Tribune | Appel urgent à Mme Chiraz Latiri, Ministre des affaires culturelles

Musicien, musicologue et enseignant chercheur, Saifallah Ben Abderrazak a publié un post sur sa page officielle dans lequel il pointe du doigt les lacunes du projet de loi relatif aux artistes et aux métiers artistiques.

« Le projet de loi concernant les artistes et les métiers artistiques, que je viens de lire et qui va être soumis aux députés doit être retiré pour une totale révision. Il comporte de nombreuses aberrations, malgré les quelques rares points positifs, dont le but est souvent de réorganiser le secteur. Les inconvénients sont fort nombreux.

Il faut impérativement revoir cette histoire de carte professionnelle, (ce système de contrôle à la Gestapo ) qui devait être supprimée du temps de Mourad Sakli, et qui revient en force pourtant elle n’existe nulle part et particulièrement dans les pays développés. A l’ère du tout numérique, une carte en carton avec signature et tampon est vraiment désuète.

Les artistes professionnels peuvent justifier autrement de leur appartenance au secteur. A la lecture de certains articles on a plutôt l’impression d’un travail de brigadier….Les taxes, les pénalités, bien souvent exorbitantes, tout doit être taxé mais pas de cette manière…. C’est un projet qui décourage et n’incite point à la création et au travail dans le cadre artistique. Il faut que l’artiste apprenne à cotiser de son propre gré et non point par obligation.

La crise du Covid-19 a été une bonne leçon. Il faut donner la chance à tous les artistes, même aux non professionnels, pour enrichir la scène culturelle. Certains médecins, ingénieurs, … sont par exemple d’excellents artistes créateurs. Pourquoi faut-il leur imposer une carte professionnelle ?

Il faut encourager des structures semi-étatiques et des partenaires privés à créer des caisses, auxquelles cotisent les artistes pour récolter en retour pendant les périodes difficiles (congés spectacles, assurance maladie…). Il faut en finir avec l’image du Ministre de la Culture et son bouquet de fleurs au chevet d’un artiste « en phase finale ». Les artistes doivent se prendre en charge et bénéficier des soins grâce à leurs cotisations. Il faut imposer les fiches de paye et arrêter le travail au noir dans la plupart des secteurs artistiques.

Il faut imposer des cachets syndiqués et non le ministre de la culture qui « contrôle les cachets des artistes »…. Il faut finir avec les artistes qui touchent des cachets 100 à 500 fois celui des accompagnateurs (musiciens, choristes, comédiens, danseurs,…).

Enfin je pense qu’il va falloir constituer une commission d’experts et de représentants des différents corps des métiers artistiques pour revoir tout ce projet.

Je ne mets pas en doute la bonne volonté de ceux qui ont oeuvré pour réaliser ce projet, mais je trouve qu’il va à l’encontre de toutes les attentes des artistes et des techniciens des divers secteurs. En Tunisie, et surtout depuis une dizaine d’années, j’ai l’impression que les hauts responsables sont très mal conseillés. Il est de mon devoir, en ma qualité de musicien, musicologue et enseignant chercheur universitaire d’intervenir dans l’intention de « rectifier le tir ».

N.B. Je n’ai nulle intention de jouer le conseiller. »

Saif Ben Abderrazak

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