Attaque terroriste à Akouda | Des réformes qui urgent : Investir dans la sécurité

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Ordonner à des agents de sécurité d’assurer les fonctions de contrôle au niveau d’un rond-point ou devant des ambassades sans les doter des moyens de protection adéquats, et ce, au moment où ils sont la cible favorite des menaces terroristes est à revoir impérativement. Désormais,  il faudra investir beaucoup plus dans la sécurité et la lutte contre les racines du mal et ne plus se contenter de tourner la page après chaque attaque terroriste.  

En dépit de la rapide réaction qui a permis l’élimination des trois assaillants et l’arrestation d’un quatrième complice, plusieurs zones d’ombre persistent quant à la frustrante faculté des éléments terroristes à déjouer la grande vigilance des services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme et passer à l’action sans risque d’être démasqués. Il va sans dire que le risque zéro n’existe pas et les unités de lutte contre le terrorisme dans notre pays  sont d’un professionnalisme incomparable. D’ailleurs la Brigade antiterroriste tunisienne (BAT) compte parmi les meilleures unités d’élite dans le monde, mais l’heure des grandes et profondes réformes a sonné  et il faut tirer les leçons des erreurs du passé.

L’épouse de l’un des assaillants arrêtée

Non fichés par les services de la police, les trois éléments terroristes abattus lors de l’assaut donné par les unités spéciales ainsi que le quatrième qui fut capturé quelques heures après avaient pour principal objectif d’éliminer les deux agents de la Garde nationale et se saisir de leurs armes en vue de les utiliser, ainsi que la voiture de patrouille, dans d’autres attentats. La rapide riposte des unités sécuritaires a vraisemblablement évité le pire.

Selon le  porte-parole de la Garde nationale, Houssem Jebabli, les descentes qui ont suivi cet acte terroriste ont permis l’arrestation de plus d’une quarantaine de suspects. Les unités spéciales continuent de mener les investigations nécessaires dans cette affaire et le ministère public a d’ores et déjà autorisé l’arrestation de sept personnes parmi lesquelles figurent — et c’est ce qui compte le plus — des «recruteurs jihadistes».

L’épouse de l’un des terroristes abattus a été arrêtée à son tour  puisqu’elle n’a pas hésité à qualifier son mari de martyr. Une quantité d’armes blanches, de téléphones portables et le véhicule qui a foncé sur les gardes nationaux ont été saisis lors de l’assaut des unités sécuritaires, a fait savoir  le porte-parole du pôle judiciaire, Sofien Selliti.

Un député s’excuse!

Comment s’est effectué l’embrigadement de ces éléments? Via les réseaux sociaux et d’autres sites étrangers, répond le porte-parole de la Garde nationale. Ils ont même eu des formations en matière d’attaques terroristes par le biais d’armes blanches et de recours à l’empoisonnement. Il est à rappeler, à cet effet, que les unités sécuritaires ont fait avorter en juillet dernier une tentative d’empoisonnement, selon les déclarations de l’ancien ministre de l’Intérieur et actuellement chef du gouvernement, Hichem Mechichi, à l’une des radios privées, ajoutant que  les terroristes impliqués dans cette affaire ont été arrêtés et que plusieurs tentatives d’attentats terroristes ont été déjouées grâce à la vigilance des unités sécuritaires.

L’embrigadement rend aveugle et pousse inéluctablement aux actes terroristes les plus horribles. La radicalisation des jeunes en perte de repères identitaires, surtout  après la révolution avec la montée du courant salafiste et la bénédiction d’autres partis politiques, ne surprend plus dans un pays où certains politicards ont pris en otage l’Assemblée du peuple et bottent en touche sur la question du terrorisme et ses causes, n’hésitant pas à défendre le «droits» d’un fiché S à l’accès au Parlement, sous l’œil complice des partisans des thèses du complot et des immixtions étrangères.

Certains commencent à prendre conscience du danger et de l’extrême gravité de l’hydre terroriste, à l’exemple du député Khaled Krichi qui vient de démissionner de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques dont il était l’un des fondateurs. Dans un post publié sur Facebook, le député du mouvement Achaâb à l’Assemblée des représentants du peuple a franchi le Rubicon et a exprimé «ses excuses auprès du peuple tunisien, pour avoir défendu des personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires pour leur implication dans des affaires à caractère terroriste et ce, avant la révolution du 14 janvier 2011.

L’intention du «jihad» ou de l’acte de kamikaze des éléments terroristes n’est plus à démontrer dans l’attaque de Sousse, puisqu’ils se sont rencontrés à la mosquée à 4h44 pour effectuer vraisemblablement leur dernière prière et ont lancé leur attaque entre  6h47 et 6h49. La rapide riposte et le grand travail de coordination entre les unités de la Garde et de la Sureté nationale ont permis, Dieu merci, l’élimination des terroristes et la capture du quatrième qui avait tentait de prendre la fuite. Belle pêche pour les agents de sécurité qui les aidera à élucider encore plus cette affaire.

Une réussite à marquer d’une pierre blanche pour nos forces sécuritaires, mais qui ne doit aucunement occulter certaines failles, notamment au niveau de la prévention et la protection. Il est vrai que l’anticipation prime. Toutefois, ce n’est pas toujours chose facile. Pareils actes terroristes prennent de court les services les plus aguerris, comme le confirment ces attaques au couteau à caractère terroriste perpétrées ces dernières années dans des pays en Europe.

Plusieurs observateurs ont toujours appelé à procéder à de profondes réformes au niveau des services spécialisés. Des projets de loi ont été finalisés autour de l’état d’urgence et des services de renseignements, d’autres sont encore dans le pipe, à l’instar de la stratégie de sécurité nationale ou de la lutte contre les crimes cybernétiques, nous a souligné l’ancien premier conseiller à la Sécurité nationale auprès du président de la République, le contre-amiral à la retraite Kamel Akrout, dans un entretien publié dans les colonnes de La Presse en février dernier

C’est de ces réformes qu’il s’agit. Ordonner à des agents de sécurité d’assurer les fonctions de contrôle au niveau d’un rond-point, ou devant les ambassades sans les doter des moyens de protection adéquats et ce au moment où ils sont la cible favorite des menaces terroristes est à revoir impérativement. Désormais, il faudra  investir beaucoup plus dans la sécurité et la lutte contre les racines du mal et ne plus se contenter de tourner la page après chaque attaque terroriste.

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