Le Collectif civil pour les libertés individuelles vient de publier son rapport 2019 des violations des libertés individuelles. Intitulé «Le danger des populistes», il revient entre autres sur le moment des campagnes présidentielle et législatives de l’automne-été 2019  

Le Collectif civil pour les libertés individuelles est un front constitué par 39 ONG tunisiennes et internationales. Il s’est assigné les missions d’une cellule de veille pour que les atteintes aux libertés des personnes ne passent plus sous silence. Comme chaque année depuis trois ans, le Ccli vient de publier son rapport pour l’année 2019 sous le titre «Le danger des populistes», un travail élaboré avec le soutien de Henrich Boll Stiftung.

Attaques contre les plus vulnérables

Le Rapport 2019 relève, encore une fois, l’absence de la Cour constitutionnelle censée garantir les droits et libertés des citoyens. Et même si la Constitution du 27 janvier 2014, qui consacre la liberté de conscience, l’égalité de tous devant la loi, la garantie de la dignité humaine et de l’intégrité physique, la protection de la vie privée… les autorités continuent à interpeller, arrêter et condamner sur la base des articles 226 et 226 bis d’un Code pénal, toujours non abrogé et en contradiction totale avec les valeurs du texte fondamental. Des articles qui sanctionnent sévèrement des «infractions» basées sur des notions vagues et indéfinies telles que les «attentats à la pudeur», «attentats aux bonnes mœurs» et «attentats à la moralité publique», note le Rapport. Ces accusations ont ciblé en 2019 notamment les personnes vulnérables : les femmes et les personnes. «Par conséquent, les droits des femmes sont soit violés ou en régression dans plusieurs domaines», constate l’étude du Collectif civil pour les libertés individuelles.

Des libertés reléguées au second plan

Par ailleurs, l’année 2019 a connu deux campagnes politiques: les législatives et la présidentielle et un double scrutin, le premier en octobre et le second en novembre. Certes, deux questions liées aux libertés individuelles ont été agitées pendant le temps des campagnes et ont divisé et candidats et électeurs, à savoir l’égalité dans l’héritage et la dépénalisation de l’homosexualité. Des thèmes, qui retournent souvent dans les débats depuis la publication de la Commission des libertés individuelles et l’égalité (Colibe) de son rapport pendant l’été 2018.

Or, le Rapport relève que rares étaient les candidats à appuyer ces revendications de la société civile, qui résonnent largement en ces années post- révolution : «Ceci peut en effet être expliqué par le fait qu’aborder la question des réformes en faveur des libertés individuelles est perçu par les acteurs politiques comme un risque de perdre des voix aux élections. Ainsi, la relégation des questions des libertés individuelles au second plan pendant les élections à la faveur des questions socioéconomiques constitue un revers déplorable».

«Reléguer les droits et libertés individuelles à un degré moindre que les libertés fondamentales et collectives ne démontre-t-il pas une manière de dissocier entre les droits et les libertés?»,  s’inquiète le Collectif.

Priorités et défis pour 2020

Le slogan du candidat ayant remporté la présidentielle, en l’occurrence Kaïes Saïd, semble particulièrement inquiéter les auteurs du Rapport: «AchaâbYourid» (le peuple veut). Une devise qui fait primer la volonté de la collectivité sur celle de l’individu. Sur un plan plus large, les législatives ont entraîné la mise en place d’une Assemblée des représentants du peuple dominée par les populistes. A côté d’un mouvement connu par son conservatisme, celui d’Ennahdha majoritaire au Parlement, la Coalition Al-Karama, le mouvement Echaâb, le Parti Destourien Libre et le Parti Errahma se distinguent par leurs tendances populistes.

Cependant, le danger des populiste rencontre une résistance de la société civile, qui a lancé deux campagnes contre les violences faites aux femmes: «Enazeda» et «Falgatna» et dirigé une grande manifestation pour les droits à l’intégrité physique des femmes.

Parmi les défis et priorités que préconise le Rapport, la mise en place de la Cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité des lois liberticides. L’étude recommande également la mise en œuvre des principes de non-discrimination et de l’égalité entre hommes et femmes en purifiant le Code du statut personnel de toutes les dispositions discriminatoires relatives à la dot, au titre du chef de famille, à la tutelle…

L’abrogation de tous les décrets et circulaires conduisant à une ingérence religieuse dans la vie privée des personnes, des libertés individuelles et l’élimination de toute forme de violence à l’égard des femmes font également partie des défis à venir.

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