CE qui s’est passé hier à Redeyef et Béja et auparavant à Gabès, Kasserine et pratiquement là où il y a des doléances sociales n’est pas rassurant. Au contraire, c’est très inquiétant dans la mesure où l’on passe d’une série de mouvements sociaux revendiquant le droit au travail et à la dignité à une série organisée de mouvements qui visent le blocage de maints secteurs et sites stratégiques, mais également les activités éducatives et courantes des Tunisiens. Non, on est sur une mauvaise pente, dans la mesure où les services publics et l’intérêt général sont en danger réel. Au nom des revendications sociales — légitimes d’ailleurs —, on dévie vers une anarchie organisée qui paralyse la vie quotidienne et concrétise le « non-Etat ». La boule de neige grandit, elle devient une sorte d’« iceberg » qui ravage tout sur son passage : paix sociale, loi, crédibilité de l’Etat, équilibres macroéconomiques et espoir en des lendemains meilleurs. Plus qu’une vision ou un nouveau modèle de développement (qui requièrent beaucoup de temps et de courage pour changer un appareil désuet et déréglé depuis longtemps), ce qui prime maintenant ce sont des décisions à court terme et comment résoudre ces problèmes. Les palliatifs ne vont rien arranger, mais ce sont des décisions fermes dans la limite des moyens existants pour calmer les ardeurs et voir le bout de tunnel. La situation est si critique, ce n’est pas du pessimisme mais une vue réaliste de ce qui se déroule : une scène tendue et une population qui occupe la rue et bloque le fonctionnement de la vie courante pour réclamer ses droits. Tout cela avec la passivité du gouvernement qui se contente de suivre et d’agir après coup.
C’est le politique qui amène derrière lui le socioéconomique et non l’inverse ; c’est l’évidence même. Savoir écouter, savoir agir et anticiper en maintenant une certaine autorité de la loi devant le « banditisme » et le populisme que l’on voit est l’unique voie pour sauver ce qui peut l’être. Si l’on continue ainsi, et avec ce budget de l’Etat déficitaire qui attend un moyen de financement, on risque de se trouver dans une situation d’insolvabilité de l’Etat et de faillite générale. On pense que le Chef de l’Etat doit sortir de son silence et amorcer une sérieuse opération de sauvetage avant qu’il ne soit trop tard. Une approche qui satisfasse tout le monde. La grogne monte vite dans les régions, certains en profitent pour jeter de l’huile sur le feu, et rien n’est fait pour appliquer la loi et préserver la sécurité nationale. Une mauvaise gouvernance politique ? C’est sûr, mais agissons ensemble pour éviter cet iceberg qui risque de tout ruiner et de faire du mal à tous. Cela n’engendrera que des perdants. Aucun vainqueur dans cette boîteuse démocratie tunisienne.