Accueil A la une Lutte contre la corruption et bonne gouvernance : Quand les recommandations sont ignorées

Lutte contre la corruption et bonne gouvernance : Quand les recommandations sont ignorées

I Watch révèle, à la faveur d’une enquête d’investigation touchant les secteurs de la santé, du sport, des médias et des ressources naturelles, que les dépassements et les dysfonctionnements dévoilés persistent toujours et que leurs auteurs ne risquent aucune sanction

La bonne gouvernance et la lutte contre la corruption sont une responsabilité partagée que doivent assumer toutes les entreprises et tous les établissements publics en appliquant les recommandations de bonnes pratiques issues des organismes de contrôle  interne et externe. Plusieurs instances dont l’Inlucc ainsi qu’une batterie de lois se chargent de lutter  contre la corruption et d’instaurer les règles d’une bonne gouvernance, mais la société civile y est également de plus en plus impliquée, particulièrement concernant les entreprises publiques. I Watch-Tunisia (Ana Yakedh) est une ONG qui regroupe des jeunes engagés dans la lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance, la transparence de la vie publique et économique. Ces deux axes principaux, transparence et lutte contre la corruption, sont l’angle de vue que l’organisation a choisi pour mener une enquête publiée le 5 mai 2019 sur la gouvernance des entreprises publiques et des structures étatiques en se basant sur les rapports d’audit et de contrôle interne des comptes. Une enquête qui  s’est focalisée sur quatre structures étatiques afin d’essayer de comprendre l’ampleur des dégâts de tout un secteur menacé de délitement, de faillite et de privatisation intempestive, en l’absence de sanction et dans une impunité totale pour les responsables.

I Watch a enquêté sur la gouvernance dans quatre secteurs: sport, santé, médias et ressources naturelles, en utilisant les rapports des commissaires aux comptes et les audits de contrôle interne de la société de promotion du sport – Promosport, de la Pharmacie centrale, de l’Agence Tunis- Afrique  Presse (TAP) et l’Office national des mines (ONM) entre 2015 et 2017. Cette enquête a permis de faire un diagnostic précis des défaillances dans la  gouvernance générale et opérationnelle, dans les dispositions, les achats, les transactions publiques, l’absence de gestion des risques, la mauvaise répartition des tâches, les défaillances de la gouvernance de communication financière en manque de fiabilité et de pertinence ressources humaines, le comportement financier et comptable et la vente des stocks…Les rapports des commissions de contrôle interne indiquent que ces quatre entreprises n’ont pas tenu compte des recommandations de bonne conduite émises par les commissaires durant ces 3 dernières années à l’échelle de 70%.

La Pharmacie centrale: un exemple de mauvaise gouvernance pérennisée!

Selon l’ONG, la Pharmacie centrale de Tunisie est un exemple édifiant de “surdité et de résistance“ face aux recommandations nécessaires pour accéder à une meilleure gestion et une bonne gouvernance. La PCT a ignoré toutes les recommandations des auditeurs et contrôleurs internes en matière de réglementation générale, en gestion commerciale et en gestion de biens et actifs fixes de la PCT. L’administration semble résister à toutes les recommandations et n‘a corrigé aucun dysfonctionnement indiqué tel que les achats, les transactions, les marchés publics, la gestions des stocks ou l’informatisation  et ce entre 2015 et 2017, pourtant le diagnostic étant fait, la PCT devrait selon les recommandations des experts-comptables améliorer la réglementation, la  gestion de l’approvisionnement et établir une discipline interne basée sur les procédures législatives et administratives en vigueur pour améliorer et faire appliquer les mesures contre la corruption dans ce secteur vital. En 2017, la PCT a seulement corrigé 5%des dysfonctionnements, 10%sont en cours et 85% des recommandations restent ignorées.

L‘Office national des mines: violations et dysfonctionnements:

L’Office national des mines est un établissement public à caractère industriel et commercial (E.P.I.C.) qui œuvre depuis sa création en 1962 à explorer les ressources minières nationales, et à promouvoir l’investissement dans le secteur. Comme toute entreprise publique, l’ONM a dû depuis 2015 entreprendre des réformes pour renforcer la transparence et la redevabilité et adopter les bonnes pratiques de gouvernance des entreprises publiques. Mais ce qui est révélé par le rapport des organismes de contrôle interne de l’ONM, c’est que parmi les 76 recommandations émises en 2015, seules 23% ont été suivies.  En 2017, 20% seulement des dysfonctionnements ont été corrigés,18% en cours et 79% des recommandations n’ont pas été adoptées. Les principaux domaines épinglés sont la gestion des achats et des stocks,la gestion de ressources humaines, les services de maintenance et de  comptabilité, l’absence de registre actualisé, un déficit de contrôle au niveau des appels d’offres et des marchés publics, l’absence de transparence dans les actions de promotion, de coopération technique et diverses défaillances dans le domaine de l’informatisation des données et de l‘approvisionnement.

Qui peut promouvoir Promosport?

Cette société est une entreprise publique sous tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports et dont la mission est l’organisation et  le développement des activités physiques et sportives ainsi que des concours de pronostics sportifs, des jeux, des compétitions… Mais il semble que Promosport fait  face à plusieurs difficultés dans ses domaines d ‘action.  Parmi les 96 recommandations de bonnes pratiques conseillées dans un rapport de contrôle interne en 2015, seule une a été suivie et appliquée par la direction. Cette recommandation concerne la reconnaissance d’une valeur timbrée de 0.025 dt pour chaque colonne vendue dans le cadre du concours de Promosport. La société  a entrepris un redressement de 24 % des dysfonctionnements. Les principales violations de réglementations (75% des recommandations non suivies) concernent la gestion des ressources humaines, l’absences  de service d‘archives d’affaires juridiques  et de gestion de biens fixes, des recrutements d’agents de manière illégale, non- respect des réglementations en vigueur.

TAP : défi de numérisation et d’adaptation au nouveau paysage médiatique

L’Agence Tunis Afrique Presse ou TAP est l’unique agence de presse tunisienne qui détient le monopole de la diffusion des informations et des dépêches aux médias nationaux 24h/24 et 7 jours sur 7. L’Agence TAP, fondée en 1961, est une  société anonyme majoritairement détenue par l’Etat, qui emploie des centaines de journalistes, correspondants et reporters. L’agence a dû faire face à beaucoup de difficultés avec un paysage médiatique en pleine mutation qui a sonné la fin du monopole de l’information officielle, multiplication des sources, profusion de textes et images en libre accès. Les rapports de contrôle et d’audit interne ont émis des recommandations que l’agence a appliquées à hauteur de 15%,13% sont en cours d’exécution et 71% non encore entrepris.

Les principaux dysfonctionnements relevés concernent la gestion des ressources humaines, l’absence d’un cadre législatif relatif aux recrutements; un chevauchement des postes et des fonctions pour certains services, un retard dans les services de numérisation.

Ces quatre exemples étudiés par I Watch, selon des mécanismes de contrôle interne à chaque établissement, montrent que les recommandations ne sont pas prises en compte en l’absence d’un cadre juridique qui délimite les sanctions en cas de mauvaise gouvernance. En effet, le vide juridique quant à la gouvernance des établissements publics n’aide pas à mettre fin à ces pratiques et conduit inéluctablement à causer la faillite de nombre d’entre eux en l’absence de fonds de restauration et de restructuration.

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