La nécessité de tenir compte du respect des données personnelles du citoyen figure parmi les causes qui ont essentiellement contribué à retarder la mise en place de l’identifiant unique du citoyen. Aujourd’hui que le décret-loi relatif à cet identifiant a été publié dans le dernier numéro du Journal Officiel, un autre grand chantier va s’ouvrir, celui de la révision des textes et des procédures.
Le coup d’envoi dudit projet a été donné lors d’un conseil ministériel tenu en 2013. Mais il a fallu attendre le début de l’année 2017 pour que les choses se mettent à bouger d’une façon plus concrète. A cet effet, un mémorandum d’entente a été signé en janvier de la même année dans le cadre du projet de la mise en place du système national d’Identification Unique du Citoyen (IUC) par le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, le ministère des Affaires locales et de l’Environnement et l’Instance nationale de protection des données personnelles. Le 12 mai de l’année en cours, le décret-loi relatif à l’IUC a été publié dans le dernier numéro 41 du Journal Officiel de la République Tunisienne. Le pays a entre-temps accusé un grand retard en matière de digitalisation.
Un identifiant unique pour la vie
Condition sine qua non pour assurer l’évolution vers une e-administration équitable, transparente, agile et efficace au service du citoyen, l’identifiant unique ou le « registre de l’identifiant unique citoyen (IUC) » sera tenu et géré par le ministère des Affaires locales, mais toutes les données transiteront par le biais du Centre national de l’informatique. Selon une déclaration du Pdg dudit centre, Kamel Sadaoui à la Télévision nationale, chaque personne de nationalité tunisienne disposera dès la naissance et durant toute sa vie d’un identifiant unique composé de 11 chiffres. Ceci est aussi valable pour les naturalisés tunisiens. Le numéro de l’identifiant sera introduit dans la base de données mais jamais connu par le citoyen. Toutefois, ce dernier pourra accéder aux données échangées le concernant et aux noms des institutions qui ont pu accéder à ses propres données. Le but est de créer un point de liaison entre les différentes institutions de l’Etat. Le centre procédera à la mise à jour du registre de l’IUC, révèle Kamel Sadaoui.
Le souci de la protection des données
La gestion de l’identifiant unique est régie par les dispositions de la législation relative à la protection des données à caractère personnel et privé et se fera sous le contrôle de l’Instance nationale de protection des données personnelles (Indpdp) qui jouera le rôle de superviseur général, rassure de son côté Sofiene Hemissi, directeur général des systèmes d’information au ministère des Affaires locales. Un mémorandum a été signé à cet effet entre le ministère des Affaires locales, le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique et l’Inpdp, a-t-il encore fait savoir, dissipant ainsi les inquiétudes quant à une éventuelle fuite ou utilisation des données personnelles à d’autres fins. Notons que les données en question doivent être conservées pendant trente ans après le décès ou la perte définitive de la nationalité, comme le prévoit l’Article 4 du décret-loi. Côté sécurisation toujours, les deux articles 6 et 7 stipulent que l’IUC ne doit comporter aucune indication susceptible de révéler l’identité de son titulaire et que le citoyen doit être mis à même de consulter toutes les actions opérées sur son identifiant et les organismes qui les ont opérées ainsi que tous les organismes ayant utilisé son identifiant unique citoyen, comme l’a précédemment confirmé
Deux expériences couronnées de succès
En 2019, deux projets pilotes grandeur nature ont été réalisés, le premier avec le concours du ministère des Affaires sociales pour permettre à toutes ses structures d’accéder aux données d’identités et données biographiques des citoyens et en contrepartie le ministère s’est engagé à ne pas demander des extraits de naissance auprès des citoyens. L’expérience a été couronnée de succès, explique Sofiene Hemissi sur les ondes de RTCI. Le second projet a été consacré à l’inscription exclusive en ligne des élèves en septembre de la même année. L’opération a touché deux millions d’élèves et ces derniers n’ont pas eu à fournir des extraits de naissance.
Quand on demande au citoyen une attestation de non-affiliation à une caisse sociale pour bénéficier d’une carte de soin ou quand on demande pour le but d’une inscription scolaire ou universitaire de fournir une copie légalisée du diplôme, ceci relève de l’aberration. Il fallait que tout le monde communique avec tout le monde. Pour cela, on avait devant nous deux options : opter pour l’expérience appliquée dans certains pays et qui consiste à mettre en place un identifiant unique et l’interdiction de tous les autres identifiants, comme c’est le cas en Corée du Sud, ou continuer à travailler avec d’autres identifiants sectoriels(IS) pour les grands systèmes d’information et mettre en place un système transparent qui permet le mapping et la correspondance entre ces IS, et c’est pour cette démarche qu’on a opté pour conceptualiser l’identifiant unique, détaille la même source.
Un autre grand chantier: la révision des textes
Pour le moment, les identifiants sectoriels ne seront pas éliminés, mais il faut souligner que ce projet s’intègre avec un autre projet structurant conduit par le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, à savoir la plateforme nationale d’interopérabilité qui va permettre, une fois mis en place, une fluidité totale la et dématérialisation des échanges entre les différents secteurs.
Un grand pas vient d’être franchi et les grands travaux ont été achevés en 2018 et 2019, mais la révision totale des procédures va prendre un peu de temps. Pour ce qui est de la plateforme d’interopérabilité, une année est suffisante puisque le financement est déjà disponible et le pays ne manque pas de compétences humaines dans le domaine de l’informatique. Le grand chantier réside dans la révision des textes et des procédures.