En dépit du plan national stratégique Tunisie Digitale 2020, très peu d’avancées ont été réalisées dans la mise en œuvre de cette stratégie et beaucoup de défis restent à relever pour que ce secteur honore toutes ses promesses. L’Ites vient, à travers une récente étude, de relever les carences dans ce contexte et proposer 100 recommandations aux décideurs. Plus de clarifications à ce propos nous ont été rapportées par son auteur et expert à l’Ites, Mustapha Mezghani.

« Définir, bien encadrer et accélérer » sont les maîtres mots introduisant les principales recommandations issues de l’étude prospective élaborée par l’expert Mustapha Mezghani, membre de l’unité de recherche stratégique, relevant de l’Institut tunisien des études stratégiques et visant à mieux orienter les décideurs. « Quand le numérique transforme l’Etat et l’administration : vers une rupture de paradigme ». Tout est dit ou presque dans ce titre révélateur puisque l’Etat, depuis la révolution de 2011, n’est plus au service de l’administration ou du gouvernement. « Tous doivent être au service du citoyen », souligne l’auteur de l’étude. A ce changement de paradigme de l’Etat introduit par la démocratie et une nouvelle orientation vers le citoyen, vient s’ajouter le numérique qui présente de nombreuses opportunités qui doivent être saisies, fait-il encore savoir.

L’Etat en manque de stratèges

Ne pouvant passer sous silence certaines grandes lacunes observées depuis 2011, l’étude pointe du doigt le désengagement de l’État de la fonction de planification, d’anticipation ainsi que de définition de visions et de stratégies économiques. L’Etat s’est malheureusement rabattu sur « de simples fonctions de gestion au jour le jour », d’où cette urgence de le recentrer sur ses fonctions essentielles. A l’instar de la cohésion sociale et la protection des individus, souligne l’étude de l’Ites.

En 2011 et suite à l’instauration d’une démocratie naissante, la Tunisie avait besoin de procéder à un changement du paradigme de l’Etat et de l’administration pour aboutir à un Etat et une administration compatible avec la démocratie et hors du joug de la dictature, une administration efficiente et redevable au service du citoyen-client, le contribuable, et non au service des politiques.

Le confinement a mis à nu les carences de la numérisation

Contacté à cet effet par notre journal pour répondre à certaines questions en rapport avec le timing de l’étude, ses finalités et son impact sur les décideurs, d’autant plus que le pays est déjà doté d’un plan national stratégique, Tunisie Digitale 2020, l’expert Mustapha Mezghani explique que la propagation du coronavirus, qui a acculé certaines administrations à travailler à distance suite au confinement sanitaire obligatoire, a démontré et mis à nu les insuffisances dans le domaine du numérique en Tunisie comme le témoignent les regroupements des citoyens devant les bureaux de poste pour recevoir les aides sociales ou les difficultés observées sur le plan des services en ligne des administrations.

C’est dans ce cadre général que l’Ites a entamé une série d’études incluant le numérique et bien d’autres secteurs. Cette étude entre dans le cadre de la première phase de l’étude prospective initiée par l’Ites sur le thème « La Tunisie face au Covid-19 à l’horizon 2025 : fondements d’une stratégie conciliant l’urgence du court terme et les impératifs du moyen terme ». Il va sans dire que l’installation aussi d’un nouveau gouvernement et bien sûr de la nouvelle équipe de l’Ites avec Sami Ben Jannet comme nouveau directeur général a contribué à l’élaboration de cette série d’études.  

Une stratégie est un tout indissociable

Passant en revue quelques recommandations issues de cette étude dont notamment celle où il est question de « définir une stratégie et mettre en place un cadre pour garantir la souveraineté numérique de l’Etat tunisien », on ne pouvait pas ne pas demander à l’expert de l’Ites des explications autour de cette recommandation au moment où le pays est doté, comme on l’a précédemment expliqué, d’un plan national stratégique, Tunisie Digitale 2020. A ce propos, Mustapha Mezghani a fait savoir que cette stratégie a été mise en place depuis 2014 et s’étend à l’année en cours et qu’il a eu l’honneur et le plaisir de la finaliser quand il était conseiller auprès du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des TIC, Taoufik Jelassi.

Mais une stratégie, reprend-il, est un tout indissociable dont la réussite est conditionnée par l’avancement bien synchronisé au niveau de tous les actes. Ce plan national stratégique s’articule autour de quatre axes intégrant six orientations stratégiques. Malheureusement, certaines actions ont enregistré une avancée contrairement à bien d’autres. Il faut souligner que la réussite d’une stratégie est tributaire de son plan d’action et bien sûr de la manière se rapportant à sa mise en œuvre.

Messages aux décideurs  

Dans notre étude, ajoute l’expert de l’Ites, on s’intéresse principalement au volet Etat et administration même si on fait allusion au passage au secteur privé. Ce volet comprend le e-Government et le programme smart-Gov 2020 qui est en cours de mise en œuvre,  mais il est vrai que pour l’instant, les résultats manquent de visibilité. C’est pour cette raison qu’on a insisté au niveau de nos recommandations sur les facteurs clés du succès, dont notamment une volonté de haut niveau et un leadership horizontal, une numérisation basée sur les intérêts des usagers (entreprises et citoyens) et non sur les besoins de l’administration uniquement. « La numérisation ne doit pas être un facteur d’exclusion ».

« Le numérique, on peut dire qu’on a le choix d’y aller ou de ne pas y aller. Ce n’est pas une orientation contraignante mais attention, si on décide de ne pas y aller, on est condamnés à la disparition. Bien sûr l’Etat ne disparaît pas dans ce cas mais perdra sa souveraineté. Le numérique n’est pas un slogan et ce n’est pas une finalité en soi. Quand je dis qu’on doit y aller vers le numérique, c’est qu’il nous faudra une vision bien claire. Le numérique est un outil qui doit être inclus dans une stratégie et une vision plus globale et c’est pour cette raison qu’on parle à travers cette étude de changement de paradigme. Tout cela doit être porté par un leader au plus haut niveau qui a un ascendant horizontal sur tous les intervenants, donc obligatoirement le Chef du gouvernement », lance dans son message adressé aux décideurs le membre de l’Ites et auteur de cette étude, Mustapha Mezghani.

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