Hajer Zahzeh Dhaouadi, Directrice Générale du centre des arts de la marionnette, à la presse : « Au cœur de la vie, au cœur de la ville… les marionnettes »


Hajer Zahzeh Dhaouadi, directrice générale du Centre des arts de la marionnette, a œuvré, avec l’équipe du centre, à la genèse de la deuxième édition des Journées des arts de la marionnette dirigée par Mme Monia Messadi. À quelques jours de la fin du festival, la directrice générale revient sur cet événement qui aura marqué la fin de l’année…


“Arwa Kaïrawania” et sa grandeur symbolique autant que physique, une marionnette créée par l’artiste marionnettiste tunisien Mohammed Nouir, à qui le festival rend hommage.

Il y a presque une semaine, mardi 17 décembre, une petite révolution a éclaté, la date s‘y prêtant bien, pleine de couleurs de joie de rires d’enfants. La Cité de la culture, en pleine avenue Mohammed-V, s’est vu investir de passionnés des marionnettes et de curieux personnages annonçant une ère nouvelle, hors du temps, au-delà de la morosité ambiante. Huit jours de fête, de spectacle de marionnettes pour adultes et enfants, pour initiés et profanes. Une ouverture qui a donné le ton, où se mêlent le classique à l’innovant, l’accessible et le recherché, le poétique et le spectaculaire. Une édition riche et palpitante, 32 spectacles, 17 pays invités, le Canada en invité d’honneur mais également la Hongrie, l’Italie, la Grèce, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Iran. Un cycle de cinéma, des hommages, un colloque, 7 ateliers… bref un univers foisonnant de vie, baptisé «les marionnettes au cœur de la vie».

Les Jamc 2019, comment présenteriez-vous ces journées et en quoi se distinguent-elles ?
Ces journées sont le festival des arts de la marionnette, le premier et l’unique à ce jour. Le festival est né il y a juste un an, nous vivons donc sa deuxième édition. Ce festival est organisé par le Centre national des arts de la marionnette, que j’ai le privilège de diriger, et il est présidé par Mme Monia Messadi. C’est un rendez-vous culturel nouveau, qui arrive à un moment particulier de l’année comme de notre calendrier national. Nous l’espérons festif, joyeux et riche car nous tous, petits et grands, avons besoin de ça en ce moment.
La période, particulièrement bien choisie, est en pleines vacances scolaires, en concomitance avec d’autres festivals pour enfants, est-ce délibéré ?
Pas exactement, nous avons choisi cette date selon le calendrier de la Cité de la culture qui abrite toutes les représentations de spectacles, et cela coïncide avec les vacances scolaires et c’est parfait. Mais il faut souligner que le spectacle s’adresse tout autant aux adultes qu’aux enfants.

Quels sont les temps forts de cette édition ?
Ce festival qui est en cours, nous l’avons imaginé comme une fête, qui s’étend sur huit jours pour clore l’année dans la joie. Des spectacles, en salles et en plein air, dans les cours et les jardins, et même devant la Cité de la culture, des animations surprises qui ont enchanté les petits et les grands, un cycle de films de marionnettes à la cinémathèque tunisienne, sept ateliers dans différentes disciplines qui vont des arts plastiques à la danse, à la confection de marionnettes ou de masques passant par le théâtre d’ombres et le jeu scénique… Un colloque s’est également tenu à l’occasion de ce festival autour du thème «plasticité et expressivité de la marionnette» et les travaux donneront lieu à une publication dirigée par M. Hassan El Mouadhen…
C’est également l’édition de la mémoire et de l’hommage nécessaire qui a été rendu à Feu Samir Besbès avec une cérémonie et une projection de ses films. Les Jamc 2019 ont également mis à l’honneur deux autres marionnettistes tunisiens, Ayed Ben Maakel et Mohammed Nouir.

À un an d’âge il est donc aisé de nous raconter son histoire, comment est né ce festival ?
Sa naissance a été très attendue, et très heureuse ! La première édition qui s’est tenue en septembre 2018 est le fruit d’un long combat et de 40 ans de passion et d’opiniâtreté des artistes marionnettistes tunisiens, qui, malgré une reconnaissance internationale, n’avaient pas la place qui leur est due. Ainsi qu’à leur art. Ce festival est donc né pour mettre en lumière tous les arts de la marionnette, traditionnels et modernes nationaux et internationaux. C’est un art total et majeur et il est en plein renouveau. Les Jamc ont donc pour but de présenter au public l’effervescence créative que vit l’art de la marionnette, afin de couper avec l’image surannée, puérile dont il a longtemps souffert.

Nous sommes au sixième jour de l’édition 2 019 des Journées des arts de la marionnette de Carthage, comment avez-vous vécu ces journées ?
Depuis le 17 et jusqu’à aujourd’hui 24 décembre, nous continuons à les vivre intensément, bien sûr. Un festival est un moment complexe, un peu hors du temps, mais où l’équipe organisatrice doit gérer le temporel urgent, à chaque instant. Cela n’empêche pas le plaisir de voir de beaux spectacles, de rencontrer les artistes et le public de grande affluence pour cette année. C’est également pour nous, au Centre national des arts de la marionnette, un réel moment de fête où nous recevons un public passionné mais également des professionnels, des directeurs d’institutions et de festivals de la marionnette. Ce moment est important pour créer des liens, s’inscrire dans le network de cet art et dans les réseaux qui nous permettent d’échanger, d’innover et de promouvoir l’art des marionnettes. Ainsi, pour cette édition, nous avons eu le bonheur de recevoir, outre des compagnies de renommée internationale, plusieurs directeurs de festival et d’organisations internationales des arts de la marionnette, comme Mme Anne Françoise Cabanis, directrice du festival international de la marionnette de Charleville Mézières, M. Benoit le directeur du Fiams, Festival International de la Marionnette de Saguenay au Canada, et M. Dadi Pudumjee qui préside l’Unima (l’Union internationale des arts de la marionnette). Ces invités et amis du festival sont tous porteurs de projets de partenariats et de collaborations ce qui ouvre pour les marionnettistes tunisiens de nouveaux horizons, et ceci est le but essentiel du festival.

Pour l’ouverture de ce festival, nous avons aperçu une drôle de créature géante, impressionnante mais classique qui a contrasté quelque peu avec le reste des spectacles, plus moderne et plus recherché ?
C’est bien plus qu’une marionnette géante, il s’agit de “Arwa Kaïrawania” et sa grandeur symbolique autant que physique ! Cette marionnette a été créée par l’artiste marionnettiste tunisien Mohammed Nouir, à qui le festival rend hommage. Elle incarne la lutte continue pour les droits des femmes, partout, toujours et aujourd’hui plus que jamais. Et si cette marionnette est un classique par la forme, elle incarne une figure de rupture positive et d’exception en matière de droit musulman et d’émancipation.
Cette marionnette est une tentative de lui donner corps ainsi qu’à son contrat kairouanais son «étrange modernité”, et sa tunisianité par ailleurs et, concernant l’ouverture, deux autres spectacles auront marqué les esprits : les « Big Dancers » de la troupe espagnole El Carromato qui ont enchanté le public et le puissant “Blind” de la Compagnie Duda Païva, qui est une pièce de Marionnette pour Adulte.

Que faut-il retenir de cette seconde édition des Journées des arts de la marionnette de Carthage ?
L’objectif premier de la création de ce festival est de redonner à cet art majeur, et très ancré dans notre culture, la place de choix qu’il mérite, et de dépoussiérer cette image surannée de spectacles puérils parfois, dénués d’intérêt. Il faut également repenser le métier, et l’artisanat de la marionnette car son aspect muséal est tout aussi important que le renouveau et l’innovation technique que connaît cet art.
Les 32 spectacles de cette programmation, issues de 17 pays invités, ont été chacun un réel moment de découverte et d’enchantement. Le Canada, en pays d’honneur et terre promise de la marionnette, nous a soutenus et ceci nous ouvre de belles opportunités de coopération et c’est également le cas avec plusieurs pays amis, tels que la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Iran, la Russie… Cet art interroge notre humanité et tous les grands questionnements s’y retrouvent ; la mémoire, la politique, le rapport à l’autre, le rapport à soi… Il vit un vrai renouveau et accueille en son sein tous les arts. Nous espérons vraiment faire bouger les lignes, et changer le regard du public sur les marionnettes.

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