En couverture | Ces mariages contractés sur Facebook

Voici plus d’une décennie que les réseaux sociaux – principalement Facebook — ont pris une ampleur considérable dans la vie et le quotidien à la minute près de plus de 3 milliards de personnes dans le monde, impactant ainsi une manière d’être, de faire, de planifier, de construire, de travailler mais surtout de communiquer. Les relations et les réputations se font et se défont, les unions des plus dissimulées aux plus officielles naissent et se dissipent aussitôt… parfois elles perdurent ou, au contraire, s’essoufflent au bout d’un clic. Des mariages, une vie conjugale à deux et toute une famille peuvent désormais se concrétiser… via Facebook.

Olfa 31 ans, les yeux rivés sur son Smartphone depuis plus de 20 mn, sirote une citronnade avec une bande d’amis sur la terrasse d’un café : préoccupée, absorbée par des chamailleries en tout genre, elle passe le plus clair de son temps à discuter, souvent d’une manière houleuse, des préparatifs de son mariage avec son compagnon depuis un an et demi, le prénommé Imed de 4 ans son aîné. Parler mariage, famille, belle-famille, projets d’avenir, et conception d’un foyer, elle le fait à longueur de temps et c’est légitime. «On a tendance parfois à banaliser cette étape de la vie, mais une fois plongée dans les préparatifs en amont du grand jour, on est submergée par les choses diverses et tout aussi importantes à faire : le stress peut donc causer des tensions et des échanges aigüs le plus souvent avec le partenaire… mais on reste clairement enthousiastes !», cite Olfa, sourire aux lèvres. Quelques mois auparavant, cette trentenaire a rencontré l’homme qui s’apprête officiellement à partager sa vie. Les choses —pour ses proches— se sont rapidement faites, Imed reste méconnu pour la plupart mais la jeune fille est éperdument amoureuse et confiante. Une nouvelle page se tourne pour elle grâce… à Facebook ! L’homme, qui jouit d’une situation professionnelle convenable, l’a repérée quelques mois plus tôt avec des amis communs, l’aborde sur Messenger… Premier rendez-vous, première balade, premier dîner, premier film… et l’union voit le jour. Une union qui paraît «prometteuse» jusqu’à présent.

De tels couples ainsi existent de plus en plus… Ils se forment tous de la même manière, souvent discrètement : leur point commun, la rapidité… mais surtout l’accessibilité ! Trouver l’amour rime avec facilité déconcertante de nos jours. En ligne, les amours et les amourettes en tout genre font leur apparition et s’évaporent à la vitesse d’un débit Internet rapide… et très souvent les mariages aussi.

Les temps sont révolus… 

Actuellement, les jeunes peuvent ne plus fréquenter les bancs de la faculté, arrêter les études plus tôt, garder la maison, chômer autant que possible, accumuler par obligation les petits boulots, frôler l’illégalité et la délinquance ou, au contraire, mener un parcours social et estudiantin exemplaire… et trouver, dans la quasi-totalité des cas de figure, sa prétendue «âme sœur» pour se compliquer davantage la vie à deux… le tout déniché(e), bien entendu, sur Facebook.

Mariem, 27 ans, rencontre Anouar, d’un an son aîné sur Facebook. Le jeune homme lui promet monts et merveilles au gré de leurs échanges en ligne, ment sur ses origines : sa ville natale, sa famille, son métier et la jeune femme, qui manque d’expérience relationnelle et émotionnelle, ne le découvre que peu de temps après des fiançailles officieuses organisées à la vitesse de l’éclair… discrètement. Casanière, Mariem est de nature studieuse et aspire à gagner son indépendance totale et… ceci, Anouar l’a compris via Messenger. Profil soigneusement mis à jour, informations personnelles alléchantes, séduisantes virtuellement, photo de profil attirante… Mariem a rapidement mordu à l’hameçon. Des nuits entières à discuter de tout et de rien… L’homme existe bel et bien mais a omis quelques détails sur la précarité de son emploi, de sa santé mentale, ses différends de taille avec sa famille… et son lourd passé judiciaire. Sa personnalité impulsive a mis la puce à l’oreille de la jeune fille…  Cette relation a pris aussitôt fin sous la pression de ses proches… Le jeune homme n’était pas facile à cerner.

Encore une fois la rapidité relationnelle est de mise. Comment est-il possible pour un jeune homme ou une jeune femme de penser «mariage» aussi aisément derrière un écran ? La vie à deux prenait souvent son temps à éclore avant… de nos jours, elle est pensée et même concrétisée.

Les jeunes, souvent issus de milieu conservateur, n’aspirent qu’à l’indépendance quand ils/elles dépassent les 25 ans au maximum. Ils ne pensent qu’à quitter le cocon familial, se construire une vie à deux qu’ils sous-estiment… Ils sont dans l’impulsivité, saisissent la première occasion et foncent très souvent tête baissée… Facebook peut être pour eux comme une échappatoire très facile mais pas forcément saine. A l’ère du numérique et du digital, le mariage et les unions sont de moins en moins réfléchis et conventionnels qu’avant. Le changement a certainement opéré. En bien ou en mal… il n’y a pas de règles : les vécus des personnes et les parcours à deux restent très singuliers.

Se marier via Facebook. Et alors ? 

Trouver l’homme ou la femme de sa vie sur Facebook pour beaucoup ne diffère pas tellement de la vraie vie. Ainsi, nouer des liens en ligne, c’est un peu la même chose que le faire dans la vraie vie à la différence près qu’il faut ralentir, y aller doucement, être prudents, être futés et si on a l’intention de trouver quelqu’un, autant être soi-même et sincère le plus possible. Dali est très amoureux de sa fiancée, leur mariage est prévu dans un an et demi et ils se fréquentent depuis trois ans. Par le biais d’un couple d’amis, ils se sont rencontrés dans la vraie vie avant de se rapprocher considérablement sur les réseaux sociaux. Pour lui, ce n’est pas comme s’ils avaient pensé mariage et famille directement, il estime qu’ils avaient suffisamment et sincèrement pris leur temps de se connaître surtout dans la vraie vie avant de passer la vitesse supérieure. Leur relation s‘est compliquée quand il a eu à passer un stage pendant 6 mois à l’étranger : la distance n’étant pas bonne à gérer, les tensions se sont installées mais le jeune homme de 29 ans est radical : jamais sa relation n’aurait pu tenir et résister à la distance sans les plateformes Facebook, Instagram ou What’s up. Mariés et parents d’un petit garçon, Leila et Salim 32 et 36 ans ont pris contact pour la première fois en ligne, sur Facebook il y a 7 ans… La jeune femme venait brutalement de rompre et n’avait pas du tout l’intention de connaître quelqu’un d’autre : à l’époque, elle échange futilement avec lui et supprime, brutalement après, son «futur» époux de sa liste d’amis… elle fait ensuite la sourde oreille. Le jeune homme tient bon… passe par le biais d’amis proches pour renouer le lien avec elle… Après d’innombrables tentatives, elle cède… et quelques mois après, une vraie relation s’est nouée entre eux. Trois ans plus tard, ils se marient, et fondent une famille. Pour Leila… c’est clairement le «Maktoub», Facebook a peut-être joué un rôle primaire dans leur relation au départ, mais elle ne lui attribue pas tout non plus. La jeune femme reste sceptique sur l’impact des réseaux sociaux : «On est clairement dans une époque où il pleut des mariages. Les gens se marient même très souvent et divorcent … comme on change de fringues», constate-elle, sourire jaune en coin. Internet y est clairement pour quelque chose et toujours selon la jeune femme, si le taux de divorce est aussi élevé, c’est que les jeunes de nos jours surfent sur la vague des rencontres rapides et ne prennent pas suffisamment leur temps pour connaître leur partenaire… Facebook favorise peut-être les mariages et cause davantage séparation et divorces… «Mais ça, c’est une autre paire de manches, un autre sujet beaucoup plus large à traiter !», déclare nonchalamment la jeune maman qui ne vit avec son mari que pour le bien-être de son enfant.

 

(Image par athree23 de Pixabay )

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