Trois questions à Slim Saadallah, Président de l’Organisation de Défense du Consommateur (ODC): « Attention aux points de vente non contrôlés »

  70% des Tunisiens consomment tous les jours « un brik », malgré les risques que présente la consommation quotidienne d’œufs et d’aliments frits pour la santé. La consommation d’œufs augmente, d’ailleurs, de 90% pendant le mois de Ramadan. L’achat à outrance de produits de base conduit, en outre, au gaspillage alimentaire. Tous les aliments qui n’ont pas été consommés vont finir à la poubelle.  On consomme trois fois plus de pain pendant le mois saint. 900.000 tonnes sont jetés quotidiennement dans les poubelles. Le consommateur doit savoir se comporter de façon rationnelle.

De peur de manquer d’huile, de lait, d’œufs… le consommateur tunisien est pris d’une frénésie acheteuse pendant le mois de Ramadan. Ce comportement compulsif encourage la spéculation, les fraudes, les arnaques et est à l’origine du gaspillage alimentaire qui augmente au cours du mois saint. Président de l’ODC, Slim Saadallah a bien voulu nous éclairer sur ce sujet.

Chaque année, nous observons chez le consommateur une propension exagérée à la consommation au cours des jours qui précèdent le mois de Ramadan. Comment expliquez-vous ce comportement?
Oui effectivement, nous observons chaque année chez le consommateur, à la veille de Ramadan, une propension exagérée à la consommation. Cela dure depuis trente ans. Il s’agit d’une culture et d’une mentalité profondément ancrée dans la société tunisienne, en témoigne la frénésie qui s’empare des consommateurs les jours qui précèdent le mois Saint. Pourtant, l’Organisation de défense du consommateur (ODC) ne cesse de répéter chaque année que rien ne justifie ce comportement  excessif que l’on observe chez les consommateurs qui prennent d’assaut les enseignes commerciales pour s’approvisionner en quantités énormes de denrées de base, alors que les besoins du ménage ne le nécessitent pas forcément. Cette attitude découle de cette peur transmise d’une génération à l’autre qu’un de ces produits de base ne vienne un jour à manquer au cours du mois de Ramadan. C’est une fausse idée qui a la peau dure. Il faut que le consommateur prenne conscience qu’il n’y a pas de risque de pénurie et que ni les épiceries, ni les enseignes commerciales ne vont fermer leurs portes le lendemain et que les marchés, les épiceries et les enseignes commerciales sont tous les jours suffisamment approvisionnés pour faire face aux besoins du mois Saint. La consommation excessive et exagérée de denrées alimentaires au cours du mois de Ramadan est non seulement néfaste pour la santé, mais elle encourage, par ailleurs, la spéculation, ainsi que les fraudes et les arnaques au cours du mois de Ramadan. 70% des Tunisiens consomment tous les jours « une brik », malgré les risques que présente la consommation quotidienne d’œufs et d’aliments frits pour la santé. La consommation d’œufs augmente, d’ailleurs, de 90% pendant le mois de Ramadan. L’achat à outrance de produits de base conduit, en outre, au gaspillage alimentaire. Tous les aliments qui n’ont pas été consommés vont finir à la poubelle.  On consomme trois fois plus de pain pendant ce mois saint. 900.000 tonnes sont jetés quotidiennement dans les poubelles. Le consommateur doit savoir se comporter de façon rationnelle.

Y a-t-il plus de fraudes et d’arnaques pendant le mois de Ramadan ?
Oui effectivement, le mois saint est propice aux fraudes, aux arnaques et à la spéculation encouragées par la hausse de la demande. Il faut avouer que c’est le comportement du consommateur qui encourage ce type de dépassements. Je vais vous citer un exemple  pour comprendre le phénomène. Nous sommes actuellement en pleine période de haute lactation. Nous avons un excédent de 500 mille litres de lait par rapport aux besoins nationaux. Pourtant, chaque consommateur n’a droit qu’à deux briques de lait. En fait, cela est dû en partie au comportement du consommateur qui, dès qu’il entend parler de l’éventualité d’une grève ou d’une pénurie, se précipite chez  l’enseigne commerciale la plus proche pour acheter de grandes quantités de cette denrée, ce qui provoque une pénurie. Les spéculateurs tirent profit bien évidemment de cette situation. Ils ne sont pas les seuls. Tout cela contribue à la flambée des prix. Le consommateur doit se montrer rationnel et vigilant. Les campagnes de contrôle économique qui ont été organisées au cours des dernières semaines, et qui ont précédé le mois saint ont porté leurs fruits. Elles ont entraîné une légère baisse des prix des produits de consommation dans les marchés. Il faut renforcer ce type de contrôle d’autant plus que ce sont les intrus et les intermédiaires qui sont responsables en grande partie de la hausse des prix, notamment dans le secteur agricole qui est essentiellement composé de petits producteurs et agriculteurs. A titre d’exemple, afin d’éviter le détournement des produits agricoles destinés à l’approvisionnement du marché de gros, par les contrebandiers et les intermédiaires qui les écoulent sur les circuits parallèles, il faudrait créer des points de collecte relevant du marché de gros à proximité de ces petits agriculteurs afin qu’ils ne vendent pas leur production à ces intermédiaires.

Quels sont les conseils de l’ODC ?
Le consommateur tunisien doit être tout particulièrement vigilant au cours du mois de Ramadan en raison des fraudes et des arnaques qui sont très fréquentes notamment dans les points de vente non contrôlés et les étals anarchiques. En effet, des commerçants n’hésitent pas à traficoter leur bascule. On ne trouve pas ce type de supercherie dans les enseignes commerciales contrôlées, c’est pour cette raison que j’encourage les consommateurs à effectuer leurs courses dans ces espaces plutôt que dans les points qui ne sont pas contrôlés. Il faut faire attention également à l’achat des salaisons, de l’harissa, du sorgho (droô)… qui sont très prisés au cours du mois de Ramadan. Il ne faut pas les acheter de n’importe quel point de vente car les conditions de stockage et de conservation ne répondent pas du tout aux normes sanitaires. A titre d’exemple, les salaisons peuvent présenter des moisissures car elles sont conservées pendant plusieurs mois dans la même eau. Idem pour le sorgho (droô) qui peut contenir des champignons parce qu’il est conservé dans des conditions qui ne répondent pas du tout aux normes d’hygiène. Il faut faire attention aussi au lait et à ses dérivés fabriqués de façon artisanale et qui ne sont pas contrôlés. Il faut éviter de les acheter des points de vente non contrôlés et de les consommer car ils peuvent être contaminés par la tuberculose bovine. Enfin, encore une fois, il faut éviter le gaspillage alimentaire au cours du mois de Ramadan. Prenons le cas du pain, à titre d’exemple. Nous n’avons pas besoin de tous rentrer les bras chargés de pain tous les jours. Il suffit de charger une seule personne pour acheter le pain pour le repas de  la rupture du jeûne.

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