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La Tunisie ne perdra pas sa voix !

LA polémique enfle suite à la révélation faite par le ministre des Affaires étrangères relative à la décision de l’Union africaine d’infliger à la Tunisie une sanction disciplinaire, en lui interdisant de prendre la parole pendant six mois, pour n’avoir pas réglé sa cotisation au titre de l’année 2020. Le cri de détresse du ministre des Affaires étrangères a été appréhendé sous forme d’une prise de bec avec le ministre des Finances. Autrement dit, le gouvernement essaye de tirer dans les pattes de la diplomatie tunisienne pour ridiculiser, aux yeux du monde, la politique étrangère du pays. Soit marquer des points contre Kaïs Saïed. Ce qui est difficile à admettre. Car c’est de l’intérêt du pays qu’il s’agit. C’est tout simplement une affaire de plus qui résulte des problèmes financiers du pays et de la baisse de nos réserves en devises. Une rationalisation des dépenses et des mesures d’austérité à contrecœur qui ne font que ternir notre image et notre quotidien. Mais si nous broyons du noir, c’est que quelque part nous en sommes tous responsables. Mais notre propos n’est pas là, car il faut faire une lecture décalée de la décision de l’UA pour en comprendre les tenants et les aboutissants. En effet, depuis 2019, la question de l’indépendance financière de l’Union a été définie comme l’une des priorités de l’agenda 2063 de l’Union africaine. C’est que plus de 75% du budget de fonctionnement de l’Union (estimé à 800 millions de dollars en 2018) provient des donations de puissances étrangères. Ce qui impacte son action selon l’agenda de ces puissances. Une dépendance que l’organisation veut pallier par l’autofinancement.

La question a été au menu des discussions de cette 32e session ordinaire de l’Assemblée générale de l’UA qui a réuni les chefs d’État et de gouvernement des 54 pays africains  du 10 au 11 février 2019 à Addis-Abeba, en Ethiopie. L’UA y a promis de poursuivre son exercice d’équilibre financier, en améliorant notamment son niveau de recouvrement. Pour y parvenir, l’organisme panafricain a ainsi imaginé des mécanismes pour équilibrer les charges, les contributions financières à répartir entre les grands et les petits pays. C’est ainsi qu’une réflexion a été lancée pour revoir les barèmes de cotisations des Etats afin de s’assurer que le total des contributions des cinq plus grands pays du Continent ne soit pas supérieur à 40% du total du budget de l’organisation continentale. Le but de la mesure est de contenir l’influence des pays les plus riches et gros contributeurs. Un nouveau dynamisme insufflé sous la menace de sanctions contre les Etats mauvais payeurs qui risquent désormais des pénalités sous forme de taxes supplémentaires, voire une exclusion des plus récalcitrants aux sommets et activités de l’Union africaine. Mais en réalité, ce n’est qu’une mesure pour exhorter les Etats à s’acquitter de leurs arriérés non pas à les exclure. Car le nombre de pays défaillants ou partiellement défaillants dans le versement de leur cotisation annuelle dépasse les 30%.

Peut-on imaginer l’Union africaine se séparer du tiers de ses adhérents alors qu’elle en a grandement besoin pour assurer son indépendance financière? Inimaginable ! Certes, la Tunisie doit honorer ses engagements vis-à-vis de l’UA car elle est membre fondateur de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et que notre pays a « enfin vécu ce rêve longtemps rêvé », comme l’a scandé le président-poète sénégalais Senghor lors de l’acte de fondation qui symbolise cette unité mythique. Non la Tunisie ne perdra pas sa voix en Afrique, comme l’a si bien souligné Walid Hajjem, conseiller diplomatique à la présidence de la République. Car après avoir réalisé le miracle de la fraternité, voilà que l’Afrique nous offre le miracle économique qui peut sauver notre pays. Et nous devons être au rendez-vous.

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