Dépassements évoqués dans le rapport sur les élections législatives et la présidentielle : Les contrevenants seront-ils réprimandés ?

Et si les révélations chiffrées contenues dans le rapport de la Cour des comptes mettaient le paysage politique national post-révolution face à la possibilité de vivre un précédent historique: celui de voir la justice décider l’annulation de l’élection de quelques dizaines de députés qui ont profité de financements provenant de l’étranger ?

Le rapport de la Cour des comptes sur le financement des campagnes législatives et de la présidentielle anticipée de 2019 aura eu le mérite, de par les débats et les échanges qu’il a suscités, de poser une problématique des plus importantes, voire des plus décisives, sur l’avenir de la jeune expérience démocratique nationale: il s’agit, en effet, de la possibilité pour la justice au niveau de la Cour des comptes (pouvant désormais émettre des jugements à caractère contraignant) et aussi au niveau de la justice judiciaire de pouvoir rendre des jugements à même d’annuler les résultats auxquels ont abouti les élections législatives d’octobre 2019 dans telle ou telle circonscription électorale où les règles de la transparence et de l’intégrité de l’opération électorale auraient été violées, comme le prouvent les dysfonctionnements démasqués dans le rapport de la Cour des comptes et confirmés aussi par le président de l’Isie qui affirme être informé de ces atteintes à la loi électorale et les avoir soumises, à temps, selon ses dires, à l’attention des magistrats de la Cour des comptes mais sans malheureusement avoir eu l’idée de les révéler à l’opinion publique ou d’exercer les pouvoirs qu’accorde la loi électorale à son instance en lui donnant la possibilité de déclarer nuls et non avenus les résultats enregistrés dans telle ou telle circonscription électorale et de décider de rectifier le tir en annulant les résultats déclarés et en remplaçant les députés élus illégalement par ceux qui méritent réellement la confiance des électeurs.

En s’étalant sur les abus commis par les différentes listes des partis ayant postulé à la députation au Palais du Bardo en 2014, dysfonctionnements ou infractions graves qui sont allés jusqu’à menacer la souveraineté même du pays, en acceptant d’être financées par des puissances étrangères (crime passible d’au moins cinq ans de prison ferme), Néjib Ktari, premier président de la Cour des comptes, Fadhila Gargouri, chef de circonscription à la même cour, et aussi Nabil Beffoun, président de l’Isie, ont réussi — on ne sait intentionnellement ou non — à poser le problème sur une nouvelle trajectoire, à savoir si l’application des lois en vigueur, dont en premier lieu la loi électorale, pourrait créer un précédent dans l’histoire de la transition démocratique tunisienne dans le sens de parvenir, grâce à des jugements définitifs, à imposer une transformation radicale au sein du paysage politique national en excluant de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) au moins une quarantaine de députés appartenant aux partis les plus influents sur la scène nationale, ayant accédé au Parlement en utilisant des moyens illégaux dont, en particulier, des financements reçus de l’extérieur.

La machine judiciaire a toujours le dernier mot

Hier, le député Fayçal Tebbini s’est invité au débat général, en exhortant avec insistance les magistrats relevant de la Cour des comptes et aussi ceux exerçant dans la justice judiciaire à prendre l’initiative en inscrivant le dossier des députés élus illégalement, comme le prouvent les révélations contenues dans le rapport de la Cour des comptes, au fronton de leurs préoccupations afin de pouvoir déclarer des avis dans les délais avant que n’expire le délai de prescription des crimes électoraux fixé par la présente loi électorale à trois ans, ce qui revient à dire que la justice doit être saisie aussi rapidement que possible de ces affaires et qu’elle doit se prononcer avant qu’il ne soit trop tard, c’est-à-dire avant l’année 2023 ou l’année 2024, dernière année du mandat législatif actuel.

Il reste, cependant, à préciser qu’il existe un principe considéré comme sacro-saint dans les démocraties, même si le sacré n’existe pas dans la culture et la mentalité des démocrates.

Il est question de l’indépendance de la justice et de sa pleine souveraineté dans le traitement des affaires qui lui sont soumises dans le sens que personne ne peut imposer à un magistrat quelconque une date ou un délai pour prononcer un jugement.

Il va sans dire que mettre un terme, au niveau juridique, aux violations et aux infractions, voire aux crimes électoraux, reste de la compétence exclusive des magistrats.

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