Hommage à Gilbert Naccache: Un vide impossible à combler

Maître Ladeb Mohamed Laïd*

Dans la vie, il y a des disparitions d’êtres humains difficilement remplaçables, qui laissent un vide incontournable autour d’eux. C’est le cas de feu Gilbert Naccache, «Papy» pour les intimes.

Servir son pays, surtout durant les années de braise, relatives à la lutte contre le colonialisme ou au combat contre les régimes despotiques qui refusent à leurs peuples leurs droits à la démocratie, aux libertés publiques fondamentales et aux droits de l’Homme les plus élémentaires est une tâche sacrée qui rapproche l’homme de la sphère des prophètes. C’est le cas aussi de feu Gilbert Naccache. Homme de gauche, juif tunisien, comme ses compagnons de la «Cellule 17», il a passé la fleur de son âge dans les geôles de l’ancien régime en chantant, en écrivant parce qu’ils avaient dans la tête un «Rêve», celui de vivre en Tunisie où régnera la justice sociale et où le respect des libertés publiques et des droits de l’Homme ne sont pas de vains mots.

La chance et le pouvoir d’être un homme de gauche

Ne naît pas homme libre, combattant et endurci n’importe qui et qui veut. Il faut s’abreuver dans les sources de l’Histoire des luttes des peuples, avoir lu les livres des grands penseurs, comme Marx et Engels, Trotsky, Gandhi, Mao Tsé-Toung, Che Guevara, Maurice Thorez, Michel Aflak, Farhat Hached, Tahar Al Haddad, Victor Hugo (son livre 93) et j’en passe.

Gilbert Naccache s’est enrichi de cet héritage irremplaçable de l’humanité. Marxiste, trotskyste éclairé, perspectiviste à son heure, il était l’homme capable d’affronter les hommes les plus despotiques (il l’a fait) au nom de la liberté et des droits de l’Homme. Il vient de rejoindre ses camarades, ses frères dans la lutte pour l’émancipation de l’homme et la libération des peuples du joug de l’oppression, du besoin, du sous-développement et de la misère. La liste est immense. Je n’en cite que quelques-uns : Farhat Hached, Chokri Belaïd, Serge Adda, Maya Jeribi et tant d’autres pour la Tunisie. Quelle chance qu’ils ont ces hommes de gauche qui n’ont pour arme que la force du cœur, de l’amour et de la tolérance. Il a rejoint aussi Thorez, Karl Marx, Lénine et Che Guevara qui l’ont accueilli avec joie et tous les honneurs qu’il mérite, libérés de leurs geôles, une fois la Tunisie libérée, ils ne sont venus quêter quelques poignées de dinars pour les années de braise qu’ils ont passées en prison ou dans les exils.

La grandeur de l’homme de gauche n’est pas à démontrer. Elle se vit et se voit dans son comportement quotidien, dans ses écrits et ses paroles.

Comme lui et des milliers de Tunisiens, nous avons senti un moment que nous vivons, le 14 Janvier 2011, une véritable Révolution, unique en son genre. Les Frères musulmans venus courir de leurs «hôtels 5 étoiles» de Paris, de Londres et de Berlin ont tout gâché et ont tout chambardé au nom de l’Islam politique.

Après 10 ans de leur gouvernement, il ne reste en Tunisie qu’un amas insurmontable de dettes, de rêves brisés, délivrés au «Corromptionnat-Virus» et au terrorisme. Hélas, il semble qu’il est parti «la mort dans l’âme», c’est peu dire pour ces âmes sensible et éclairées.

Un départ inattendu

C’est une vérité de La Palice que de dire que la gauche tunisienne s’est éparpillée et n’existe presque plus.

Les dernières défaites électorales de l’année 2019 sont là  pour nous dire tout le mal qui a frappé la gauche tunisienne. Narcissisme pour les uns, égoïsme effréné pour les autres, manque effrayant de coordination entre eux, absence de tact politique (les dernières déclarations de Hamma Hammami à propos de l’initiative de Abir Moussi qui sentent la misogynie et la phallocratie) ne sont que des signes révélateurs de l’absence douloureuse de toute vie dans la gauche. En ces circonstances du départ de Gilbert Naccache, ces paroles prennent une tournure presque tragique. Pour certains d’entre eux, ils ne veulent pas comprendre qu’un Rcédiste peut faire son autocritique et peut se ranger du côté des libertés et des droits de l’Homme. Ils refusent à Abir Mousi et tant d’autres ce droit, ce privilège. N’oublions pas surtout que le stalinisme a véritablement existé et a entaché à jamais certains esprits. Pour lutter contre le terrorisme et contre les confréries des Frères musulmans, la nécessité de s’unir, et je m’adresse aux forces vives et ouvertes de la classe politique tunisienne, et de constituer un bloc unique qui n’est plus une nécessité seulement politique, elle est désormais une obligation patriotique. Il y va de l’avenir de la Tunisie.

Je n’ai jamais eu l’honneur et l’ineffable plaisir de le rencontrer et de parler avec lui de toutes ces questions, mais je suis sûr que feu Gilbert Naccache sera du même avis.

Conclusion

Dans un article de presse, on ne peut tout dire, espace oblige. Des milliers d’idées foisonnent dans ma tête, je vous en fais part de la plus importante. Je vous dis que  feu Gilbert Naccache n’est pas mort. Les hommes de son envergure ne meurent pas. Ils vivent toujours parmi nous.

Lui, tranquille dans son coin, fume encore son «Cristal».

Les parfums de son «Cristal» avec les douleurs qu’il a endurées, les misères qu’il a vécues et les souffrances qui l’ont marqué nous parviennent de là où il dort, du cimetière «Bourjel», pour se répandre dans tous les coins de la Tunisie et du monde entier. «Des fleurs du mal» de Beaudelaire, je tirerais, pour en finir cette strophe de son poème «Recueillement». Il dit : «Sois sage,  ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille, tu réclamais le soir, il descend, le voici : une atmosphère obscure enveloppe la ville.

Aux uns, portant la paix, aux autres le souci».

Avec beaucoup d’amour et de respect, je te dis : «Dors en paix».

L.M.L

* Avocat à la Cour de cassation

et ancien universitaire

 

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