Vague de manifestations violentes dans les régions : L’écoute difficile des jeunes post-révolution

Au-delà de la dénonciation des actes de violence et de  pillage qui ont caractérisé les manifestations survenues dans plusieurs régions du pays, l’on est en droit de s’interroger si le gouvernement, le paysage politique et civil et aussi les experts qui prétendent posséder les recettes pour résoudre toutes les crises ont les moyens et la volonté de dialoguer avec ces jeunes et s’ils sont disposés à comprendre que ces jeunes sont différents de ceux des époques Bourguiba et Ben Ali

Qui sont ces jeunes ou plus particulièrement ces «enfants» qui ont participé aux vagues nocturnes de violence, de pillages et de vols ayant ravagé ces derniers jours plusieurs villes du pays et de nombreux quartiers populaires jouxtant la capitale et les grandes villes ?

Comment se comporter avec ces jeunes ou plus précisément comment les traiter, dans le sens qu’il faut dialoguer avec eux, écouter leurs préoccupations, leur donner l’opportunité de faire valoir leurs revendications, une fois la situation redevenue normale ou poursuivre l’approche sécuritaire employée jusqu’ici pour contenir les dégâts qu’ils ont occasionnés ?

Et les partis politiques ainsi que les organisations et associations de la société civile, que doivent-ils faire pour «accompagner» (un terme dont personne n’est pour le moment en mesure d’expliquer le sens) les efforts déployés par l’appareil sécuritaire et pour épauler les policiers comme le veulent ou l’ont exigé certains syndicats policiers dont les responsables n’ont pas hésité à déclarer que les sécuritaires «ont été lâchés et abandonnés face aux casseurs»?

Ces interrogations sont au centre des débats citoyens, des commentaires qui pullulent sur les réseaux sociaux et dans les talk-shows TV et radio et qui apportent quotidiennement des révélations, des indiscrétions et des déclarations officielles de la part des responsables au pouvoir et des partis politiques dans l’opposition ou faisant partie du «coussin parlementaire» soutenant le gouvernement Mechichi, lesquelles informations contribuent à maintenir la polémique vivace et à faire en sorte que le doute et la suspicion ne font que se renforcer dans les esprits des Tunisiens quant à la capacité de notre élite politique actuelle à trouver la solution idoine à «la révolte ou à la rébellion» de cette jeunesse qui n’appartient ni aux partis politiques ni aux organisations de la société  civile et qui ne reçoit — jusqu’à preuve du contraire — l’ordre de personne pour occuper la rue et menacer la stabilité de l’Etat.

Quand les récupérateurs se trompent d’adresse

Et à écouter l’adresse du Chef du gouvernement considérant que les protestations des jeunes sont légitimes, tout en  dénonçant les  actes de pillage commis lors de ces manifestations sans faire porter la responsabilité  à un parti ou une partie quelconque et en appelant à ouvrir le dialogue avec ces jeunes «dans le but de saisir ce qu’ils revendiquent et de les aider à réaliser les projets qu’ils pourraient proposer», en passant en revue les communiqués publiés par la majorité des partis politiques à démasquer ceux qui les manipulent et les financent et finalement en scrutant la déclaration de Abdelkrim Harouni, président du Conseil de la choura d’Ennahdha, et la proposition de Mohamed Goumani député et membre du bureau exécutif du même parti, selon qui «Ennahdha est disposé à déployer ses jeunes militants pour accompagner et soutenir les forces de sécurité ainsi que l’armée pour ce qui est de la préservation de l’ordre et de la protection de la sécurité et des entreprises publiques et privées», on découvre, encore une fois malheureusement, que nos gouvernants ne sont pas sur la même longueur d’onde et offrent aux Tunisiens une image de désunion, de désaccord et surtout d’incapacité désormais chronique à apporter les réponses idoines aux problèmes, aux crises et aux confrontations qui traversent le pays, notamment ceux opposant les jeunes post-révolution (ceux qui n’ont connu ni Bourguiba ni Ben Ali) au gouvernement Mechichi ou plus précisément le système politique né de la révolution du 17 décembre-14 janvier.

Et quand les trois présidences opposent aux contestations un discours qui traduit une incompréhension criarde quant aux causes qui ont poussé «ces jeunes à occuper la rue de nuit, à crier leur détresse et à accuser les politiques de leur avoir volé leur révolution et «usurpé» leurs rêves, sans oublier les approches classiques que préconisent les organisations professionnelles comme l’Ugtt et l’Utica pour faire face aux crises de 2021 en recourant aux solutions qui ont fait leurs preuves dans les années 90, voire 70 du siècle précédent, l’on ne peut qu’affirmer que notre élite politique se doit de sortir de sa léthargie, de s’adapter aux nouveaux contextes et défis charriés par la révolution et surtout par cette décennie de transition mal gérée ayant généré une fracture béante entre le paysage politique post-révolution et ses acteurs et clients auprès de qui ils sont censés promouvoir leur production.

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