Il y a cinq ans, à Paris, 194 Etats et organisations internationales sont parvenus à un accord historique pour préserver les écosystèmes planétaires et nos propres conditions de vie. Ses signataires se sont engagés à limiter d’ici à la fin du siècle le réchauffement à 2°C voire 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, mais aussi accroître leurs capacités d’adaptation au changement climatique, notamment en adaptant les flux financiers mondiaux.

L’accord de Paris  a lancé, aussi, une dynamique historique, en prévoyant, tous les cinq ans, de rehausser les engagements de chacun. Il a inscrit enfin la solidarité au cœur de cette lutte contre le changement climatique, avec la mise en place d’un mécanisme de soutien aux pays en développement : le Fonds vert pour le climat.

Aujourd’hui, le mouvement lancé à Paris est plus que jamais d’actualité.

Nous sommes, en effet, loin du compte : malgré la baisse des émissions de gaz à effet de serre cette année avec le confinement et malgré la promesse du président élu des Etats-Unis de revenir dans l’accord, nous sommes encore loin d’inverser la tendance. Selon  ONU environnement, au rythme actuel, le réchauffement pourrait atteindre 3°C ou 4°C d’ici 2100 si toutes les contributions annoncées à Paris en 2015 n’étaient pas mises en œuvre. En dix ans, les émissions mondiales ont crû de 1,5% par an et il faudra, pour tenir les objectifs de Paris, qu’elles diminuent de 7,6% par an pendant la prochaine décennie.

Alors que nous vivons la période la plus chaude jamais enregistrée dans l’histoire, nous savons que nous avons basculé dans «l’ère des conséquences» du réchauffement climatique.

La Tunisie n’est pas épargnée. C’est même l’un des pays méditerranéens les plus exposés à l’augmentation des températures, la baisse des précipitations, l’élévation du niveau de la mer et aux phénomènes extrêmes.

A court terme, ce sont des besoins de base : l’accès à l’eau, la production agricole, le maintien  des écosystèmes, le bien-être et la cohésion de la société tunisienne qui sont menacés. Les conséquences du réchauffement sont déjà perceptibles, concrètes et palpables. A titre d’exemple, 75% des terres fertiles sont à risque de désertification et pour la seule année 2018, les inondations dans la seule région de Nabeul ont occasionné des dégâts estimés à 450 millions de dinars (138 millions d’euros),  auxquels s’ajoutent 82 millions de dinars (27 millions d’euros) de dommages pour le seul secteur agricole.

En Tunisie, comme ailleurs, la lutte contre les effets du changement climatique, pour l’évolution du modèle de développement, n’est  pas un luxe mais une nécessité impérative.

Collectivement, pour faire face à ce défi, nous devons accélérer la mise en œuvre des engagements de Paris et rehausser notre niveau d’ambition. C’est dans cet esprit que la France, le Royaume-Uni et les Nations unies, en partenariat avec le Chili et l’Italie, ont décidé d’organiser un sommet virtuel le 12 décembre dernier.

Un an avant la COP 26 de Glasgow, au Royaume-Uni, ce sommet sera une plateforme où les Chefs d’Etat et de gouvernement viendront présenter de nouveaux engagements. Ne pas se contenter de simples déclarations mais d’actes concrets qui doivent permettre d’améliorer la mise en œuvre de l’accord de Paris.

Les efforts de la France dans la lutte contre le changement climatique s’intègrent dans l’effort collectif de l’Union européenne. Aujourd’hui, les 27 sont en bonne voie pour dépasser leur objectif de réduction de 20% des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 1990. Selon la Commission européenne, l’UE est en bonne voie pour réduire ses émissions de 45% d’ici à 2030 par rapport à 1990, soit mieux que l’objectif de 40% de réduction qu’elle s’était fixée à Paris. La possibilité de porter cet objectif à moins 55% de réduction nette des émissions est aujourd’hui un enjeu majeur pour les 27 Etats membres.

De son côté, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a annoncé, le 4 décembre dernier, l’objectif de réduire d’au moins 68% les émissions de gaz à effet de serre d’ici la fin de la décennie par rapport aux niveaux de 1990. Cette annonce fait suite à la formulation, au mois de novembre, d’une stratégie et d’un plan en dix points pour une révolution industrielle verte, créatrice de 250 000 emplois. Malgré la conjoncture actuelle difficile, le Royaume -Uni consacrera presque 16 milliards de dollars pour un projet de financement international  pour le climat.

La Tunisie s’est engagée concrètement, en 2015, à réduire ses émissions à effet de serre de 41% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2010. Dans sa contribution nationale déterminée (CDN), elle a évalué à 18 milliards de dollars ses besoins pour limiter ses émissions et à 2 milliards de dollars ses besoins d’adaptation. Le gouvernement a adopté en septembre 2019 une feuille de route pour y parvenir. Il s’est engagé dans plusieurs projets d’appui, impliquant des acteurs publics et privés, la société civile et les partenaires techniques et financiers internationaux. C’est sur la transition énergétique que repose le gros (75%) de l’effort annoncé par la Tunisie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

La Tunisie dispose d’un fort potentiel pour réussir la transition vers une économie plus sobre en carbone, plus inclusive et plus résiliente face au changement climatique: une situation géographique qui permet le développement de l’énergie solaire ; une nouvelle génération d’entrepreneurs ouverts sur l’international ; une jeunesse éduquée et consciente des enjeux environnementaux.

Ses partenaires, les Nations unies, l’Union européenne, la France, le Royaume-Uni, les principaux bailleurs internationaux apportent d’ores et déjà un soutien à la Tunisie. Le mois dernier, le Royaume-Uni a consacré 10 millions de livres à un projet qui permettra à près de 10% des foyers tunisiens – plus de 60.000 foyers – l’accès à une énergie propre et peu coûteuse. La France, par exemple avec la Facilité Adapt’Action, au travers de l’AFD et Expertise France, appuie la Tunisie pour consolider la gouvernance climat, mieux intégrer les enjeux d’adaptation dans les politiques publiques, faire émerger des programmes d’adaptation et faciliter l’accès à la finance climat.

La crise sanitaire liée au coronavirus a eu un impact majeur sur nos économies et nos modes de vie. Elle a jeté une lumière crue sur nos faiblesses et nos vulnérabilités. Elle nous donne aussi l’opportunité de repenser nos modes de production, nos choix, pour engager le changement climatique. Ce travail doit être collectif, car il nous concerne tous: Etats, collectivités locales, entreprises et sociétés civiles.

La Tunisie s’est engagée à revoir son ambition climatique et à consolider sa stratégie pour l’adapter au nouveau contexte mondial. Il lui reste moins d’un an avant le rendez-vous de Glasgow pour relever ses objectifs climatiques. Nous gageons qu’elle saura relever le défi.

Par : M. André Parant, ambassadeur de France en Tunisie

M. Edward Oakden, ambassadeur du Royaume-Uni en Tunisie

M. Arnaud Peral, coordinateur résidentdes Nations unies en Tunisie

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