Le limogeage du ministre de l’Intérieur est la conséquence directe de ce bras de fer (visible et de plus en plus indiscutable) entre le Président de la République et  le Chef du gouvernement. Sans explication officielle, cette décision est justifiée par ce conflit de pouvoirs entre les deux hommes. Un «territoire» que l’actuelle constitution n’a pas bien délimité. Saïed se dit chef de l’armée et aussi des forces de sécurité, alors que Mechichi réclame ce pouvoir et demande que toutes les nominations passent par lui. Le ministre est limogé, on a donc un énième ministère qui fonctionne avec intérim. De plus, le «gap» entre le Président de la République et le Chef du gouvernement s’accentue au gré des événements. Et pourtant, c’était le candidat coopté par Carthage alors qu’aucun parti ne l’a proposé. Qu’est-ce qui s’est passé pour en arriver là ? Il s’agit d’un cumul d’incidents, de tentatives d’accaparer le pouvoir décisionnel et surtout de dissensions dans la vision politique. Un conflit néfaste entre les deux têtes de l’exécutif, comme ce fut le cas il y a quelques années entre Caïd Essebsi et Chahed. C’est même identique : le locataire de La Kasbah qui «se rebelle» contre le locataire de Carthage, qui l’a pourtant parrainé. La question des pouvoirs qui reste ambiguë dans cette constitution vague et lassante à expliciter est la première cause de cette dualité de l’exécutif. Mais il y a aussi d’autres considérations politiques (le positionnement), mais même personnelles. Risque-t-on de vivre d’autres épisodes en cet hiver «chaud» d’autant que l’on prépare d’autres remaniements qui éloigneraient les ministres «imposés» par Carthage ? Une chose est sûre, cela fragilise davantage le paysage politique tunisien, déjà tendu et confus. Quelle chance alors pour le Dialogue national arbitré par le Président et qui devrait trouver des voies de relance ? Si le Chef du gouvernement est si lointain, s’il a des dissensions avec le Président, il sera difficile d’imaginer un dialogue fructueux quand on sait que Mechichi a derrière lui la coalition des partis au pouvoir, ceux qui gèrent et maîtrisent les rouages de l’exécutif et du législatif. Après cet épisode, qui n’est pas le premier de son genre, on s’attend encore à ce que ce flou règne au sommet de l’Etat, on s’attend aussi à des prises de position des deux côtés, et des dossiers lourds qui vont «subir» les effets de cette dualité conflictuelle.

Il est clair que dans le cadre de la Constitution de 2014, seules l’harmonie et l’entente peuvent résoudre les problèmes des pièges constitutionnels relatifs au pouvoir exécutif. Le prochain remaniement va donner plus de pouvoir au Chef du gouvernement au détriment d’un Président qui mise sur l’Ugtt et quelques partis de l’opposition pour marquer des points. Comme quoi l’histoire est un éternel recommencement.

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