Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région Mena: « Mettre l’accent sur la contestabilité du marché »

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Pour Ferid Belhaj, le constat est clair : la contestabilité du marché ne peut être assurée qu’à travers un Etat qui réglemente et par la justice.
D’où la nécessité d’être opérationnel et crédible et d’avoir une dynamique capable de pousser le pays vers le sentier de la croissance.


Quel rôle pour l’Etat ? Le gouvernement sera-t-il en mesure d’identifier les opportunités, les filières, les partenaires de demain? Sera-t-il capable d’exercer un rôle de veille, d’évaluation, de prospective? S’agit-il d’un Etat qui est capable de coordonner les initiatives privées et mobiliser en faveur des projets les filières stratégiques ? Autant de questions, auxquelles le vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord, Ferid Belhaj, a tenté de répondre lors des assises sur le thème de « La crise économique et le rôle de l’Etat».

Un rôle de régulateur du marché
D’après Belhaj, le rôle de l’Etat reste encore largement à définir. Mais dans une économie en berne, l’Etat doit assumer le rôle de régulateur du marché, tout en mettant en place les cadres généraux et les stratégies nécessaires permettant à tous les agents économiques d’avoir la possibilité de s’engager sur le marché, à même d’attirer l’investissement et de relever le taux de croissance. «Il est vrai que l’Etat tente de faire son travail d’une manière ou d’une autre, malgré toutes les insuffisances.

Mais ce qui est crucial pour nous, c’est qu’on peut instiller une dose importante de contestabilité dans les économies du pays où la BM intervient… Il y a ce phénomène d’accaparement de grande part de marché dans l’économie, ce qui signifie qu’il n’y a pas suffisamment de contestabilité et de possibilité d’espace offert, notamment aux jeunes et à ceux qui ont la possibilité de créer, d’avoir de nouvelles idées et d’avoir de nouvelles manières de faire les choses. Aujourd’hui, on constate de larges segments du marché dans l’économie tunisienne qui sont sclérosés», indique-t-il.

Belhaj ajoute que la Tunisie est en train de donner l’exemple d’un pays qui avance relativement, qui est stable et qui a une perspective. Mais il est important d’ouvrir le marché et de donner la chance à tous et de s’y positionner. En citant l’exemple du Maroc, il affirme que notre voisin est déjà dans la même démarche d’accaparement, mais ce dernier a consenti énormément de sommes dans l’infrastructure, croyant être la plateforme qui attirera les investissements et plus de dynamique économique. «La réalité nous poursuit et veut que sa croissance économique décélère d’année en année (2,7% pour cette année, contre une estimation de 3,2 ou 3,4% pour l’année prochaine)…

C’est presque le même scénario de la Tunisie de 2006 ou 2007, beaucoup d’activités face à une croissance relativement faible et en deçà des potentialités, parce qu’il n’y a pas suffisamment d’énergie… Il y a trop de mainmise quand je regarde, aujourd’hui, la manière dont les banques interagissent avec ceux qui souhaitent entrer sur les marchés.
Il y a effectivement un problème qui se pose. En Tunisie, les banques demandent toutes formes de garanties», souligne Belhaj.
A ce niveau-là, il y a des changements à opérer et c’est au tissu économique et au pouvoir à faire preuve de plus de flexibilité et à donner plus d’oxygène dans ce cursus économique. « Pour nous, le facteur-clé est la contestabilité des marchés et cela ne pourrait être assuré que par un Etat qui réglemente et par la justice», affirme-t-il.

Arrêter l’inflation législative
Belhaj ajoute que quand il y a crise qui nécessite l’intervention de l’Etat, il faut le faire sans tarder. Et c’est à ce niveau-là que des institutions, comme la Banque mondiale, deviennent fondamentales. «Quand on évoque des zones défavorisées où il n’y a pas cet engagement du secteur privé pour aller chercher l’investissement, c’est à l’Etat de le faire en s’adressant à la BM et à d’autres institutions financières…

Le problème que nous avons aujourd’hui, c’est que 325 millions de dollars de prêt, qui sont à la disposition de Tunisie au profit de projets d’investissement, sont encore en attente d’avoir l’approbation de l’ARP», regrette-t-il, tout en soulignant que la question de l’inflation législative et l’accumulation des lois peuvent être un handicap futur, pour l’investissement et la création de projets, et surtout pour l’installation dans les régions intérieures défavorisées. «L’Etat n’a pas vocation pour entrer dans l’entrepreneuriat.

Ce dernier devrait mettre en place un cadre juridique pouvant créer une justice économique, en plus de la nécessité de fournir plus d’opportunités économiques claires pour aider le secteur privé à opérer dans les conditions adéquates. En un seul mot, l’État doit jouer le rôle du catalyseur et encadreur de l’économie nationale, d’autant plus que le secteur privé représente la seule solution pour entrer dans une dynamique positive», a-t-il conclu.

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