DANS son adresse au peuple vendredi soir, le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a décidé, entre autres, de fermer les cafés, les restaurants et les boîtes de nuit, à partir de 16h00, après concertation avec le président de la République et le président de l’ARP. Bien que motivée par le souci de prévenir la propagation du Covid-19 en Tunisie, cette décision soulève plusieurs interrogations quant aux limites de l’étendue des prérogatives du chef du gouvernement en la matière.

En effet, si le président de la République a été épinglé plusieurs fois pour avoir piétiné le champ d’action réservé au chef du gouvernement en glissant doucement vers un système présidentiel, le chef du gouvernement semble pour sa part fouler aux pieds le principe de la libre administration des affaires locales tel qu’il est clairement stipulé par l’article VII de la Constitution, pour revenir graduellement à un système central.

De plus, de telles décisions n’émanent pas du Conseil de sécurité nationale censé édicter les mesures préventives en cas de danger imminent. Ce qui fait qu’un conflit de partage d’attributions peut être facilement décelé selon les dispositions du Code des collectivités locales.
En effet, en aucun cas ledit code n’énonce que les attributions partagées avec l’autorité centrale ou les attributions transférées accordent à l’exécutif le droit d’intervenir dans la gestion des affaires locales.

Par contre, le chef du gouvernement aurait pu convoquer un conseil des collectivités locales en vue d’une concertation sur les dispositions spéciales envisagées pour sécuriser le pays face au fléau du coronavirus, pour enfin promulguer les décisions nécessaires en toute conformité avec la loi. Là encore, Fakhfakh a préféré convoquer une conférence des gouverneurs, un corps qui relève de l’autorité centrale, déjà en conflit avec les élus locaux sur certains pouvoirs, dont l’administration de la police locale.

A cet effet, cette crise sanitaire dévoile la réalité d’un système encore aux prises avec le principe du pouvoir local et la non-acceptation de la répartition des compétences. Pourtant, tout transfert de compétence ou son extension au profit de l’autorité centrale est déterminé par la loi. Et le représentant de l’autorité centrale peut exceptionnellement, après une mise en demeure restée infructueuse, exercer une attribution propre d’une collectivité locale en cas de défaillance ou d’incapacité manifestes d’une collectivité à l’exercer en dépit de son caractère nécessaire et de l’existence d’un danger imminent et sérieux.
Ce qui accorde, selon la loi, aux collectivités locales le droit de saisir le haut tribunal administratif de tout conflit de compétence entre elles et le pouvoir central. En attendant, plusieurs communes avaient édicté des décisions sanitaires plus drastiques que celles énoncées par le chef du gouvernement. Ce qui donne le tournis aux citoyens et aux opérateurs économiques qui ne savent plus à quel saint se vouer pour se conformer aux décisions de l’autorité centrale ou à celles de la collectivité locale.

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