La Tunisie déploie aujourd’hui des efforts tous azimuts pour, d’un côté, contenir la propagation du virus et, de l’autre, sauver son économie nationale, dont des pans entiers ont dû brusquement baisser le rythme ou céder complètement à l’arrêt.
Pour amortir l’effet de cette pandémie sévissant dans le monde, la Tunisie a pris les devants et mis en place une panoplie de mesures anticipatives pour surmonter les difficultés auxquelles notre économie fait face. M. Hakim Ben Hammouda nous livre son analyse de la conjoncture économique nationale et propose des pistes de relance.
-Quels sont l’impact et les conséquences du Covid-19 sur l’économie tunisienne? Quelle est l’ampleur des pertes enregistrées aujourd’hui?
Le Covid-19 va avoir de lourdes conséquences sur l’économie tunisienne. Selon nos estimations et si le confinement est levé à la fin du mois de mai, la récession sera de -3,9% pour l’année 2020. Nos estimations ne sont pas éloignées de celles du FMI qui sont de -4,3%. Dans tous les cas de figure, il s’agit de la plus importante crise économique que notre pays ait connue dans son histoire récente. Cette crise est deux fois plus importante que la dépression que nous avons connue en 2011 suite à la révolution et aux grandes mobilisations politiques et sociales que notre pays a vécues. L’ampleur de cette crise exige des réponses d’une grande ampleur. A des crises exceptionnelles, il faut des réponses exceptionnelles.
-L’économie tunisienne est-elle en mesure d’absorber les chocs induits par le Covid-19?
L’impact de cette crise est d’une grande ampleur et elle touchera l’économie tunisienne de manière aiguë. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de répondre à cette crise par des réponses fortes pour réduire son impact sur notre économie. Cette réponse exige de l’audace, de la volonté et du courage. Elle doit se situer à trois niveaux importants:
– au niveau sanitaire, dans la mesure où il faut arrêter la propagation du virus et défendre les citoyens,
– à court terme, nous devons défendre notre économie et les différentes couches sociales, particulièrement les plus fragiles et les plus défavorisés,
– enfin, préparer un programme de relance à long terme qui nous permettra de construire un nouveau modèle de développement.
-Que pensez-vous des mesures prises par le gouvernement pour préserver les emplois, soutenir le pouvoir d’achat des citoyens, sans pour autant perdre de vue l’impératif de préserver la résilience de l’activité économique?
J’ai trois commentaires à faire sur ces mesures. Primo, c’est qu’elles sont nécessaires et importantes et elles vont nous permettre de lutter contre le virus et d’aider les entreprises et les couches sociales les plus défavorisées. Secundo, ces mesures, aussi importantes soient-elles, ne sont pas suffisantes dans la mesure où elles se limitent au mois d’avril. Or, cette crise sera avec nous pendant encore un long moment et nous devons dès maintenant envisager la prolongation de ces mesures pour des périodes un peu plus longues. Tertio, les conditions d’application de ces mesures sont difficiles et elles risquent de les vider de leur contenu. Ce qui est urgent aujourd’hui, c’est de renforcer ces mesures pour faire face à l’ampleur de la crise, de faciliter et d’accélérer leur mise en œuvre.
–Comment peut-on faire face à cette crise sanitaire et économique, qui a plus que jamais créé la panique sur les marchés financiers? Faut-il anticiper l’après-Covid-19? Êtes-vous favorable à la mise en place d’un plan de sauvetage pour que l’activité économique reparte très vite?
Il ne faut pas que l’action se limite à la gestion de la crise actuelle. Il faut impérativement que nous nous inscrivions dans la durée et dans le long terme. Il nous faut définir un plan de long terme et un plan de relance de notre économie. Cette crise nous donne l’opportunité de définir un nouveau modèle de développement. A nous de transformer cette crise en une nouvelle opportunité pour nous projeter dans l’avenir.
–Nombreux sont les secteurs sinistrés. Quelles sont les estimations de l’impact du Covid-19 sur les secteurs exposés tels que le tourisme et l’export?
Les secteurs les plus touchés par cette crise sont le tourisme et le transport. Il faut également mentionner que le secteur de l’industrie commence aussi à connaître une crise importante, particulièrement les entreprises qui sont liées aux marchés de l’exportation.
-L’économie nationale, qui tourne au ralenti, peut-elle tenir le coup si la période de confinement est prolongée?
Il faut réfléchir sur la durée de la période de confinement. Mais, l’action du gouvernement doit être guidée par le principe de précaution. Il faut que l’impératif sanitaire soit au centre de nos préoccupations. Mais, en même temps, il faut réunir les conditions d’un déconfinement, notamment en termes de capacité à faire des tests sur une large échelle, et de la disponibilité des masques pour toute la population.
-Sur le management de la crise, la mobilisation a été rapide et intelligente. Quels éléments, enseignements ou procédures faudra-t-il retenir pour l’avenir?
Je crois qu’il y a eu une grande mobilisation de l’Etat et de toutes les institutions ainsi que de la société civile à tous les niveaux pour faire face à la crise. Cette mobilisation doit se poursuivre non seulement pendant la crise mais également après pour reconstruire notre contrat social.
Liberte
19 avril 2020 à 08:26
On se demande tous pourquoi vous l’aviez pas fait quand vous étiez ministre de l’économie ?