La situation politique s’enlise : Cafouillages et bisbilles au sommet !

Les Tunisiens observent cet improbable champ de bataille où les «grands quelqu’un» rendent coup pour coup, alors que les urgences sont plus que jamais légion. La désespérance chronique de l’un des plus grands gâchis de l’histoire du pays continue de s’écrire. Elle augure troubles et tensions. Les acteurs politiques locaux continuent de donner la détestable impression de danser sur un volcan. Les Tunisiens prient pour un salvateur sursaut. Les ténors de l’opposition seront-ils capables de mettre leur ego de côté pour mettre sur orbite le pays tandis qu’Ennahdha continuera de tout diriger dans l’ombre ?

En quelques semaines, l’échiquier politique tunisien a été bouleversé. On a assisté à un rapprochement entre deux coalitions qui se regardaient en chiens de faïence et s’évitaient comme le diable fuit l’eau bénite. Ce retour inattendu de Qalb Tounès dans l’arène aux côtés de ses pires détracteurs est ubuesque. Tout s’est joué en un tournemain et c’est tout juste si on ne déroule pas le tapis rouge à Qalb Tounès en public.

Les cartes sont donc rebattues. Bien téméraires seraient les haruspices qui se hasarderaient au moindre pronostic. Pour le dire crûment : Fakhfakh n’a plus beaucoup de soutien et Kaïs Saïed est de plus en plus isolé. Seule certitude, Ghannouchi demeure maître des horloges et le rapport de force lui est favorable. Certes pas dans les sondages, encore moins dans les cœurs des Tunisiens. Mais grâce à la main mise qu’il exerce sur les rouages de l’Etat où il a placé ses hommes de confiance. La situation du pays n’est pas bonne et son horizon se bouche. Bref, tous les ingrédients d’un cocktail détonant sont réunis.

En marge des travaux de la 40e session du Conseil de la choura, qui se sont ouverts samedi dernier, Abdelkrim Harouni, président du Conseil, a fait miroiter que « les derniers développements liés à l’exécutif et à son chef Elyes Fakhfakh sur fond de suspicions de corruption imposent au mouvement, en tant que premier parti au gouvernement, de définir sa position ».

Mais Fakhfakh n’est pas la seule cible d’Ennahdha. Il s’agit aussi de recadrer le Chef de l’Etat sur le plan des relations extérieures. Ses récentes déclarations sur le dossier libyen, pointant du doigt l’intervention du très autocratique président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a franchi des pas décisifs dans ce sens, grâce à un activisme militaire sans précédent, déplaisent aux islamistes alliés de Fayez Al Sarraj. Harouni, a de ce fait appelé le Chef de l’Etat à « fournir un éclairage sur la politique extérieure du pays en tant que premier représentant de la Tunisie ». C’est ce qu’il a fait, non ? Que nenni. C’est en sourdine un alignement sur la position du gouvernement Al Sarraj en tant que « gouvernement légitime en Libye » qu’on veut entendre des lèvres du Chef de l’Etat. Un enjeu qui dépasse beaucoup la question du pouvoir en Libye. Mais engage la sécurité nationale aussi, étant donné que de cette nouvelle phase de la guerre peut déboucher sur plus de désordre, plus de conflits et à une échelle régionale.

Cela dit, un autre acteur se trouve dans le collimateur des islamistes. Cette fois, c’est sur la prestigieuse centrale syndicale qu’on tire à boulets rouges. Aux prises avec les députés de la coalition Al-Karama, seconds couteaux du parti Ennahdha, suite à l’arrestation de trois syndicalistes de Sfax présumés agresseurs du député Mohamed Affes, l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a promis d’affronter « avec courage les affiliés de l’organisation terroriste dite Daech (Ndlr : allusion faites aux islamistes d’Ennahdha) qui cherchent à détruire les acquis nationaux de l’Etat civil ».

Mais plus que cela. Noureddine Tabboubi a lancé un coup de semonce. Promettant de marcher sur la place du Bardo pour « calibrer la boussole en faveur de la consécration de la souveraineté nationale ». Rappelant à ses détracteurs le sit-in Errahil qui a fini par déloger la Troïka (Ennahdha, Ettakatol et CPR) du pouvoir en 2014, et la mise en place du Quartet ayant conduit le pays aux élections présidentielle et législatives. Un souvenir que les islamistes évoquent avec des trémolos dans la voix.

C’est que les choses au sein du Parlement n’augurent rien de bon non plus. Depuis le début de la nouvelle législature, on y est à couteaux tirés.

Et pour cause, Rached Ghannouchi y règne en maître absolu, foulant aux pieds la diplomatie tunisienne, recrutant à tour de bras, désignant les éléments de son cabinet, autorisant les visiteurs les plus redoutés par ses opposants et réputés pour leur propension à encourager les discours de haine et d’incitation à la violence et d’atteinte à l’intégrité physique des élus…

Ce qui a poussé Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), à adresser un avertissement officiel au président du parlement concernant la présence permanente de Imed Dghij, tristement célèbre pour avoir dirigé les ligues de protection de la révolution, dans les couloirs de l’hémicycle comme étant l’accompagnateur de Ghannouchi, et ce, sans motif légal.

En attendant, les Tunisiens observent cet improbable champ de bataille où les «grands quelqu’un» rendent coup pour coup, alors que les urgences sont plus que jamais légion. La désespérance chronique de l’un des plus grands gâchis de l’histoire du pays continue de s’écrire. Elle augure troubles et tensions. Les acteurs politiques locaux continuent de donner la détestable impression de danser sur un volcan. Les Tunisiens prient pour un salvateur sursaut.

Les ténors de l’opposition seront-ils capables de mettre leur ego de côté pour mettre sur orbite le pays tandis qu’Ennahdha continuera de tout diriger dans l’ombre ?

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