Accueil Economie Supplément Economique Restructuration des banques publiques | Résilience, à quel prix ?

Restructuration des banques publiques | Résilience, à quel prix ?

Le système bancaire tunisien a montré ses limites et son essoufflement face à la situation économique et au déséquilibre des fondamentaux macroéconomiques après la révolution. Selon les indicateurs, ce système a enregistré des bénéfices importants, et ce, notamment pour le  financement de certains secteurs, tels que l’immobilier et/ou en raison des coûts exorbitants qu’il enregistre, sans pouvoir financer de manière efficiente et appropriée les besoins de l’économie.

De plus, le système bancaire tunisien souffre de la faible taille de ses institutions avec un alourdissement des bilans par des prêts non performants  (PNP) qui entravent l’amélioration de l’efficience de l’activité de financement de l’économie réelle. Ces prêts non performants représentent un frein au développement de l’activité bancaire notamment à l’international.

Dans le livre bleu, Econom4 Tunisia, les experts économiques estiment qu’une restructuration du système bancaire est nécessaire pour renforcer sa solvabilité, améliorer sa profitabilité en vue de consolider sa capacité de résilience face à des chocs, et ce, à travers une série de mesures.

Il s’agit, en effet, de réviser la Loi bancaire en recommandant l’augmentation du capital social minimum requis à 200 et 300 millions de dinars, généraliser le système de scoring au niveau de l’ensemble du  système bancaire, soit en se basant sur des solutions développées «in house», soit en recourant à des agences spécialisées en la matière. À ceci s’ajoute la mise en place d’un cadre réglementaire et juridique facilitant le recouvrement et la cession des prêts non performants et favorisant le développement des marchés secondaires dédiés aux prêts non performants.

D’un autre côté, les experts proposent l’orientation des banques à se faire noter et classer par une agence de notation financière, outre la modernisation, à long terme, du système bancaire (pratiques, réglementations prudentielles, transparence et diffusion de l’information…) pour pouvoir converger aux normes internationales.

Solutions conventionnelles

Le recours au système de scoring permettra une meilleure gestion du risque de crédit et ne manquera pas d’améliorer la qualité du portefeuille des banques, un préalable nécessaire au développement du marché secondaire.

La notation des banques aura pour effet de renforcer leur transparence, leur permettant ainsi de diversifier leurs ressources financières, en ciblant l’émission de titres sur le marché obligataire. Ce qui contribuera à développer le marché obligataire domestique et approfondira le marché financier tunisien dans sa globalité.

L’assainissement des bilans des banques tunisiennes  peut passer certes par les solutions conventionnelles qui consistent en des opérations de titrisation et/ou la création de structure de défaisance «bad banks». Ces solutions doivent être considérées et soutenues par des outils d’actions publiques.

Selon la même source, une concurrence bancaire pousserait inévitablement les banques vers des opérations de fusion et de restructuration, ce qui permettrait un renforcement de la solidité du secteur bancaire, un alignement aux normes internationales et une orientation axée sur l’ouverture à l’international.

Manque de liquidité

Concernant  la  crise de liquidité, les banques tunisiennes semblent plus fragiles et vulnérables.  D’après  Ahmed El Karam, président de l’Union des banques maghrébines, les ressources collectées sont insuffisantes pour financer les particuliers et les besoins d’investissement et d’exploitation.

Le problème de manque de liquidité est un problème ancien. « Il est peut-être d’actualité, mais de tout temps, l’économie tunisienne est une économie d’endettement. Les ressources collectées auprès des particuliers sous formes d’épargne et autres, des entreprises et même des ressources d’ordre budgétaire, sont insuffisantes pour assurer un financement normal de nos besoins d’investissement et d’exploitation», précise M. Karam. Donc, il était nécessaire de recourir à la BCT pour fournir aux banques la liquidité nécessaire pour qu’elles soient toujours prêtes à assurer leur mission de financement des particuliers.

Néanmoins, le financement a atteint un niveau assez élevé ces dernières années, et ce, pour de nombreuses raisons: la croissance économique, qui est malheureusement atone, ne permet pas de générer les liquidités suffisantes permettant de soutenir financièrement les banques. De même, le marché parallèle qui observe jusqu’à aujourd’hui une importance démesurée, absorbe une grande partie de la liquidité et de l’économie. «Cette liquidité ne passe pas par les agences bancaires, ni par les circuits officiels de financement des actes économiques».

Autres raisons relatives à la stabilisation des exportations, dont les liquidités proviennent, entre autres, des avoirs en devises, et le déficit de la balance qui a atteint 10% du PIB. Donc, «il y a forcément un gisement de liquidité qui est en train de s’amenuiser et se transformer même en source de fuite de liquidité pour financer entre autres les importations».

À ceux-ci s’ajoute la situation des entreprises publiques et des organisations de sécurité sociale, qui, auparavant, avaient des excédents importants de liquidité et plaçaient de l’argent chez les banques tunisiennes, passent aujourd’hui par une situation difficile et malheureusement n’ont pas d’excédents de liquidité. Plus grave encore, elles recourent aujourd’hui aux marchés bancaires pour financer leurs exploitations et activités.

Pour résoudre le problème du manque de liquidité, la BCT a mobilisé les financements adéquats, atteignant 16 milliards de dinars. Cette situation difficile a contribué à exercer des pressions inflationnistes, ayant amené la BCT à revoir sa politique et à resserrer un peu le financement des banques, en leur assurant la liquidité dans des conditions plus contraignantes.

Créances compromises

Les audits opérés, ces dernières années,  sur les trois banques publiques (STB, BNA et BH) et l’opération de recapitalisation et de validation qui s’ensuivirent ont débouché sur une amélioration nette des indicateurs financiers, notamment en ce qui concerne le renforcement des capitaux propres, de gouvernance et de performance des trois banques.

Les résultats enregistrés en matière de rentabilité par les trois banques publiques en 2017, montrent que le produit net bancaire (PNB) de la STB a atteint 371,2 millions de dinars, moyennant une évolution de 19,9% par rapport à 2016. Celui de la BH a augmenté de 25% pour se situer à 384,1 millions de dinars. La BNA a clôturé l’année 2017 avec un PNB en hausse de 17,8% pour atteindre 446,303 millions de dinars.

Néanmoins, malgré ces performances, les banques publiques souffrent du fardeau des créances compromises. En effet, le volume des créances détenues par les trois banques publiques s’élève à 5.883 MDT à fin 2017, représentant presque la moitié du secteur bancaire.

D’après les indicateurs, la STB occupe les devants de la scène avec 19,9% de l’encours total des créances compromises, suivie par la BNA (16,7%) et la BH (10,3%).

C’est ainsi que la nouvelle loi a permis d’assurer un meilleur recouvrement des créances des banques publiques favorisant par-là leur assainissement.

À travers cette loi, les banques publiques ont bénéficié d’une certaine souplesse pour pouvoir se débarrasser des créances accablantes. La finalité est de renforcer la solidité financière des banques et les mettre sur un pied d’égalité par rapport à leurs homologues privées pour gagner en compétitivité et en rentabilité.

Selon une étude réalisée par le FMI, «la Tunisie peine toujours à restructurer ses banques publiques déficientes et à supporter la charge d’un volume important de créances improductives, bien qu’elle dispose de banques privées relativement saines».

L’Etat a, dans ce sens, présenté plusieurs scénarios entre fusion, privatisation ou participation minoritaire ou encore des partenariats. Mais jusqu’à aujourd’hui, aucune décision définitive n’a été prise, et ce, en raison de l’intransigeance du partenaire social sur la question de privatisation des entreprises publiques.

Pour sa part, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a reconnu dans son septième rapport annuel sur la supervision bancaire 2017 que «le processus de la restructuration des trois banques publiques (STB, BNA, BH) n’a pas encore atteint la vitesse de croisière en raison du retard observé au niveau de la mise en place des systèmes d’information, du développement du dispositif de gestion des risques et de mise en œuvre effective des plans de résolution des créances classées».

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