunisie».
Les présidents des municipalités de Foundouk Jedid, de Marja du gouvernorat du Kef sont intervenus pour montrer le rôle important de l’action municipale «afin de dépasser l’étape du plan en vue d’obtenir du concret».

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